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Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 20 janvier 2010 à 15h00
Représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Génisson :

Vous avez retenu le principe du quota pour assurer la représentativité des femmes dans les conseils d'administration et de surveillance. Ce choix est discutable, car les femmes sont la moitié de l'humanité. Dès lors, c'est le principe de parité qui doit s'imposer, et non pas l'application de quotas.

Toutefois, nous connaissons les obstacles qui se dressent devant ceux qui veulent l'égalité des hommes et des femmes. Vous avez été contrainte, madame la rapporteure, de proposer un quota. Mais, compte tenu de la progressivité, qui a d'ailleurs été aggravée par des amendements, nous aurions pu aller jusqu'à l'application du principe de parité dans les conseils d'administration.

Je voudrais féliciter les membres de la délégation, et vous particulièrement, madame la rapporteure. J'ai même envie de vous féliciter deux fois, quand j'entends les propos, que je qualifierai de réactionnaires, de certains de nos collègues.

Néanmoins, je considère que le périmètre d'application de la proposition de loi est très restreint. Elle traite de la représentativité, mais seulement pour certaines entreprises. Elle ne traite pas de tous les aspects de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Mais, même sur le seul sujet de la représentativité, il aurait pu aller beaucoup plus loin.

Nous aurions pu traiter du sujet non seulement pour les entreprises du CAC 40, mais aussi pour les moyennes entreprises, tout en sachant que la négociation sociale est difficile. Elle ne l'est d'ailleurs pas seulement en matière d'égalité professionnelle, mais, de façon plus générale, à propos de tous les sujets sociaux, dans les petites et moyennes entreprises. Il s'agit là, monsieur le ministre, d'un chantier majeur, auquel nous devons nous attaquer.

Il me semble également très important de parler de la représentativité des hommes et des femmes dans les organisations syndicales. En effet, c'est quand nous sommes dans les lieux de décisions, dans les lieux de pouvoir, que nous pouvons influencer ces décisions et l'exercice de ce pouvoir. Quand ces lieux sont extrêmement masculinisés, les hommes choisissent le modèle masculin d'organisation, non pas par discrimination, mais parce que c'est celui qu'ils connaissent. La question de la représentativité chez les partenaires sociaux est vraiment un sujet majeur.

D'ailleurs, pour avoir beaucoup travaillé sur la loi de 2001, au coeur de laquelle se trouvait la négociation sociale, à la fois spécifique et intégrée, je crois que l'échec de son application tient en partie à l'absence de réflexion et d'action sur le sujet de la représentativité chez les partenaires sociaux.

La question du rapport de situation comparée est également un sujet complexe. Je vous remercie, madame la rapporteure, d'avoir déposé un amendement sur ce point.

La représentativité dans les fonctions publiques n'est pas du tout évoquée dans ce texte. Cela ne relève peut-être pas de la loi, mais la question aurait pu au moins être abordée dans l'exposé des motifs. Nous savons que, si le secteur privé n'est pas exemplaire, les fonctions publiques, notamment la haute fonction publique, ne le sont pas non plus. Voyez la proportion de femmes parmi les recteurs : 7 %. Ou encore à la tête des ARS : 27 %. Là aussi, nous pourrions faire beaucoup. J'en discutais récemment avec Michel Sapin, qui, lorsqu'il était ministre de la fonction publique, avait favorisé la féminisation des jurys qui président aux nominations dans la fonction publique. C'est un sujet sur lequel nous pourrions avantageusement travailler.

Pour en revenir au texte lui-même, je dirai que la progressivité proposée est trop longue. Pourquoi avoir étendu le délai à six ans, avec ce palier de 20 % en trois ans ? Nous aurions pu faire mieux.

Par ailleurs, nous sommes plutôt dans le registre de la pétition de principe. En effet, au terme de la période de six ans, aucune sanction n'est envisagée. On sait pourtant que, sans sanction, il ne se passe pas grand-chose. Je me souviens de la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, présentée conjointement par Mme Ameline et M. Bertrand. Son article 5 prévoyait des sanctions dans le cas où l'on constaterait, trois ou quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi, une absence d'amélioration en matière d'égalité professionnelle. Force est de constater que nous sommes malheureusement dans ce cas de figure. Il faut savoir manier le bâton. C'est dommage, mais c'est ainsi.

S'il est important de traiter de la représentativité, afin de crever le plafond de verre, il convient aussi d'aborder la question de l'égalité professionnelle. C'est la deuxième partie de l'intitulé de ce texte, mais elle n'est pas du tout traitée, alors qu'elle constitue une question majeure. On sait que, encore aujourd'hui, la différence de salaire entre hommes et femmes est de 27 % en moyenne. On constate également une très grande inégalité d'accès aux métiers, aux promotions, aux formations.

Ces sujets sont majeurs. Ils concernent l'organisation du travail au sein des entreprises et des fonctions publiques, mais aussi, en amont, diverses réformes structurelles dans lesquelles nous devons nous engager. Je pense en particulier à l'orientation des filles et des garçons. On ne cesse de dire que les filles réussissent plus brillamment que les garçons, mais nous les retrouvons toujours dans les mêmes filières de formation, qui les conduisent toujours aux mêmes métiers, ceux du tertiaire. Cette question paraît prioritaire.

Il faut également aborder l'articulation entre les temps de vie. Si l'on constate aujourd'hui une amélioration, en particulier un moindre investissement des femmes dans l'organisation de la vie familiale, cela est dû, à la marge, à un plus grand investissement des hommes, notamment en ce qui concerne l'accompagnement dans l'éducation des enfants, mais absolument pas pour ce qui est des tâches ménagères. C'est plus la mécanisation des tâches ménagères qui a contribué à améliorer la situation qu'un investissement conjoint des hommes et des femmes dans la vie familiale.

Cela dit, le sujet est complexe. Certains dispositifs peuvent se révéler contre-productifs quand on ne les examine pas de manière assez approfondie.

Mais, au-delà de ces inégalités dans l'accès aux métiers et aux promotions, on assiste à une précarisation générale des conditions de travail, qui touche les femmes de façon dramatique.

J'insisterai en particulier sur le temps partiel subi. Aujourd'hui, plus de 1 million de femmes travaillent à temps partiel sans avoir choisi cette situation, source de grande précarité, de contraintes, de fatigues. Nous avons proposé, en commission des lois, un amendement à votre texte pour lutter contre le temps partiel subi. Les entreprises de plus de vingt salariés abusant du temps partiel subi, c'est-à-dire ayant plus de 25 % de salariés sous ce statut, pourraient voir leurs cotisations sociales augmenter de 10 %. Vous avez refusé cet amendement alors qu'il est urgent d'agir sur ce point. Je rappelle que 80 % du temps partiel subi concerne les femmes, et qu'il s'agit du principal facteur de précarité pour les femmes qui travaillent.

Je souhaite évoquer, à ce stade, le reportage diffusé le 7 janvier dernier dans l'excellente émission Envoyé spécial – vous voyez que je fais de la publicité pour la télévision publique. Il était consacré au multisalariat de femmes qui additionnent plusieurs travaux à temps partiel pour, au final, ne gagner que le SMIC. Me revient en mémoire l'exemple d'une femme de quarante-huit ans qui enchaîne dans une même journée, à partir de six heures du matin, quatre heures comme conductrice de bus, quatre heures comme monitrice d'auto-école, pour terminer dans la soirée en tant que vendeuse à domicile : tout cela pour ne gagner que le SMIC. Travailler plus pour gagner plus, c'est un slogan éculé. Nous sommes là, en outre, devant des situations inadmissibles.

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