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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 10 février 2010 à 15h00
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Monsieur le ministre, je veux d'abord saluer dans ce texte les dispositions de lutte contre l'insécurité routière, qui fait chaque année plus de morts en France que tous les crimes réunis. C'est d'ailleurs l'une des rares parties du texte où vous n'êtes pas décalé par rapport à la réalité douloureuse de l'insécurité en France aujourd'hui.

À l'instar de Delphine Batho et de Manuel Valls, je vous appelle à affronter le réel tel qu'il est et à rompre avec l'inanité de la politique du chiffre. D'une part en effet, utiliser des indicateurs de performance comme vous le faites, en particulier le taux d'élucidation, c'est porter une responsabilité directe dans l'explosion du nombre de gardes à vue. D'autre part, répéter en boucle que tout va bien, à défaut de tromper l'opinion, malheureusement aux prises avec l'explosion de la violence, finit par vous intoxiquer vous-même.

On se demande même si la première salle de shoot légale en France, comme l'évoquait notre collègue Goujon hier, n'est pas cet hémicycle, du moins les bancs de l'UMP et du Nouveau Centre, ou le banc des ministres.

Grisés par des indicateurs qui ne correspondent à rien, vous passez totalement à côté d'une réalité cruelle pour nos concitoyens : 50 % de violences contre les personnes en plus depuis 2002 !

Delphine Batho vous l'a dit : cette explosion aurait dû être la première des priorité de la LOPPSI.

Vous êtes malheureusement dans le commentaire ou l'évitement : vous rappeliez hier que les mineurs représentent la moitié des effectifs des bandes violentes mais vous n'étiez pas là quand l'Assemblée délibérait de ce phénomène.

Pire, en première comme en deuxième lecture, le Gouvernement a fait casser par une deuxième délibération des mesures de bon sens élaborées et votées par les députés de tous bords sur l'occupation des halls d'immeuble.

Vous soutenez que la peur de la sanction est la meilleure des préventions et vous ne cessez d'alourdir les peines encourues par les mineurs. La vérité est que jamais les mineurs n'ont été aussi violents ni aussi tragiquement victimes que ces dernières années.

Rappelons brièvement les événements des derniers mois.

12 janvier 2009 : un lycéen est poignardé en Mayenne.

10 mars: une vingtaine de mineurs armés de barres de fer font irruption dans un collège à Gagny pour tabasser des élèves.

19 mars: une bande s'introduit dans l'enceinte du collège Pablo Picasso à Garges-lès-Gonesse, là encore pour tabasser un élève à coup de marteau.

14 avril : un mineur est mortellement poignardé gare de Lyon par d'autres mineurs.

13 mai : un lycéen de 17 ans est grièvement blessé au couteau par un autre mineur à Champigny-sur-Marne.

15 mai : un collégien de 13 ans poignarde une enseignante en Haute-Garonne.

25 juin: un collégien de 13 ans est agressé au couteau par un élève exclu du même collège que lui.

6 janvier 2010 : un mineur est agressé au couteau par d'autres mineurs dans un centre commercial de Cergy-Pontoise.

8 janvier : Hakim, 18 ans, est mortellement poignardé par un autre élève dans son lycée au Kremlin-Bicêtre.

2 février : un élève de 14 ans est agressé à l'arme blanche au lycée Adolphe Chérioux à Vitry. Trois mineurs ont été mis en examen.

6 février : Malik, 17 ans, meurt poignardé par un autre mineur, porte de Saint-Cloud.

J'arrête là cet épouvantable énoncé dont le seul objectif était de vous rappeler que la violence des jeunes pose un vrai problème tout comme la banalisation du port de l'arme blanche. Malheureusement, aucune disposition de votre projet ne s'attaque à cette question que vous traitez même avec une certaine désinvolture.

Je vous ai adressé, le 22 septembre dernier, une question écrite sur l'ouverture dans mon arrondissement d'un commerce de vente d'armes factices sur le même trottoir qu'un collège et une école primaire, pour vous demander de faire appliquer une circulaire de 1998 donnant instruction au préfet d'interdire par arrêté le port et le transport de ces objets dans les lieux publics, dans les établissements scolaires et leurs abords.

Cinq mois plus tard, vous n'avez toujours pas répondu!

Cessez de vous griser à coup de lois et d'amendements de circonstance et soutenez la police au lieu de laisser croire qu'elle reste inerte devant un mineur de moins de treize ans seul en pleine nuit dans la rue. Ce n'est pas le cas, vous le savez.

Inlassablement nous ferons et nous défendrons des propositions. Nous avions déposé sur les violences en bandes et les violences scolaires quinze propositions contre les zones de non droit et pour la police des quartiers, contre les violences juvéniles et pour la prévention et la sanction précoce, contre la loi du silence et pour de nouvelles protections des victimes. Elles représentaient et représentent toujours une vraie stratégie de mobilisation pour lutter concrètement, avec tous les acteurs concernés, contre ces phénomènes. Vous les avez toutes rejetées.

À nouveau, parce que nous, nous n'abandonnons pas le terrain, nous formulons une trentaine de propositions, notamment celle de donner aux forces de police les moyens de faire respecter la règle plutôt que de multiplier les lois à mesure que sont supprimés des postes dans l'éducation nationale, la police et la gendarmerie.

Changez. Dégrisez-vous. Nos enfants s'arment et nos enfants meurent ! Parlons des vrais sujets et des vraies solutions. Nous n'attendons que cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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