Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Pierre Nicolas

Réunion du 20 janvier 2010 à 21h30
Protection des consommateurs en matière de vente à distance — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Nicolas, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, monsieur le vice-président de la commission des affaires économiques Poignant, mes chers collègues, la proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter aujourd'hui vise à renforcer la sécurité du consommateur en matière de vente à distance.

Certains pourraient s'étonner de voir arriver en séance publique un texte traitant d'un sujet qui a déjà été abordé par notre assemblée et qui a déjà reçu un certain nombre de réponses.

En effet, outre plusieurs directives communautaires adoptées notamment en 1997 et en 2000 – je précise qu'une nouvelle directive visant à renforcer encore les droits des consommateurs est actuellement en cours de rédaction –, le législateur national s'est depuis longtemps attaché à faire bénéficier le consommateur à distance d'un certain nombre de garanties.

Ainsi l'ordonnance du 23 août 2001 fait-elle figure de texte fondateur puisque c'est elle qui a introduit la définition du contrat de vente à distance dans le code de la consommation. Elle a également renforcé les contraintes pesant sur le professionnel en matière d'informations à dispenser et elle a explicitement prévu l'octroi d'un délai de rétractation de sept jours francs au profit du consommateur.

Par la suite, la loi de juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique a spécifiquement traité du commerce électronique, posant notamment le principe selon lequel le professionnel était responsable « de plein droit à l'égard de l'acheteur » de la bonne exécution du contrat en cause, intéressant tout particulièrement le secteur de la vente à distance.

En 2007, le secrétariat d'État à la consommation a, de son côté, établi un baromètre des réclamations permettant ainsi de connaître chaque semestre la typologie des problèmes rencontrés par les consommateurs et, de ce fait, de suivre l'évolution du volume des réclamations et de leur traitement. Signe de l'efficacité des dispositifs précédemment mis en place, les résultats obtenus au fil des années ont mis en évidence une baisse constante des réclamations dans le secteur de la vente à distance.

Enfin, la loi Chatel de janvier 2008 a proscrit les appels surtaxés vers les hotlines, cette disposition bénéficiant tout particulièrement aux consommateurs ayant recours à la vente à distance sur les sites internet. Elle a par ailleurs remanié les conditions de rétractation du consommateur tout en renforçant l'obligation d'information qui incombe au professionnel.

Comme vous pouvez le constater, nous ne partons pas de rien ! Pour autant, le dispositif existant n'est pas suffisant eu égard à l'évolution permanente de ce type de vente. J'en veux pour preuve les scandales industriels qui ont affecté cette forme si particulière de commerce, provoquant ainsi des préjudices tant pour les salariés de certaines entreprises, qui, à la suite de faillites, ont perdu leur emploi, que pour les consommateurs. La fermeture de Multidiscount en mai 2007, le placement en redressement judiciaire de Show Room 2001 en octobre 2008, la liquidation judiciaire du Magicien des prix en mai 2009 et, surtout, la liquidation judiciaire de la CAMIF en octobre 2008, opérateur historique de la vente à distance en France, ont suscité plusieurs interrogations et une légitime incompréhension.

Par ailleurs, et bien que cela reste marginal au regard des presque 220 millions de colis envoyés à travers la France en 2008, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a reçu, pour cette même année 2008, environ 32 000 plaintes dans le secteur de la vente à distance. Même si cela ne représente qu'un faible pourcentage de mécontents, 0,015 %, on ne peut s'en satisfaire.

C'est l'ensemble de ces éléments qui ont motivé le dépôt de cette proposition de loi, que je porte avec un certain nombre de collègues, que je tiens d'ailleurs à remercier ici pour leur soutien et les échanges fructueux que nous avons eus sur ce sujet qui, on l'a déjà dit, concerne tout à chacun.

Pour ne prendre que les derniers chiffres disponibles, la vente à distance a représenté en 2008, pour la France, un chiffre d'affaires de plus de 25 milliards d'euros – en 2005, celui-ci n'était que de 8,7 milliards d'euros – dont plus de 85 % ont été réalisés par le seul commerce électronique. Il faut dire que les avantages du e-commerce sont multiples : diversité des produits offerts – en bien des cas, on peut même parler d'exhaustivité – ; possibilité pour tout entrepreneur, un groupe multinational comme un entrepreneur individuel, de toucher l'ensemble des acteurs économiques à travers le monde ; large comparaison des prix, la multiplicité des acteurs poussant en outre les prix de vente à la baisse de manière inévitable ; facilité mais aussi sécurité des transactions, facilité pour le consommateur qui peut acheter aux quatre coins du monde depuis son salon à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit.

En fait, une question se pose : comment faisait-on avant qu'internet n'existe et que le commerce en ligne ne se développe ? Et ce mouvement ne cesse d'explorer de nouvelles voies : par exemple, on constate dès à présent que le m-commerce, c'est-à-dire le commerce électronique effectué par le biais des téléphones portables, ne cesse de prendre de l'ampleur et que ses potentialités semblent sans limite.

C'est également à l'aune de ces diverses caractéristiques que l'on peut mieux comprendre la véritable floraison des sites de vente en ligne – dont je rappelle, et je tiens à insister sur ce point, que même si elle représente l'essentiel de la vente à distance, elle ne la résume pas pour autant, la vente à distance pouvant également s'exercer par le biais du téléphone, du fax, de l'envoi d'un bon en papier.

Ainsi, outre les acteurs historiques de la vente à distance – j'ai parlé de la CAMIF mais je pourrais également citer Les Trois Suisses, La Redoute –, on voit se développer les pure players, c'est-à-dire des acteurs qui n'exercent leur activité que sur internet, ainsi qu'un grand nombre de sites qui sont avant tout les relais de magasins traditionnels où le contact entre l'acheteur et le vendeur demeure la règle. Car, même si sa définition peut être discutée, telle est bien la principale caractéristique de la vente à distance : contrairement au commerce traditionnel, elle ne met pas en présence le consommateur et le vendeur. Or le délai de livraison du bien qui s'en suit constitue ipso facto une période à risque pour le consommateur. De plus, la floraison des vendeurs en ligne, dont on estime à plus de 60 000 le nombre actuel en France, suscite inévitablement l'apparition de marchands peu scrupuleux mus par l'appât du gain et qui ne présentent que peu de garanties.

Toutes ces raisons m'ont conduit, mes chers collègues, à déposer cette proposition de loi cosignée par de nombreux membres de la majorité et approuvée, dans son principe du moins, je l'espère, par un certain nombre de nos collègues de l'opposition.

Avant d'en venir au contenu proprement dit de ce texte, je tiens à en rappeler la philosophie. Cherchant avant tout à renforcer la protection des consommateurs en matière de vente à distance, il vise également à assurer un équilibre entre cet objectif et la liberté d'action des entreprises exerçant dans ce secteur – l'un ne doit pas se faire au détriment de l'autre, je tiens à insister sur ce point. C'est ce qui a d'ailleurs motivé la commission des affaires économiques lorsqu'elle a été conduite à refuser des amendements qui, tout en soulevant de réels problèmes, n'allaient avoir pour effet que de sanctionner trop durement les professionnels. Un équilibre existe, il nous appartient de le préserver.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion