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Intervention de Alain Pichon

Réunion du 9 février 2010 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Alain Pichon, doyen des présidents de chambre, faisant fonction de premier président de la Cour des comptes :

S'agissant des niches fiscales, le rapport analyse le coût de certains dispositifs d'allégement d'impôts prévus par la loi dite Girardin de 2003. Ce dispositif apparaît singulièrement disproportionné. Nos contrôles en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna ont montré que ces dispositifs d'incitation à l'investissement privé conduisent l'État non seulement à rembourser aux investisseurs leur mise de fonds, mais aussi à les rémunérer très généreusement : dans ces territoires le rendement net de l'impôt est de 18 % pour l'immobilier, et le taux d'intérêt servi par l'État pour les investissements industriels à Wallis et Futuna peut atteindre 66 %.

Nous consacrons certaines insertions au contrôle et à la lutte contre la fraude dans plusieurs secteurs. Les contrôles fiscaux des entreprises et des particuliers ont été réorientés sur les erreurs et fraudes les plus faciles à détecter et à sanctionner pour offrir un plus grand rendement budgétaire. En conséquence, les contribuables ne sont pas égaux face aux contrôles, et les différents impôts ne font pas l'objet de la même attention ni de la même vigilance. La lutte contre la fraude à l'indemnisation du chômage a mobilisé l'Unedic et les Assedic au cours de la période récente, avec la création d'un corps d'auditeurs spécialisés et la modernisation des outils de contrôle. Cependant, Pôle Emploi reste largement démuni faute d'une coopération suffisante avec les autres services publics, à commencer par les préfets. Mais la Cour insiste surtout sur la nécessité de faire converger les assiettes et règles de recouvrement des cotisations d'assurance chômage avec celles de la sécurité sociale.

Nous examinons également la gestion du produit des amendes de circulation routière, qui ont rapporté plus de 1,5 milliard d'euros au budget de l'État en 2008, notamment avec la mise en oeuvre des amendes radars. Leur gestion reste marquée par une grande opacité, ce qui favorise la perpétuation de pratiques d'annulation d'amendes pourtant interdites par les textes. Il s'agit des fameuses « indulgences » qui concernent 8 % des amendes forfaitaires infligées dans le périmètre de la préfecture de police de Paris, soit plus de 500 000 amendes ayant fait l'objet d'indulgences irrégulières.

Nous avons examiné le fonds d'épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations. La loi de modernisation de l'économie de 2008 avait pour objectif de restaurer la viabilité financière de ce fonds. Malgré ces avancées et une très bonne collecte en 2008 et début 2009, l'équilibre du fonds d'épargne n'est toujours pas assuré. Le niveau des ressources du fonds dépend désormais largement de la politique commerciale des banques, tandis que le fonds a été très fortement mobilisé par l'État pour soutenir les établissements de crédit et financer une partie du plan de relance. L'État devra donc définir les conditions d'un nouvel équilibre entre les ressources et les dépenses du fonds pour assurer le financement du logement social.

Les programmes d'armement qui constituent, avec 12 milliards d'euros, la première dépense d'investissement de l'État, ont également retenu notre attention. Malgré quelques progrès permis par la loi de programmation militaire 2009-2014 récemment votée, la conduite de ces programmes révèle la persistance d'insuffisances bien connues : surcoûts, lenteurs, difficultés à se coordonner sur le plan international. Le programme A400M nous en donne une nouvelle illustration.

La Cour consacre ensuite de nombreuses insertions à la gestion des services de l'État et des organismes publics. Ces insertions visent non seulement à corriger les dérives constatées, mais identifient également des gisements d'économies ou des réformes permettant d'accroître l'efficacité de l'action publique.

Avec le contrôle des systèmes de cartes d'assurance maladie, nous avons identifié des marges d'économies substantielles pour la branche, dont vous connaissez la situation structurellement déficitaire. Près d'un milliard de feuilles de soins électroniques sont transmises par carte Vitale chaque année, permettant une économie annuelle de 1,5 milliard d'euros à la sécurité sociale. Voilà un dispositif qui fonctionne bien et dont la France peut s'enorgueillir. Toutefois, l'assurance maladie reçoit encore 150 millions de feuilles de soins papier soit une dépense de 200 millions d'euros qui pourrait être économisée. Il faut donc une approche plus contraignante à l'égard des médecins encore récalcitrants à l'utilisation de la carte Vitale.

