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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 9 février 2010 à 21h30
Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

Nous sommes aujourd'hui saisis du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, présenté comme « un dispositif d'exception pour un sujet d'exception » et affirmant s'attaquer au problème de la sécurité.

Soyons clairs, ce projet n'est pas sans poser de nombreuses questions quant à l'évolution des libertés publiques et privées de ce pays. Depuis 2008, ce gouvernement impose une vision essentiellement répressive des problèmes de société en optant pour un amoncellement sans précédent de textes de loi visant à durcir la législation pénale ou les modes de surveillance.

Les problèmes sont ils résolus pour autant ? Loin s'en faut ! Au point de pouvoir affirmer qu'au lieu d'apporter une réponse aux problèmes rencontrés par les citoyens, les politiques prônées par ce gouvernement se soldent par un échec, comme vient de le rappeler Manuel Valls. Même si les chiffres de 2009 accusent une baisse relative de la délinquance, le ministre de l'intérieur a dû convenir qu'il y avait une poursuite de la hausse des violences.

Or, au lieu de prendre acte de l'inefficacité de cette inflation législative pénale en cherchant, par exemple, à recréer une confiance citoyenne, notamment dans les quartiers populaires, le Gouvernement propose un texte qui accroît la séparation sociale. À cet égard, l'exposé des motifs du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, en dressant la liste exhaustive des prétendues « menaces » intérieures et extérieures, révèle une conception de la société à la limite de la paranoïa, en tout cas de la suspicion généralisée.

Il en résulte un amalgame de mesures sans liens particuliers entre elles, visant tantôt à créer de nouvelles incriminations ou à aggraver les anciennes, tantôt à permettre à l'État d'instituer un régime d'impunité pour ses agents de renseignements ou de mieux surveiller et punir des populations ciblées.

Comme si le contenu de ces dispositions alarmantes n'était pas suffisant, le projet de loi est rédigé de façon complexe et inintelligible. En tout cas, il permet diverses interprétations. Le Syndicat de la magistrature fait bien de s'interroger sur les raisons qui poussent le Gouvernement à rendre ce texte inintelligible pour le justiciable et les professionnels en charge de le mettre en application.

Dans ce fatras de nouvelles dispositions, je voudrais me focaliser sur les éléments les plus inquiétants au regard des libertés publiques et du principe d'égalité des citoyens devant la loi. Je m'attarderai donc sur les aspects que revêtent la surveillance, la création d'un bloc d'impunité autour de la raison d'État, le dispositif particulier de la sécurité routière et les dispositions en faveur de la sécurité quotidienne et de la prévention de la délinquance. J'aborderai aussi la question des droits de la défense.

La vidéosurveillance se voit généralisée, ce qui était une des promesses du candidat Nicolas Sarkozy. Désormais, les entreprises privées, agissant comme personnes morales de droit privé, seront autorisées à placer des caméras donnant sur la voie publique. Les préfets pourront aussi autoriser l'installation de caméras en cas de « manifestations ou rassemblements de grande ampleur présentant des risques pour l'ordre public », cela avec l'accord du maire de la ville.

On assiste ainsi à une privatisation rampante du domaine public et de sa surveillance. Une telle politique se fonde une nouvelle fois sur un postulat d'efficacité qu'aucune étude n'est venue valider, et certainement pas l'exemple britannique qui précise que 80 % des images sont inutilisables et que 3 % seulement des délits ont pu être résolus à Londres avec ce système. Il s'agit, pour un responsable de Scotland Yard récemment cité dans le journal Libération, d'un « véritable fiasco ». Cela aurait dû inciter le Gouvernement à davantage de retenue.

A propos de la surveillance généralisée et sans contrôle de la population, diverses dispositions concernent les fichiers de police judiciaire, entre autres la recodification et l'adaptation des fichiers « d'antécédents ».

Rappelons que si le contrôle du traitement automatisé des informations nominatives reste confié aux procureurs de la République, ce qui est normal au vu des termes de l'article 66 de la Constitution – elle est « gardienne de la liberté individuelle » –, confier le contrôle de telles banques de données nominatives au parquet n'a de sens que si le statut de celui-ci est modifié pour garantir son indépendance, comme le demande fort justement le Syndicat de la magistrature, ce qui est toujours loin d'être le cas.

