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Intervention de Anne-Marie Idrac

Réunion du 19 janvier 2010 à 17h15
Commission des affaires économiques

Anne-Marie Idrac, secrétaire d'état chargée du commerce extérieur, auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

La tâche qui m'est impartie m'imposant de passer les deux tiers de mon temps à l'étranger, je me trouvais entre Bombay et Bagdad au moment de l'examen du budget en commission élargie. Je vous prie à nouveau d'excuser mon absence.

Je précise que je conçois ma mission comme une mise en relation du local et du global : quand je suis en France, je passe en effet beaucoup de temps en région à visiter des entreprises, notamment dans les pôles de compétitivité.

Je présenterai le 5 février prochain les résultats globaux du commerce extérieur français pour 2009. Je m'exprime aujourd'hui sur la base des résultats des onze premiers mois de l'année.

L'année 2009 a été marquée par une forte contraction du commerce mondial, de l'ordre de 13 %, qui s'est traduite par une diminution de la demande mondiale adressée à la France. Nos échanges, tant à l'exportation qu'à l'importation, devraient subir un recul légèrement supérieur à la moyenne mondiale, à l'instar de ceux des autres grands exportateurs européens, dont l'Allemagne.

Vous l'avez rappelé, monsieur le président, notre déficit commercial avait atteint un niveau record en 2008 ; il devrait être en 2009 d'une quarantaine de milliards. Cette évolution est due, pour l'essentiel, à la diminution de la facture énergétique. Hors énergie, je crains que notre déficit ne se soit guère réduit.

La consommation s'est maintenue ; grâce au plan de relance, l'investissement public est positif ; nous attendons une reprise de l'investissement privé. Quant au commerce extérieur, sa contribution à la croissance a été positive durant les deuxième et troisième trimestres, à hauteur respectivement de 0,9 et 0,4 point de PIB.

L'automobile fait partie des secteurs d'activité qui ont le plus souffert de la crise, avec une baisse d'environ un quart des exportations. Il faut dire que nos principaux clients sont traditionnellement les pays européens : Allemagne, Espagne. Même si les mesures de prime à la casse, prises par l'Allemagne notamment sur notre modèle, ont eu des effets positifs dès le deuxième trimestre, le déficit du secteur a continué d'augmenter, du fait notamment des délocalisations réalisées par certaines entreprises françaises.

Dans le secteur agroalimentaire, secteur d'excellence pour la France, les exportations devraient connaître un recul et l'excédent se tasser, principalement en raison de la diminution des ventes de vins et spiritueux, en volume comme en valeur. Nous avons décidé, avec Bruno Le Maire, de mener un plan d'action particulier dans ce domaine, en accompagnement de la loi de modernisation de l'agriculture. Il est assez inquiétant de voir que l'Allemagne nous rattrape, pour ce qui est des parts de marché !

En revanche, le secteur pharmaceutique tire son épingle du jeu : il est le seul à avoir traversé la crise sans dommage, avec une augmentation des exportations de quelque 7 %.

Du point de vue géographique, nos ventes vers l'Union européenne et les États-Unis ont diminué. Leur recul est moins net à destination de la Chine – de l'ordre de 11 % seulement –, du fait de la vigueur de la croissance dans ce pays, et elles ont augmenté vers le Proche et le Moyen Orient, grâce notamment aux ventes d'avions.

Les grands contrats souffrent eux aussi de la crise, ce qui n'est guère étonnant dans la mesure où 40 % d'entre eux concernent le secteur aéronautique. Cela a fortement contrarié la progression enregistrée au cours des deux dernières années, qui avaient vu un doublement du montant des contrats par rapport à la décennie précédente.

Le déficit de la balance commerciale n'est que la partie émergée de l'iceberg : c'est, structurellement, la compétitivité de l'économie française qui est en cause. À cet égard, mes principaux leviers d'action sont le crédit d'impôt recherche, les pôles de compétitivité, la politique en faveur de l'innovation et, à compter de cette année, la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements. Ce n'est pas un hasard si le fil rouge de la politique économique impulsée par le Président de la République est le renforcement de la compétitivité de nos entreprises.

Si notre déficit se creuse, c'est aussi en raison des mauvais résultats de l'économie allemande en 2009. En conséquence, le marché allemand, qui est notre principal marché, a été moins dynamique, et les importations ont reculé. Un déficit commercial n'apporte pas que des mauvaises nouvelles ; en l'occurrence, il traduit un différentiel de croissance avec nos voisins européens, dans la mesure où nous avons davantage consommé et importé qu'eux.

S'agissant des négociations de l'OMC, je doute que, malgré les appels réitérés du G20 et les efforts de Pascal Lamy, le cycle de Doha puisse être conclu en 2010. La dernière réunion interministérielle, qui s'est tenue à Genève en décembre dernier, l'a souligné : la balle est dans le camp des États-Unis. Or, j'ai eu l'occasion de le constater sur place, il sera sans doute très difficile au président Obama de trouver l'énergie politique et la majorité nécessaires pour aboutir à un accord.

La France et l'Union européenne souhaitent quant à elles une conclusion équilibrée du cycle de Doha. En particulier, nous ne ferons aucune concession supplémentaire sur le volet agricole, refusant d'aller au-delà de ce que nous avons accepté il y a quelques années en termes de restitutions et de protections douanières. Telle est la position que Bruno Le Maire et moi-même avons réaffirmée à la tribune de l'OMC.

En outre, conformément au souhait du Président de la République, la France milite pour que l'OMC s'attaque à de nouveaux sujets.

Il convient tout d'abord de réintroduire dans les négociations des volets qui n'auraient jamais dû sortir du cycle, comme l'investissement ou les marchés publics. On constate en effet, à l'occasion des plans de relance, qu'il existe, faute de discipline internationale, un fort risque de protectionnisme dans ce dernier domaine. Comment l'OMC peut-elle être crédible si elle ne s'empare pas de sujets si importants pour les échanges internationaux actuels ?

Il faut ensuite aborder les questions du XXIe siècle, comme le lien à établir entre négociations commerciales et négociations sociales. Le Président de la République a ainsi fait en sorte que le directeur général de l'Organisation internationale du travail soit associé aux travaux du G20 ; il convient de créer des relations, y compris juridiques, entre les règles de l'OIT et celles de l'OMC. S'agissant du climat, nous souhaitons lutter contre le dumping environnemental ; avec nos collègues européens, nous travaillons à la mise en oeuvre de mesures d'ajustement aux frontières.

Nous devons soutenir ces propositions, en premier lieu, à l'échelon de l'Union européenne, ce qui n'est pas toujours facile. Mais l'enjeu est d'importance !

Par ailleurs, la Commission européenne s'est engagée, avec notre autorisation, dans la négociation de plusieurs accords commerciaux.

Il s'agit tout d'abord de l'accord avec la Corée, qui devrait être signé au cours du premier semestre de 2010, et qui a fait l'objet d'une attention particulière en ce qui concerne l'automobile et le cinéma. Je me suis personnellement beaucoup investie dans ces négociations.

Nous sommes également en discussion avec l'Inde et le Canada. Comme il s'agit de pays fédéraux, la question des marchés publics y est cruciale.

La présidence espagnole s'intéresse en outre au développement des relations avec plusieurs pays d'Amérique latine, en particulier la Colombie.

Enfin, et c'est une nouveauté, nous entrevoyons la possibilité d'accords avec Singapour. Jusqu'à présent en effet, nous nous efforcions de négocier sur une base régionale plus large, mais il nous est apparu que les pays de l'ASEAN étaient trop divers pour cela.

S'agissant de l' « équipe de France de l'export », nous avons, sur la base d'un rapport parlementaire, voulu dynamiser l'agence pour l'internationalisation des PME, Ubifrance – qui est présidée par votre collègue Alain Cousin. Deux objectifs ont été assignés à la réforme : d'abord, renforcer les moyens en faveur des PME ; ensuite, améliorer la lisibilité et la cohérence du dispositif.

Le chantier est bien engagé. En 2008, nos efforts ont porté sur les aspects institutionnels, avec la signature de conventions entre, d'une part, Ubifrance et, d'autre part, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de commerce françaises à l'étranger et les conseillers du commerce extérieur de la France. En 2009, nous avons associé d'autres acteurs, comme OSEO ou l'Agence française de développement.

À ce jour, ce sont 45 bureaux dans 30 pays qui ont été transférés de l'État à l'agence ; l'opération a été gérée de façon remarquable et s'est accompagnée d'une professionnalisation des personnels. À la fin de 2010, Ubifrance comptera 63 bureaux dans 44 pays. Dans le même temps, ses crédits ont été considérablement renforcés, non pour couvrir des frais de structure, mais pour augmenter le montant des aides aux PME. Les taux de subvention pour la participation à des salons sont ainsi passés, en moyenne, de 35 à 50 %.

Pour 2010, j'ai présenté à l'ensemble des acteurs concernés un « Programme France » commun, qui rassemble, sous une même bannière, l'ensemble des opérations collectives d'accompagnement des entreprises à l'étranger.

Les résultats sont là : le nombre de missions d'entreprises à l'étranger a presque doublé en 2009, et nous avons totalisé près de 20 000 accompagnements, ce qui correspond à l'objectif fixé pour 2011 dans la convention d'objectifs et de moyens ! Le nombre d'entreprises bénéficiaires de l'assurance prospection a en outre augmenté de 40 %, sans doute grâce à l'amélioration et à la simplification du dispositif. En 2009, les chambres de commerce et d'industrie et les partenaires de « l'équipe France » ont recensé plus de 4 000 PME « primo-exportatrices », dont 3 000 ont fait l'objet d'un accompagnement à l'international.

