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Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 9 février 2010 à 9h30
Convention de partenariat avec l'algérie — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

…visant à « criminaliser la colonisation française ».

Je sais aussi que, parfois, certaines déclarations ici peuvent provoquer une onde de choc qu'il ne faut pas sous-estimer sur l'autre rive. Le président Accoyer l'a bien compris en présidant la mission à l'origine du rapport sur les lois mémorielles, rapport qui fera date.

Pour tout dire, il me paraît vain de nous livrer à un relevé notarial des déclarations ressenties comme des agressions ou des provocations, car il en est toujours ainsi des souffrances mêlées.

Cette année dédiée à la mémoire d'Albert Camus, faite d'amour, de justice et de paix, nous a rappelé les valeurs sur lesquelles il faut construire : ne pas céder à la provocation, ne pas répondre à l'outrance sur le même ton, ne pas se laisser intimider, ne pas déférer au repentir, mais tout simplement tendre la main. Tendre la main pour dire que nos deux pays doivent non seulement faire la paix des États, mais aussi celle des mémoires. Tant que nous nous laisserons tirer vers le bas, nous ne pourrons rien construire de durable. Les peuples veulent qu'on leur tienne ce discours d'avenir car ce boulet qui nous entrave explique beaucoup de nos frilosités et de nos crispations.

Le projet de loi autorisant l'approbation de la convention de partenariat entre les gouvernements français et algérien a été adopté par la commission des affaires étrangères le 21 octobre dernier.

Si le choix a été fait de poursuivre nos échanges sur le fond de ce texte dans le cadre solennel de cet hémicycle, c'est à la fois parce que la relation bilatérale franco-algérienne est un sujet de débat et parce qu'une convention de partenariat n'est jamais un accord anodin, ainsi que l'a souligné le ministre.

La discussion en commission l'a bien montré : les liens entre nos deux pays s'inscrivent dans ce qu'un chroniqueur appelait « la poursuite régulière des amicales incompréhensions ». C'est ainsi qu'ont été évoquées les questions des harkis, des cimetières, des visas, ainsi que la question plus récente de ce qu'il convient d'appeler le néoprotectionnisme algérien en ces temps de crise économique.

Je reviendrai sur ce dernier point en particulier, bien qu'il ne soit pas directement du domaine de l'accord qui nous réunit ce matin. Mais, en tant que rapporteur du projet de loi d'approbation d'une convention de partenariat, j'ai aussi à coeur de souligner les aspects positifs de notre relation bilatérale, aspects qui doivent nous inciter à approfondir cette coopération qui profite évidemment à nos deux pays.

Forte de l'élan que lui a donné la déclaration d'Alger adoptée par les deux chefs d'État le 2 mars 2003 à l'occasion de la visite d'État du président Jacques Chirac, la coopération franco-algérienne s'est développée de manière remarquable au cours des quatre dernières années. La densité et la richesse des relations tissées entre nos deux pays leur donnent un caractère unique. Face aux défis de la mondialisation, il s'agit de développer un « partenariat d'exception » fondé sur des intérêts mutuels, sur la proximité géographique et sur les liens étroits nourris d'une histoire commune et d'une mémoire qu'il nous revient de partager.

Le document-cadre de partenariat établi pour la période 2007-2011 entre la France et l'Algérie est un instrument au service de la construction et de la consolidation de ce partenariat d'exception. En définissant pour cinq ans ses grandes orientations et les objectifs à atteindre, fixés d'un commun accord, le document-cadre de partenariat s'inscrit dans le cadre institutionnel de la coopération bilatérale établi par la convention de partenariat signée à Alger le 4 décembre 2007.

Le Sénat a adopté, le 20 juillet dernier, le projet de loi autorisant l'approbation de cette convention, qu'il nous revient à présent d'examiner. Moins qu'un traité d'amitié mais plus qu'un simple accord de coopération, cette convention de partenariat reflète la singularité de la relation franco-algérienne.

