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Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 19 janvier 2010 à 15h00
Concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Fabius :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes habitués, dans cette enceinte, à examiner différents types de lois : lois ordinaires, lois organiques, lois de finances, lois d'habilitation. Vous nous proposez aujourd'hui ce que j'appellerai une loi d'engrenage. Nous vous avons écouté avec attention, monsieur le secrétaire d'État, ainsi que M. le rapporteur Perben, et vous nous avez expliqué en substance, avec modestie – la modestie est une qualité, ce que n'est pas l'hypocrisie –, que ce texte, au fond, était la réplique d'autres, mais que, pour le futur, cela n'engageait strictement rien. Le problème, c'est que cela n'a pas le plus petit commencement de vérité.

Vous allez me répondre que c'est un orateur de l'opposition qui dit cela. Pour que les choses soient claires, je commencerai donc mon propos, qui sera en partie politique et en partie juridique, par la lecture d'un extrait d'un avis du Conseil d'État du 15 octobre 2009 que, dans votre discrétion bien connue, vous n'avez pas souhaité publier. Ce ne sont pas de dangereux représentants de l'opposition qui s'expriment ; ce sont des conseillers d'État. Le Conseil d'État a examiné les quatre textes formant un ensemble qui lui étaient soumis et voici sa conclusion :

« Dans ces conditions, le Conseil d'État a disjoint les dispositions du projet relatif au mode de scrutin ainsi que, par voie de conséquence, l'ensemble des dispositions du projet de loi relatif à la concomitance des élections cantonales et régionales qui sont liées à la mise en place des conseillers territoriaux. »

Monsieur le secrétaire d'État, les mots ont un sens. Si le Conseil d'État estime qu'il y a un rapport de cause à conséquence entre, d'un côté, les dispositions de tel ou tel projet et, de l'autre, celles relatives à la concomitance, cela signifie – je voulais le dire pour commencer puisque c'est le seul argument que vous avez défendu dans votre exposé – que, du point de vue juridique, l'affirmation selon laquelle ce texte spécifique n'engage pas l'avenir ne vaut pas un clou, pour parler vulgairement.

J'en viens à quelques considérations d'ordre politique – au sens noble du terme – qui, selon nous, expliquent pourquoi vous nous présentez ce texte. Ensuite, me souvenant de l'époque très lointaine où j'étais moi-même membre du Conseil d'État, j'articulerai quelques arguments juridiques auxquels il faudra bien répondre, ici ou ailleurs.

Sur le plan politique, les choses sont extrêmement simples. Depuis un peu plus de vingt ans, la France connaît un grand mouvement de décentralisation qui a été engagé par nous : à l'époque, la droite était contre, mais elle a ensuite reconnu, du moins une partie d'entre elle, la validité de ces dispositions. Après les grandes lois des années 80, après celles des années 90, après celles défendues notamment – il faut le souligner – par M. Raffarin, tout d'un coup, sous la présidence de M. Sarkozy, le mouvement est totalement inversé. Ce que vous appelez la « réforme territoriale » est en fait une régression territoriale !

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