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Intervention de Bruno Le Roux

Réunion du 22 janvier 2010 à 21h30
Concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Avant l'article 1er, amendement 1433

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Le Roux :

Le présent amendement vise à préciser que « les choix par le législateur des modes de scrutin sont inspirés par le souci d'assurer le respect du principe constitutionnel de parité ».

Vous nous dites, depuis maintenant plusieurs heures, que ce principe est déjà garanti par la Constitution, ou du moins qu'il y est inscrit, et qu'il n'est donc nul besoin de le rappeler. Je souhaite à ce propos vous rappeler un certain nombre de données rassemblées par l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes dans un excellent guide, que vous avez certainement lu avant de faire les choix qui sont les vôtres en matière de modes de scrutin. Ce guide paru en janvier 2009 et qui s'intitule Les modes de scrutin et la parité entre les femmes et les hommes, fait une comparaison chiffrée, assortie d'un certain nombre de recommandations, entre les différents modes de scrutin au regard de leurs effets sur la représentation des femmes. J'en reprendrai les éléments les plus importants.

En ce qui concerne, d'abord, les élections sous contrainte paritaire, le résultat des régionales, avant la réforme constitutionnelle de 1999, donnait 27,5 % de femmes dans les conseils régionaux ; depuis les dernières élections, la proportion est de 47,6 %. Pour les élections européennes, elle était de 40,2 % avant la réforme de 1999, contre 43,6 % à l'heure actuelle. Pour les vice-présidences de conseils régionaux, cette proportion est passée de 15,1 % avant la réforme à 37,3 % aujourd'hui. Ainsi, quand il existe des modes de scrutin qui assurent une représentation effective des femmes, on parvient à un résultat qui tend vers la parité.

Je passe aux élections sous contrainte paritaire partielle, parmi lesquelles figurent les élections municipales. Avant la réforme constitutionnelle, on dénombrait 21,7 % de conseillères municipales, proportion qui est, depuis, passée à 35 %. Pour les législatives, la proportion de députées était auparavant de 10,9 %. S'agissant de ces élections, la contrainte est très externe, puisqu'il s'agit d'une simple pénalité financière. Il faudrait tout de même regarder comment nous pourrions faire évoluer les choses pour arriver enfin, dans notre assemblée, à un meilleur respect de la parité. Mais même avec cette contrainte limitée, on note malgré tout une nette progression, puisque l'on compte désormais 18,5 % de femmes parmi les députés. Pour les élections sénatoriales, là encore, l'introduction d'une part de proportionnelle met en évidence le bénéfice de ce mode de scrutin : elle permet de faire passer la proportion de sénatrices de 5,6 % à 16,9 %.

Quant aux élections cantonales, pour lesquelles la contrainte paritaire est très faible, la progression pour le nombre de conseillères générales est plus limitée puisqu'on passe simplement de 9,2 % avant 1999 à 12,3 %.

On le voit bien : il y a des modes de scrutin qui produisent des effets bénéfiques, vertueux, sur la parité, et d'autres qui se révèlent très réfractaires, en raison du fonctionnement des partis politiques et du poids de diverses pressions, telles que les traditions qui subsistent dans certains endroits, malheureusement encore beaucoup trop nombreux.

Je souhaite maintenant décrire à cette tribune les conséquences, dans le domaine de la parité, que laissent apparaître les projections sur les effets du mode de scrutin prévu pour l'élection des conseillers territoriaux. Je m'appuierai sur un document rédigé par Mme Danielle Bousquet, députée des Côtes d'Armor et vice-présidente de l'Assemblée nationale, qui, avec le concours de la délégation aux droits des femmes, a entrepris d'établir des simulations pour voir ce que peut devenir dans chaque région, par comparaison avec aujourd'hui, la parité. Il faudrait plutôt parler, d'ailleurs, de la représentation des femmes, car on est loin de la parité !

Avec la démonstration que je vais faire, vos prétextes ne tiendront plus. Vous avez défendu votre mode de scrutin en tirant argument du fait que la parité est un principe constitutionnel. Or, dans chaque région, et toutes choses égales par ailleurs, ce mode de scrutin entraînerait un recul majeur de la parité.

En Alsace – je prendrai chaque région l'une après l'autre (Murmures sur les bancs du groupe UMP) – il y a aujourd'hui, sur l'ensemble des conseillers régionaux et généraux, soit 122 élus, 28 femmes, ce qui correspond à une représentation de 23 %. Au conseil territorial d'Alsace, cette représentation, calculée sur la base des informations que nous pouvons avoir, serait de 9 femmes sur 61 élus, soit 14,8 %, une diminution de presque 10 %.

En Aquitaine, en 2009, sur 320 élus, le nombre de femmes est de 67, soit 21 % du total. La projection fait état de 30 femmes sur 160 élus dans le futur conseil territorial que vous souhaitez mettre en place, c'est-à-dire d'une proportion de 19 %. Certes, la diminution serait moindre qu'en Alsace, mais elle atteindrait tout de même 2 % ; c'est donc une régression de la représentation des femmes.

Dans la région Auvergne, chère à celui dont regrettons l'absence au banc des ministres (Sourires), je n'imagine pas que, compte tenu de la sensibilité qui est celle de M. Marleix, le mode de scrutin puisse entraîner un fort recul ! Et il est vrai que le recul est moindre dans cette région, ce qui tient sans doute beaucoup aux efforts de M. Marleix, ainsi que de nos propres amis. Aujourd'hui, il y a dans la région 46 femmes sur 205 élus, soit 22,4 %. La projection est de 21,4 % dans le futur conseil territorial, soit une baisse de 1 %. Même si cette évolution est minime, il n'en reste pas moins que la parité ne progresse pas non plus dans la région Auvergne.

