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Intervention de Paul Jeanneteau

Réunion du 26 janvier 2010 à 15h00
Lutte contre l'inceste sur les mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Jeanneteau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous nous retrouvons cet après-midi pour voter la proposition de loi déposée par notre collègue Marie-Louise Fort, visant à inscrire l'inceste dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux.

Aujourd'hui, dans notre pays, environ deux millions de personnes ont subi d'un père, d'un beau-père ou d'un autre membre de la famille un rapport sexuel forcé ou une tentative de rapport sexuel forcé durant leur enfance, et 20 % des procès d'assises concernent des infractions de type incestueux.

Au xxie siècle, la représentation nationale ne peut rester insensible à la souffrance muette de tant de victimes. Au xxie siècle, il n'est pas tolérable que l'inceste ne soit pas défini en tant que tel dans le code pénal. Nous devons donc nous prononcer en deuxième lecture sur ce texte important.

Sachez, mes chers collègues, que des victimes d'inceste nous regardent et attendent de nous des réponses fortes, claires et concrètes. En effet, à l'issue du vote de cette proposition de loi dans notre assemblée, en avril dernier, Marie-Louise Fort et moi-même avons reçu des témoignages de reconnaissance poignants de la part de victimes. L'une d'elle écrit : « J'ai suivi les débats sur la chaîne parlementaire, sachez bien que ces débats étaient de la plus haute importance pour nous et j'ai été profondément touchée de voir que certains hommes et femmes politiques se battaient pour nous, comme nous nous battons seuls depuis des années. Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie reliée au reste de l'humanité. » Une autre confie : « J'ai eu l'impression qu'on me sortait de la honte et que l'on me donnait enfin le droit d'être une femme et une citoyenne comme une autre. Je n'oublierai jamais… ».

Il est de notre devoir d'élus de légiférer pour que la souffrance de ces victimes soit reconnue et que leurs agresseurs soient jugés pour le crime qu'ils ont commis : un viol certes, mais plus encore un inceste. Car l'inceste n'est pas un délit sexuel comme un autre. Les relations sexuelles entre un mineur et un membre de sa famille constituent un véritable outrage. Un outrage vis-à-vis de la société, parce qu'un interdit fondateur vole en éclats, mais aussi un outrage vis-à-vis de l'enfant, parce que l'on porte une atteinte fondamentale à son innocence et à son équilibre. L'enfant se trouve agressé dans le lieu même qui a vocation à le protéger, sa famille, ce qui entraîne une confusion des schémas d'éducation. L'inceste est un abus sexuel particulièrement traumatisant, car l'enfant subit une agression commise par un membre de sa famille – au sens large du terme – représentant l'autorité. Le protecteur devient alors l'agresseur, la confiance fait place à la défiance, la sécurité à l'insécurité : tous les repères sont perturbés.

La famille qui, naturellement, offre à l'enfant tendresse et affection devient, lors d'un inceste, un lieu de violences, de contraintes et de soumission. Ceux-là mêmes qui doivent veiller avec amour sur l'enfant en deviennent les bourreaux. Quand l'enfant grandit et qu'il peut mettre le mot « inceste » sur ses souffrances, naît en lui une autre souffrance indicible : la honte. Et pourtant, ce n'est pas aux victimes d'avoir honte à la place de leurs oppresseurs !

L'inceste est à l'origine de graves dommages dans le développement de l'enfant. Comme le souligne à juste titre l'Association internationale des victimes de l'inceste, « l'inceste est une blessure de l'enfance qui, trop souvent, se perpétue jusqu'à la vie adulte et même parfois jusqu'à la vieillesse », avec son lot de conséquences : troubles affectifs ou relationnels, troubles psychosomatiques ou physiques, sans oublier les conséquences en termes d'insertion sociale ou professionnelle.

L'inceste perturbe également très fortement, non seulement les relations intrafamiliales, mais aussi les relations que la victime devra nouer avec sa propre famille, celle qu'elle va vouloir construire. Comment vivre sa propre parentalité lorsque l'on a été victime d'inceste ? Comment aimer son enfant sans le surprotéger ? Comment concilier désir d'enfant et sexualité en ayant vécu de telles souffrances ? Si la loi ne peut répondre à toutes ces questions, elle a le pouvoir de briser ce tabou et de libérer la parole des victimes.

Inscrire et définir l'inceste en tant que tel dans le code pénal fait de l'inceste un délit à part entière. Mais qu'est-ce que l'inceste, si ce n'est une contrainte exercée au sein de la famille ? Au nom du groupe UMP, je me félicite de voir la contrainte mieux définie dans cette proposition de loi. Elle nous rappelle que la contrainte qui s'exerce sur la victime peut être physique ou morale. Cette contrainte morale peut résulter d'une autorité de droit ou de fait, et de la différence d'âge entre une victime mineure et l'auteur des faits.

En aucun cas on ne saurait parler de consentement lorsque l'on évoque l'inceste. L'autorité parentale, en menaçant et en culpabilisant l'enfant, cherche à lui imputer une partie de la responsabilité de ses actes. En lui imposant le silence, elle fait croire à l'enfant qu'il est consentant. En réalité, jamais un enfant n'est responsable de l'abus, il est victime et non coupable.

La contrainte imposée à l'enfant s'exerce au sein de la sphère familiale dans laquelle il devrait s'épanouir et être aimé. C'est pour renforcer cette idée que nos collègues sénateurs ont substitué, à l'article 1er de cette proposition de loi, le terme de « famille » à l'énumération proposée initialement. Considérer les viols et les agressions sexuelles comme incestueux s'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur, par un ascendant, un frère, une soeur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin de la famille ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, permettra aux juges de s'adapter à l'ensemble des configurations familiales.

S'il est primordial de définir l'inceste et de le condamner, protéger les victimes l'est tout autant. C'est pourquoi le législateur a souhaité permettre au juge de retirer totalement ou partiellement l'autorité parentale en cas d'inceste, de viol ou d'atteinte sexuelle, et au procureur de désigner un administrateur ad hoc. Pour ce qui est de cette mesure, le Sénat a judicieusement proposé que le juge d'instruction ou le procureur de la République puissent en décider autrement s'ils motivent spécialement leur décision.

Lutter contre l'inceste, c'est aussi prévenir. L'école joue un rôle fondamental en la matière. C'est pourquoi cette proposition de loi renforce la mission d'information des collèges et lycées en matière de violences et d'éducation à la sexualité. Soulignons combien il est important de former les professionnels de l'enfance afin de mieux comprendre et détecter les souffrances des enfants victimes. Ce texte le permet.

Le contenu des formations médicales relevant du domaine réglementaire, le Sénat a été contraint de retirer les dispositions qui les concernaient. À la suite de Marie-Louise Fort, je me permets d'insister, monsieur le secrétaire d'État, sur le fait qu'il nous faudra travailler sur ce sujet avec le Gouvernement afin de donner plus d'outils aux étudiants en médecine et aux médecins pour qu'ils puissent mieux appréhender l'inceste dans toutes ses dimensions : prévention, soins, conséquences psychologiques et physiques.

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