S'agissant de l'efficacité de la gestion publique à présent, plusieurs de nos insertions portent sur la gestion des ressources humaines, en raison du poids des rémunérations dans les budgets publics et du rôle des personnels dans la productivité et la qualité des services publics.

Nous traitons à nouveau de la gestion des personnels de la navigation aérienne, qui est principalement dictée par le souci d'éviter des conflits sociaux tant une grève du contrôle aérien a un effet immédiat sur le secteur et sur ses usagers. Or, l'organisation du travail ne permet pas toujours de faire prévaloir la productivité et l'impératif de sécurité, en l'absence d'une gestion transparente des personnels. C'est pourquoi la Cour en est conduite aujourd'hui à remettre en cause le système des protocoles renégociés périodiquement avec les représentants syndicaux.

Malgré les efforts de la direction de la SNCF, la gestion de ses personnels demeure entravée par des rigidités qui pèsent sur les performances de l'entreprise publique. La réforme du régime de retraite des cheminots l'a rapproché de la situation de l'ensemble du secteur public et a permis d'apurer le bilan de l'entreprise, mais elle devrait se traduire par un surcoût de 380 millions sur la période 2010-2030, sans que cette évolution ne permette un rééquilibrage durable de ce régime subventionné à plus de 60 % par l'État.

Les relations sociales ont également évolué avec la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 21 août 2007 sur le service et l'information des usagers. Les résultats en sont meilleurs pour les grèves de portée nationale que pour les journées de grève localisées et tournantes comme il y en a eu à la Gare Saint-Lazare ou à Nice.

En outre, la productivité n'a pas suffisamment progressé pour tirer parti de la réduction des effectifs et pour permettre à la SNCF de mieux se confronter aux autres entreprises avec l'ouverture à la concurrence, notamment dans le secteur du fret.

Par ailleurs, nous avons contrôlé la RATP, dont le modèle économique est remis en cause par les perspectives d'ouverture à la concurrence.

La loi du 8 décembre 2009 a apparemment mis fin à un imbroglio juridique, comptable et financier sur la propriété et la gestion des infrastructures désormais attribuées à la RATP, tandis que le matériel roulant doit revenir au syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF.

En tout état de cause, les nouvelles conditions d'exploitation auront des conséquences comptables et financières sur lesquelles la Cour reviendra dès cette année dans le cadre de la communication que votre commission des finances nous a demandée à ce sujet. Cela pose également la question du portage par la RATP d'une dette de 4,3 milliards d'euros qu'elle ne paraît pas aujourd'hui en mesure de rembourser à partir de ses seules ressources.

Comme chaque année, la Cour a également examiné l'efficacité de certaines politiques publiques. Je n'évoquerai pas toutes les politiques étudiées dans ce rapport, limitant mon propos aux exemples les plus significatifs.

La lutte contre le surendettement des particuliers, qui a été mise en place par la loi Neiertz de 1989, n'a pas pu empêcher le doublement du nombre de dossiers déposés depuis cette date devant les commissions de surendettement.

Le projet de loi réformant le crédit à la consommation, que vous avez adopté en première lecture en juin 2009, devrait apporter de meilleures garanties de protection aux consommateurs, notamment aux plus démunis d'entre eux. La Cour considère néanmoins que de nouveaux progrès pourraient être faits dans la gestion des commissions de surendettement par la Banque de France.

L'impulsion nouvelle donnée à la politique en faveur des services à la personne n'a pas permis d'atteindre l'objectif de 500 000 nouveaux emplois, puisque seulement 108 000 emplois équivalents temps plein ont été créés entre 2006 et 2008, malgré des aides publiques massives dont le montant atteint 6,6 milliards d'euros en 2009.

De plus, cette politique a plus profité aux ménages aisés, par le biais d'exonérations fiscales ou sociales, qu'aux personnes les plus vulnérables ou les plus démunies.

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