Il faut signaler que la constitution d'une telle base de données centralisée pour toute la population française n'est absolument pas compatible avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme concernant le droit au respect de la vie privée et familiale.

Ajoutons que ce projet prévoit d'augmenter la taille des fichiers dédiés aux infractions « présentant un caractère sériel », en abaissant de sept à cinq ans le quantum des peines encourues par les personnes mises en cause pour de telles infractions.

Cette nouvelle extension du fichage est injustifiée. Je voudrais juste rappeler que notre pays compte déjà cinquante-huit fichiers. Tout se passe comme si les limites du fichage de la population étaient sans cesse repoussées, au nom d'une efficacité toujours postulée, mais rarement étayée.

Manifestement, le fichage généralisé est en marche. Je souscris aux propos de Pierre Piazza, maître de conférences en science politique à l'université de Cergy-Pontoise, qui constate que « les dispositifs biométriques sont mis en place beaucoup plus rapidement que le cadre juridique censé protéger les libertés individuelles et la vie privée ».

N'oublions pas que le traité de Prüm, initialement signé en mai 2005 par sept États de l'Union européenne et instaurant la mise en réseaux de bases de données biométriques, va être appliqué par l'ensemble des États membres, en l'absence de sérieux débats parlementaires ou citoyens. N'y a-t-il pas ici un véritable déficit démocratique ?

En outre, si les autorités de protection de données existent bien, leurs moyens sont souvent limités. Ainsi, en France, la CNIL, qui dispose de pouvoirs de régulation, de contrôle et de sanction, compte quelque 120 personnes, contre 400 en Allemagne !

« Bon nombre des conséquences induites par la mise en place des dispositifs biométriques d'envergure n'ont pas été rigoureusement évaluées », pointe encore Pierre Piazza. « Selon les pouvoirs publics qui les mobilisent, ces procédés servent à lutter contre la fraude identitaire, la délinquance, l'immigration clandestine, le crime organisé, le terrorisme, etc. Mais les principes de proportionnalité et de finalité qui sont supposés être au coeur de la protection des données à caractère personnel ne sont pas toujours respectés ». Il y a effectivement de quoi s'inquiéter !

La surveillance, hélas, ne concerne pas seulement le fichage des personnes. Il s'agit aussi de surveiller l'utilisation des nouvelles technologies. Une série de mesures sont envisagées, à tel point que nombre d'associations des utilisateurs d'internet se sont mobilisées. Ce type de mesures ne revient-il pas à mettre en place un système de surveillance digne de Big Brother, même si le ministre a affirmé qu'il ne s'agissait que « de protéger les utilisateurs d'internet » ?

En fait, il s'agit bien de surveiller les utilisateurs des nouvelles technologies en facilitant les captations à distance des données numériques se trouvant dans un ordinateur ou transitant par lui, grâce à l'introduction d'un cheval de Troie, évidemment sans le consentement de l'intéressé, mais avec l'aval d'un juge – c'est la moindre des choses !

Il sera alors possible d'accéder aux données, de les collecter, les enregistrer, les conserver, les transmettre, d'« écouter » les frappes au clavier, etc., surveillance qui pourra durer jusqu'à huit mois et être mise en place à n'importe quelle heure.

Si la raison première est louable – il s'agissait de surveiller les réseaux pédophiles et le crime organisé –, la méthode non seulement ouvre la porte à une surveillance sans limite de tous les PC connectés à internet, mais risque de poser la question de la sécurité pour ces mêmes PC.

L'un des objectifs de ce projet est d'actualiser les moyens des forces de l'ordre face aux nouvelles technologies pour, entre autres, faciliter la maîtrise du flux migratoire et la lutte contre la fraude des documents officiels en instaurant une « carte nationale d'identité électronique » déjà annoncée en 2009.

Je continue avec les aspects problématiques de ce projet de loi et le chapitre IV intitulé « Protection des intérêts fondamentaux de la Nation », qui prévoit de créer un régime d'impunité judiciaire pour les agents de renseignement, leurs sources et leurs collaborateurs lorsqu'ils utilisent une identité ou une qualité d'emprunt – article 20 du projet.