À ce sujet, compte tenu de la contribution, passée et à venir, du Parlement à ce dispositif, je souhaite mettre plus particulièrement l'accent sur l'apport des volontaires internationaux en entreprise (VIE).

Ce dispositif propose aux entreprises de recruter des jeunes pour une période modulable, sans charges et dans le cadre d'un échange avantageux pour les deux parties. Le VIE permet en effet aux volontaires d'acquérir une première expérience professionnelle, qui débouche dans plus de 80 % des cas sur un emploi. Quant aux entreprises, il leur fait bénéficier, dans des conditions particulièrement favorables, de l'enthousiasme de jeunes professionnels pour créer des marchés, conclure des partenariats et développer des activités.

Il m'arrive fréquemment de remettre, à travers le monde, des prix VIE, et je dois dire que je suis impressionnée, parfois émue, par le dynamisme de ces jeunes gens et jeunes filles.

Nous avons donc souhaité renforcer ce dispositif, notamment à la faveur de la loi sur la formation professionnelle, qui a fait entrer cette forme particulière de contrat en alternance dans le décompte des formations pour le calcul de la taxe d'apprentissage ; par ailleurs, je souhaite que, dans le cadre de la proposition de loi sur le service civique, on continue à reconnaître cette forme de service civique particulière qu'est le service en entreprise.

Plusieurs simplifications et modifications sont en outre intervenues afin de rendre le volontariat en entreprise plus accessible aux PME, en particulier grâce à des formules de « partage » ou de « portage ». Résultat : en 2009, 500 nouvelles PME ont eu recours à des VIE, ce qui permet de compenser la relative diminution de leur renouvellement au sein des très grandes entreprises, en particulier dans le secteur automobile et bancaire, du fait de la crise.

S'agissant du soutien financier aux exportations et de l'assurance-crédit, nous avons souhaité, avec Christine Lagarde, mener une politique particulièrement proactive, conformément aux injonctions du G7G8 et du G20, les États ayant décidé au plus haut niveau de faire en sorte que le volume des transactions, touché par la baisse de la demande, ne soit pas de surcroît amputé pour des raisons financières. Nous avons donc adopté en janvier 2009 une politique d'assurance-crédit volontairement contracyclique ; elle a porté ses fruits, puisque les garanties accordées en assurance-crédit ont augmenté de 35 % et le nombre des dossiers traités de plus de 40 %.

L'ouverture de l'assurance-prospection aux entreprises de taille intermédiaire a été particulièrement bénéfique et les chiffres ont décollé cette année. Nous avons mené en la matière une politique très active, en accompagnant les entreprises sur des marchés nouveaux, comme l'Irak ou le Kazakhstan – pays auquel le président de la République attache, avec raison, une grande importance. Nous avons aidé, grâce à l'assurance-crédit, des entreprises qui traversent une période difficile, comme Avtovaz, partenaire de Renault en Russie, mais aussi de très grandes entreprises du secteur de l'aéronautique – nous avons pu assurer par ce moyen le financement de 200 Airbus en 2009 –, de l'aérospatiale, de l'énergie, des transports et de l'armement.

À la fin du premier trimestre de 2009, notre attention avait été appelée sur les difficultés rencontrées par les entreprises pour obtenir la couverture du risque de non-paiement par leurs clients étrangers. Au début du mois d'octobre, nous avons obtenu l'accord de la Commission européenne pour prendre des mesures calquées sur les dispositifs domestiques CAP et CAP +, dans lesquels l'État apporte sa contre-garantie afin que les entreprises bénéficient d'un système de garantie de la part de leur assureur crédit. À la fin de l'année, plus de 2 300 dossiers avaient déjà été ouverts, pour un encours de plus de 140 millions d'euros. Les autres indications dont je dispose tendent à confirmer que cet outil est parfaitement adapté aux besoins.

En 2009, grâce notamment au Parlement, des mesures ont été prises afin d'améliorer la compétitivité et la taille des entreprises françaises. Le dispositif du commerce extérieur a été remis en ordre et de nouvelles entreprises ont été poussées vers les marchés internationaux.

En 2010, l'enjeu sera de profiter de la reprise pour améliorer nos résultats, en gagnant des parts de marché, notamment dans les pays émergents, où sera la croissance. Nous devrons tirer parti des mesures prises et de l'ensemble de notre politique économique pour renforcer l'innovation, en particulier dans le secteur « vert », et pour étendre notre rayon d'action au-delà de l'Europe.

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