Le résultat n'est pas différent dans la région Bourgogne (Soupirs sur les bancs du groupe UMP) où, aujourd'hui, il y a 47 conseillères régionales et générales sur un total de 231 élus dans cette région, c'est-à-dire 20,3 %. Le résultat de la simulation pour le futur conseil territorial, en donnant 22 femmes sur 116 élus, ramènerait cette proportion à 19 %, ce qui constitue là encore une régression du nombre de femmes, alors que tous les modes de scrutin, même ceux qui sont sous faible contrainte paritaire, ont entraîné, au fil des années, une progression en matière de parité. Pour la première fois, nous nous retrouverions en situation de régression, alors que cela n'est jamais arrivé ces dernières années, même, j'y insiste, avec des modes de scrutin pour lesquels la contrainte n'est que partielle.

En Bretagne, il y a 89 femmes sur 284 élus, soit un très bon pourcentage de 31,3 %. La simulation pour le futur conseil territorial donne 39 femmes sur 142 élus, c'est-à-dire, une proportion bien moindre puisqu'elle serait de 27 %, ce qui représente une diminution de plus de 4 % des femmes élues.

Dans la région Centre, nous passerions de 56 élues sur 275 conseillers généraux et régionaux – soit 20,4 % – à une proportion de 18,1 %. Là encore, la régression, assez faible, est tout de même flagrante par rapport à la progression que nous devrions connaître grâce à un mode de scrutin permettant de mieux mettre en oeuvre l'objectif de parité qui, vous l'avez rappelé, est constitutionnel.

En Champagne-Ardenne, il y a aujourd'hui 22,1 % de femmes, avec 43 élues. La simulation donne, demain, 20,4 %, soit 20 femmes sur 98 élus.

Dans la région Corse siègent aujourd'hui 25,8 % de femmes, avec 24 élues sur 93. Demain, la proportion sera de 8,5 % selon la simulation de Mme Bousquet, soit une diminution de plus de 17 %. Le pourcentage de femmes sera plus que divisé par deux avec le mode de scrutin que vous nous préparez pour les conseillers territoriaux.

Dans la région Franche-Comté, il y a 41 femmes sur 159 élus, soit 26 %. La projection, là encore, aboutit à une diminution en donnant une proportion de 23,75 %, avec 19 femmes. Ainsi, – car l'objectif n'est pas simplement le pourcentage –on voit bien qu'en l'état votre réforme des collectivités territoriales, non seulement fait diminuer fortement la proportion de femmes à l'intérieur de ces collectivités, mais en même temps entraîne une réduction considérable du nombre d'élues. Elle conduirait à ce que l'on passe, en Franche-Comté, de 41 élues à 19, ce qui revient à diviser par plus de deux le nombre de femmes ayant accédé à des responsabilités politiques ces dernières années. C'est une régression majeure pour notre pays !

L'Île-de-France compte aujourd'hui 251 élues parmi ses 669 conseillers généraux et régionaux. Demain, ce pourcentage ne serait plus que de 26 %, soit un recul de 12 %, avec seulement 88 femmes sur 335 élus – toutes choses égales par ailleurs : c'est naturellement une projection.

En Languedoc-Roussillon, nous sommes aujourd'hui à 19 %, avec 47 femmes parmi les 253 élus. Demain, selon la projection qui figure dans l'étude de Mme Bousquet, la proportion serait de 21 femmes sur 127 élus, soit 16,5 %. Là encore, c'est un recul de 2,5 % – alors qu'en six années, une progression aurait dû être possible en matière de parité.

Dans la région Limousin, on compte aujourd'hui 32 femmes parmi les 149 élus, soit 21,5 %. La projection donnerait 18,6 % seulement : ce serait, là encore, dans une région supplémentaire, une régression majeure dans la représentation des femmes.

En Lorraine, les femmes représentent 20,4 % des élus, et 15,7 % demain selon la projection des futurs élus territoriaux.

Je peux continuer avec Midi-Pyrénées. (Soupirs et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Aujourd'hui, 76 femmes représentent 19,8 % des 384 élus ; la projection calcule qu'elles ne seraient plus que 35 sur 192, soit 18,2 %.

Dans la région Nord-Pas-de-Calais, que connaît bien Bernard Derosier – qui a tout fait, au sein de son conseil général, pour essayer de favoriser l'accès des femmes aux mandats électifs, alors que la loi n'impose pas aujourd'hui de contrainte particulière pour les cantonales –, on passerait de 26 % d'élues à 21 % avec votre conseiller territorial, c'est-à-dire de 70 femmes sur 269 à 29 femmes sur 135 élus. Là encore, la régression est majeure.

En Basse-Normandie, on passerait de 19 % à 17 %, c'est-à-dire de 36 femmes sur 188 élus à 16 sur 94. En valeur absolue, on le voit, le chiffre baisse dramatiquement.

Dans la région Haute-Normandie, on passerait de 28,1 % d'élues à 25 % : cela représente un recul du nombre de femmes supérieur à 3 % ; on tomberait de 47 à 21 femmes ayant des responsabilités politiques.

Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, on passerait de 24 % à 19 % : un recul de 5 %, par le seul effet de la création de votre conseiller territorial et du mode de scrutin tel que vous le concevez aujourd'hui. On tomberait de 86 élues à 34 seulement parmi les futurs conseillers territoriaux !

Dans la région Pays-de-la-Loire, on passerait de 25,3 % aujourd'hui à 21,4 % demain. Ces chiffres devraient tous vous faire réfléchir, nous faire réfléchir, tant ils montrent ce qui est évident pour tous ceux qui ont regardé le mode de scrutin du point de vue de la représentation des femmes : c'est une régression pour la parité.

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