Le rapport écrit développe un panorama de l'état de notre coopération bilatérale, qu'il serait trop long de détailler ce matin. L'Algérie reste pour la France un partenaire commercial de premier plan. La France reste en effet le premier fournisseur de l'Algérie, en dépit de la crise. En 2008, notre part de marché s'établissait à 16,5 % ; elle a légèrement fléchi à 16,1 % sur les neuf premiers mois de 2009. Les échanges entre la France et l'Algérie ont plus que triplé en douze ans, dépassant pour la première fois en 2008 les 10 milliards d'euros, presque également répartis entre exportations et importations. L'Algérie est le premier partenaire commercial de la France en Afrique. Si l'on étend les comparaisons au reste du monde, l'Algérie est le troisième marché pour les exportations françaises hors pays de l'OCDE, après la Chine et la Russie. La moitié de ces exportations sont réalisées par des PME.

En dépit de ces statistiques satisfaisantes dans un contexte de crise économique et financière mondiale, les mesures à caractère protectionniste adoptées l'été dernier par ordonnance du président algérien en matière de commerce et d'investissement n'ont pas manqué d'inquiéter les sociétés étrangères, françaises en particulier. Le port de Marseille et l'économie de toute la région en pâtissent. La loi de finances complémentaire de juillet 2009 a en effet institué des règles plus contraignantes pour le règlement des achats internationaux, dont l'obligation pour les importateurs algériens de déposer une garantie équivalant à 25 % du montant de la transaction. Cette loi dispose également que tous les investisseurs étrangers devront prévoir un actionnariat national, résident, et majoritaire à 51 %. Par ailleurs, il est à présent nécessaire de nouer un partenariat avec un actionnaire national et résident, à hauteur de 30 % pour les sociétés étrangères, sans même parler du droit de préemption de l'État sur toutes les participations des actionnaires étrangers ni de l'imposition d'un moyen unique de paiement, dénommé « crédit documentaire ».

Ces mesures semblent difficilement compatibles avec les accords bilatéraux en matière de promotion et de protection des investissements. Je note en outre que, selon un porte-parole de la Commission européenne, elles posent des problèmes de conformité avec l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie, entré en vigueur en 2005 et qui doit faire l'objet de nouvelles négociations en juin prochain. Le commissaire désigné au commerce, M. Karel De Gucht, saura certainement veiller aux intérêts de l'Union et de ses entreprises.

Quoi qu'il en soit, cette évolution de l'orientation économique de l'Algérie ne fait que rendre plus nécessaire la poursuite de notre programme d'appui aux réformes économiques, destinées à encourager le développement d'un secteur privé exportateur et à promouvoir l'ouverture de l'économie algérienne, seule à même d'inciter les entreprises algériennes à se mettre à niveau, dans le contexte de la mondialisation.

Au-delà, la coopération au plus haut niveau politique entre la France et l'Algérie ne saurait se concevoir sans un ancrage dans la coopération concrète sur les domaines culturel, scientifique et technique. Tel est l'objet de la convention dont le projet de loi nous propose d'autoriser l'approbation.

La convention de partenariat entre la France et l'Algérie s'appuie sur une redynamisation des organes de concertation et sur une augmentation sensible de nos crédits d'intervention depuis 2000, atteignant un montant de 11,4 millions d'euros en 2008. La négociation de cette convention a été engagée en 2006 ; elle doit se substituer à la convention de coopération culturelle, scientifique et technique, qui, signée pour dix ans en 1986 et renouvelée en 1996, arrivait à expiration le 31 décembre 2006. De par l'ampleur des domaines couverts, cette négociation et la rédaction du texte ont constitué un véritable travail interministériel.