Pis, la révélation, même involontaire, de « toute information qui pourrait conduire directement ou indirectement à la découverte de l'usage d'une identité d'emprunt ou d'une fausse qualité, de l'identité réelle » de ces agents ou de leur appartenance à l'un des services spécialisés de renseignement sera désormais réprimée sur le plan pénal par des peines allant de trois ans à dix ans d'emprisonnement, au prétexte vraiment sans fondement que « la nécessité opérationnelle de protéger l'identité de l'agent de renseignement et de son informateur apparaît indispensable ».

Sont également protégés, au même titre, les sources ou collaborateurs occasionnels d'un service spécialisé de renseignement. Mais ne soyons pas dupes, ces nouvelles dispositions pénales auront pour conséquence non seulement d'entraver gravement la liberté de la presse qui ne pourra plus révéler d'éventuels scandales ayant trait aux pratiques illégales ou abusives de ces services, mais aussi de porter atteinte à l'action de la justice et au principe fondamental de la recherche d'auteurs d'infractions. Les magistrats, eux-mêmes, seront passibles de telles sanctions s'ils enquêtent sur des dysfonctionnements. Il s'agit simplement de faire triompher la raison d'État au détriment de la justice et de la nécessaire recherche de la vérité. Combien d'assassinats politiques ont eu lieu sur le territoire français sans que les assassins soient arrêtés au nom de ladite raison d'État ? Je pense aux meurtres de Mehdi Ben Barka, d'Henri Curiel, d'André Mecili, de Dulcie September, de Pierre Goldman et de bien d'autres.

J'en viens à la partie de ce projet qui n'envisage la sécurité routière que sous l'angle de la répression.

Pour les infractions les plus graves, il est prévu l'instauration d'une peine complémentaire de confiscation du véhicule si l'auteur en est propriétaire ; l'interdiction, pendant cinq ans au plus, de conduire un véhicule non équipé d'un système d'anti-démarrage par éthylotest en cas de blessures involontaires ou d'homicide commis au volant ; et la création d'une nouvelle incrimination pénale en cas de trafic de points de permis de conduire.

Signalons au moins une bonne mesure prise par la commission : l'obligation faite aux bars de nuit et discothèques de mettre gratuitement à disposition des éthylotests. Mais les aspects positifs s'arrêtent là, en effet, ce projet permettra de rattacher l'automaticité de la confiscation à un précédent pénal sans lien direct avec la nouvelle infraction poursuivie, ce qui est contraire aux principes fondateurs du droit pénal.

Bien sûr, les jeunes ne sont pas oubliés dans ce projet. Parmi les dispositions adoptées, le couvre-feu pour les mineurs et le contrat de responsabilité parentale sont deux mesures symboliques qui susciteront sans doute de vrais débats.

Le ministre de l'intérieur avait annoncé, à la surprise générale, son souci d'instaurer un couvre-feu général pour les mineurs délinquants de treize ans, sans que rien dans l'actualité ne justifie une telle disposition. Face aux réactions sur la possible inconstitutionnalité d'une interdiction d'aller et venir imposée aussi largement à toute une partie de la population, vous avez été invité à mieux tenir compte de la jurisprudence du Conseil d'État. Dès lors, il a été décidé que cette disposition serait mise en place par les préfets, département par département. Les préfets « pourront restreindre la liberté d'aller et venir des mineurs de treize ans » non accompagnés sur la voie publique, entre vingt-trois heures et six heures du matin « s'ils les jugent exposés à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité ». Certes, la décision préfectorale devra être motivée au regard des considérations locales et ne vaudra que pour une période limitée. Mais alors que cette disposition est prise dans l'intérêt de la sécurité du jeune, la nouveauté réside dans le fait qu'elle concerne l'ensemble des jeunes de treize ans, délinquants ou non. Sans vouloir être sarcastique, ironique, ou interrogatif, je rappelle qu'il y a des enfants délinquants avant et après treize ans. En quoi un enfant de treize ans pose-t-il plus de problème qu'un enfant de douze ou quatorze ans ? Je reviendrai sur cet article 24 bis car je ne comprends pas pourquoi il ne s'appliquerait qu'aux enfants de treize ans. C'est pour le moins curieux, et l'on comprend que ce projet de loi n'est qu'un texte d'affichage motivé par des soucis électoralistes, à quelques semaines des élections régionales.