S'agissant du document-cadre de partenariat, le travail de réflexion avait été engagé dès le début de l'année 2005 puisque, durant cette période, plusieurs documents-cadres ont été signés avec les pays de la zone de solidarité prioritaire. Ce travail a pu aboutir en 2007. Il s'agissait d'adapter un modèle destiné prioritairement aux pays d'Afrique subsaharienne à la singularité de nos relations avec l'Algérie. Les deux textes, convention et document-cadre de partenariat, ont été signés à l'occasion de la visite d'État du Président de la République, Nicolas Sarkozy, en décembre 2007.

Quant au contenu de ces textes, la convention proprement dite doit se lire conjointement au protocole administratif et financier relatif aux moyens de la coopération. Ce protocole, signé le même jour que la convention, est également soumis à notre approbation. La convention doit aussi se lire avec le document-cadre de partenariat auquel elle renvoie, un peu à la manière dont une loi d'orientation renverrait à ses annexes descriptives pour la mise en oeuvre détaillée des grands axes fixés dans le corps du texte. Je précise toutefois que notre vote ne porte pas sur ce document-cadre, qui n'a pas la même valeur juridique que la convention.

La coopération décrite dans ce texte couvre un vaste champ ; éducatif, universitaire, culturel, scientifique et technique. Il s'agit aussi de coopération institutionnelle et administrative, de coopération décentralisée et, enfin, de « mobilité des compétences ». L'attention portée à l'éducation et à l'enseignement des langues mérite d'être soulignée : chaque partie doit promouvoir l'apprentissage de la langue de l'autre. Sont également encouragés les établissements d'enseignement et les centres culturels que chaque pays possède chez son voisin d'outre-Méditerranée.

Si la coopération dans les domaines de l'enseignement supérieur, des universités et de la recherche, de la formation des cadres, de la santé publique et de la protection sociale poursuit et développe des programmes existants dans le cadre de la précédente convention de 1986, les thèmes des médias et de la société de l'information sont nouveaux.

La coopération économique et financière, de même que le « développement d'un environnement favorable aux affaires » et la « promotion des investissements » devront aider à surmonter tout repli protectionniste, comme je le disais tout à l'heure. Enfin, la coopération en matière d'environnement, de développement durable et d'efficacité énergétique, éminemment d'actualité, pourra également trouver à s'épanouir dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée.

La convention de partenariat, qui précise quelles formes concrètes peuvent prendre les actions de coopération, mentionne expressément le recours au secteur public comme au secteur privé. Cela doit se lire comme la possibilité, nouvelle et bienvenue, d'un développement d'actions dans le secteur privé.

La fin du texte porte sur l'organisation institutionnelle du partenariat et de son suivi. Une commission mixte de partenariat présidée par les chefs de gouvernement est chargée de veiller à la bonne exécution de la convention et à la mise en oeuvre du document-cadre de partenariat. Dans l'intervalle des réunions de cette commission, la convention prévoit que se réuniront régulièrement un comité de suivi et, secteur par secteur, diverses instances de pilotage. Cette coopération s'appuie donc sur une armature solide et se fixe, dans un délai déterminé, des objectifs concrets à atteindre, mesurables par des indicateurs.

L'instrument d'approbation algérien a été reçu dès le 11 avril 2008. Mais, en l'absence d'approbation de la convention de partenariat par la partie française, aucun texte ne régit actuellement la coopération entre nos deux pays. Il est par conséquent grand temps que l'Assemblée nationale se prononce sur l'autorisation d'approbation de ce texte. Le Sénat l'a fait le 20 juillet dernier et je vous propose de voter vous aussi en faveur de ce projet de loi, à l'instar de la commission des affaires étrangères.

Qu'il me soit permis de souligner l'initiative prise l'année dernière par le Président de l'Assemblée nationale, de réunir une commission unissant le parlement algérien et l'Assemblée nationale. Cette réunion n'a pas encore eu lieu, mais, compte tenu de ce que nous avons appris ces derniers jours, un tel dialogue entre parlementaires français et algériens est d'autant plus d'actualité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

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