Quelle innovation cette disposition apporte-t-elle au regard du droit actuel ? Aucune. En effet, un enfant de treize, voire quatorze ou quinze ans, trouvé par la police ou même par un simple quidam, isolé dans la rue au coeur de la nuit, doit être conduit au commissariat pour que ses parents soient prévenus. Et si ces derniers s'avéraient injoignables, ou hors d'état de faire face à la situation, alors il doit être confié par le parquet à l'aide sociale à l'enfance. Ne pas réagir devant un enfant esseulé dans la nuit dans la rue relève de la non-assistance à personne en danger et peut valoir cinq ans d'emprisonnement.

Tout comme les quelques arrêtés municipaux instituant un couvre-feu qui ont vu le jour depuis une dizaine d'années sous le contrôle des tribunaux administratifs, ce texte n'apporte rien sur le plan juridique. Il se veut un rappel formel de la loi civile à destination des parents et des enfants, et des obligations pesant sur la police et sur chacun d'entre nous.

Il sera intéressant de voir comment cette disposition va s'appliquer si elle est maintenue : comment le préfet décidera-t-il ? Avec quels éléments ? Devant quelle défense ? Avec quels recours pour l'intéressé ?

On aurait pu imaginer d'autres modes de communication pour rappeler aux parents leur responsabilité de surveiller et d'encadrer leur enfant, et rappeler aux enfants que leur place durant la nuit est chez eux, avec leurs parents. Il a plutôt été choisi de menacer les parents d'une amende de quatre cent cinquante euros. Ce n'est pas cette somme qui les amènera à instaurer ou restaurer leur autorité, ni à réaliser que seul dans la rue durant la nuit, leur enfant est en danger. Si la crainte d'une amende avait une telle vertu, ce serait fantastique.

Ce faisant, on fait l'économie d'une vraie campagne de communication sur les responsabilités parentales et le devoir de surveillance des parents, qui est plus étendu que ce que vise la loi.

Les horaires retenus ont-ils seulement un sens, et répondent-ils au souci de protéger les enfants ? Pourquoi vingt-trois heure ? Pourquoi pas vingt-deux, ou vingt-et-une heures ? À ces heures, il serait normal que les enfants ne soient pas seuls dans la rue. Protéger les plus jeunes n'est-ce pas aussi l'opportunité de rappeler à certains parents qu'ils ne doivent pas sortir le soir en laissant seuls des enfants en bas âge au domicile, les plus âgés de dix à quatorze ans étant en charge de surveiller les plus petits ? Une fois de plus, les rapports parents-enfants sont vus au détriment de la construction de la relation parents-enfants.

Dans le prolongement de la disposition sur le couvre-feu, la deuxième mesure ajoutée consiste à étendre les possibilités de recours au « contrat de responsabilité parentale ». Cette mesure, prise par le président du Conseil général, n'a de contrat que le titre puisqu'elle consiste à imposer aux parents un suivi social, accompagné d'une suspension des allocations familiales.

Or, la loi du 31 mars 2006 contient déjà ce type de disposition. Force est de constater qu'elle ne marche pas sur le terrain car elle est totalement contradictoire avec l'orientation moderne de l'action sociale en général, et de l'aide sociale à l'enfance en particulier, qui se veut une prestation de service proposée aux familles, et apportée avec leur accord.

Les présidents des conseils généraux répugnent d'ailleurs à mobiliser leurs travailleurs sociaux qui refusent, pour leur part – et c'est tant mieux –, d'être des « surveillants sociaux », mais se revendiquent « médecins du social ». Le contrat de responsabilité parentale entend instrumentaliser l'action sociale derrière le souci – par ailleurs légitime – de la prévention de la délinquance. Ce faisant, il fait peser le risque majeur de brouiller l'image du travailleur social, alors qu'il tente de gagner la confiance des parents et des enfants. Le danger est de renvoyer les travailleurs sociaux à l'image de contrôleurs sociaux à laquelle ils tentent d'échapper depuis quarante ans.

Par ce projet, le législateur montre une nouvelle fois qu'il a une singulière image de l'action sociale ; il est dans l'incohérence par rapport à ses propres lois et va générer de la crispation et des résistances.

Quand je dis qu'il n'y a rien de neuf dans ce texte, je me trompe. Il y a un élément nouveau, qui permet au préfet de décider d'un couvre-feu individuel pour un jeune. On ne saurait mieux dire que le Gouvernement, n'a décidément pas confiance dans la justice, procureur et juge confondus.

Je terminerai avec les propositions de notre groupe en matière de renforcement des droits de la défense lors de la garde à vue, devenue un « instrument banal de procédure » selon l'aveu récent du Premier ministre.

Il est grand temps que soit instauré : la présence de l'avocat, dès la première heure, au cours des interrogatoires ; le rétablissement de l'information systématique, en début de mesure, du droit de garder le silence ; la généralisation de l'enregistrement audiovisuel des auditions ; le droit d'accès, pour l'avocat, à l'intégralité du dossier de la procédure, et non aux seuls procès-verbaux d'auditions ; la suppression des régimes dérogatoires, à l'exclusion des dispositions protectrices des mineurs ; la présentation systématique de la personne mise en cause lors des prolongations de garde à vue, en présence de son avocat. De telles avancées sont d'autant plus nécessaires que : « Nous ne pouvons faire comme si la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme n'existait pas », comme l'a souligné avec emphase le chef d'État.

En effet, la Cour de Strasbourg a rappelé dans deux arrêts récents, Salduz contre Turquie du 27 novembre 2008, et Danayan contre Turquie du 13 octobre 2009, que toute personne retenue par la police doit pouvoir bénéficier d'une défense effective dès le début de sa privation de liberté.

Les termes de l'arrêt Danayan sont sans ambiguïté : « L'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. À cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer ».

À l'heure où plus d'un Français sur cent a été confronté à la garde à vue pendant l'année écoulée – plus de 800 000 gardes à vue –, il est urgent de mettre en conformité le code de procédure pénale avec le droit conventionnel et singulièrement avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Seule la présence de l'avocat, dès le début de la mesure de garde à vue, et son accès immédiat au dossier peuvent garantir au prévenu un procès équitable.

Sachons écouter les professionnels de la justice qui réclament cette mise en conformité et plutôt que de prendre des mesures répressives et réductrices des libertés, réfléchissons, dans le cadre de la réforme de la procédure pénale à venir, à un renforcement radical des droits de la défense pour parvenir à une véritable égalité.

Il serait grand temps que le Gouvernement tire toutes les conséquences de la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme sur la régularité des gardes à vue.

Depuis septembre 2001, de nombreux pays, dont le nôtre, ont adopté des stratégies de protection contre le terrorisme, présentées au grand public comme impliquant nécessairement plus de surveillance de chaque individu. Un tel lien de cause à effet n'a pas été démontré de manière scientifique, mais il n'en demeure pas moins que ces technologies sont devenues à la mode sous l'exemple et parfois la pression américaine. Nous devons ainsi à la précédente administration du président Bush la généralisation des passeports biométriques. Dans le même temps, nos concitoyens ne sont pas suffisamment informés de l'existence même de ces technologies d'identification. Parmi les nouveautés que présentent ces technologies, leur discrétion est sans doute l'une des plus inquiétantes.

L'attachement des Français aux institutions de protection des données personnelles et à la possibilité de sauvegarder leur vie privée est bien réel, comme le prouve la récente mobilisation contre la mise en place des fichiers EDVIGE. S'ils n'expriment pas les mêmes craintes à l'égard des nouvelles technologies de surveillance, c'est parce qu'ils n'en mesurent pas l'impact, notamment en termes d'atteinte à la vie privée.

L'adoption de mesures sécuritaires par les États s'effectue toujours dans l'urgence, sous l'emprise d'un contexte émotionnel très fort. Ce texte ne déroge pas à la règle, et notre groupe le regrette. Ce n'est ni dans l'urgence ni dans l'émotion que les libertés privées peuvent être préservées. À la lecture de ce projet auquel il ne faut pas oublier d'ajouter les projets de 1999, 2005 et 2006, portant sur des questions de sécurité sur le plan national. Nous devons prendre conscience que l'objectif est de criminaliser tout type d'activité, y compris celles qui ont pour base la motivation politique.

Au travers de ce projet qui limite les libertés publiques et individuelles, la fonction du droit est, non plus de changer le système juridique ou même de l'améliorer, mais d'être un instrument de répression politico-idéologique et de remise en cause des droits politiques et civils.

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