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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 15 décembre 2009 à 15h00
La poste et les activités postales — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Nous savons d'ailleurs comment, grâce à des logiciels et des études ciblées, la Banque Postale s'apprête à développer sa mission d'accessibilité bancaire.

Ainsi, des dispositifs tels que Compas-clients nous révèlent comment La Poste offre des services financiers sur mesure à nos territoires. À l'appui d'un logiciel, La Poste calcule « la surface financière » selon la tranche d'âge de ces clients et selon les encours et les flux confiés à La Poste. À leur lecture, vous serez peut-être surpris de voir qu'une note chiffrée est associée à chaque client – ou usager. Moins on a d'argent, plus on est mal noté.

Les formats de banque postale s'adaptent déjà effectivement, comme il est indiqué dans le texte, aux territoires « selon leurs caractéristiques ».

Les consignes données par la direction de La Poste à l'appui du descriptif stratégique de Compas-clients sont claires : « Parce que les modes de déplacement, la gestion du temps et les formes de consommation varient selon que l'on se trouve au centre ville, en banlieue ou à la campagne, il faut adapter l'offre postale et la configuration des bureaux à leur situation géographique. Parce que l'activité de tout point de vente est liée au nombre de clients, le ciblage de l'offre doit tenir compte des flux observés et de l'activité dans les bureaux. Enfin, parce qu'à environnement égal et flux égaux, certains points de vente s'adressent à des clientèles spécifiques, de la ZUS aux zones touristiques, le réseau grand public doit proposer une offre sur-mesure, adaptée aux besoins de ces clientèles. » Fermez le ban. Simple logique commerciale, n'est-ce pas ?

Toujours est-il que depuis la création de la Banque Postale en 2006, de nombreux bureaux de poste ont connu dans les ZUS et dans les zones rurales des réductions d'horaires d'ouverture parce que les populations locales offriraient peut-être peu d'intérêt et d'apport financier pour La Poste.

On comprend par conséquent mieux que les stratégies mises en oeuvre se calquent sur « la variation des comportements de consommation ». Du « sur-mesure » ? C'est le moins que l'on puisse dire. Il reste aujourd'hui 11 000 bureaux, mais, régulièrement, de nouveaux bureaux ferment. La Poste estime à un peu moins de 2 800 points de contact les besoins de la banque postale pour un réseau optimisé à 6 000 bureaux.

Pas de crédit revolving, nous dit-on. Il est vrai que ce serait contraire à l'éthique d'un service public que d'encourager et de faciliter l'accès à des produits financiers susceptibles de plonger des familles dans le surendettement au moindre accident de la vie.

Pourtant, à en croire son immatriculation au registre de commerce et des sociétés, à partir de 2011, La Poste pourra : effectuer toutes les opérations de crédit à la consommation telles que définies à l'article L. 311-1 et suivants du code de la consommation, soit directement, à travers l'ensemble des canaux de distribution de La Banque Postale, soit à travers d'autres canaux de distribution ; concevoir une offre de crédit à la consommation ; exploiter et développer l'activité relative à la distribution de crédit à la consommation ; effectuer, dans le cadre de cet objet, toute opération d'intermédiation en assurance – et cela comprend le courtage d'assurances, conformément aux dispositions du code des assurances.

Ainsi, alors qu'aujourd'hui, une réflexion est engagée sur la possibilité de leur suppression – et alors que l'on discute même, au sein de la commission des affaires économiques, de questions liées aux problèmes de consommation et de surendettement –, La Poste, entreprise publique, pourrait proposer des crédits renouvelables.

Sur le million de dossiers de surendettement répertoriés à la Banque de France, 80 % comprendraient des crédits revolving, et ceux-ci seraient directement responsables, selon la Banque de France elle-même, de 75 % des cas de surendettement. Le surendettement des ménages est donc intrinsèquement lié au crédit renouvelable, celui-ci représentant une véritable catastrophe économique et sociale !

A la fin de l'année 2008, 2,5 millions de personnes étaient enregistrées dans le FICP, le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, ce qui dénote une grande difficulté des Français à rembourser les dettes accumulées via ces crédits.

Alors, permettez-moi de poser une question simple : La Poste proposera-t-elle des crédits revolving et cela fait-il partie de la mission d'accessibilité bancaire qui lui est assignée ?

La banalisation du Livret A, sous les injonctions de Bruxelles, est un mauvais coup pour La Poste, nous le disons tous. On estime que le parc actuel de logements sociaux – 4,3 millions de logements – a été financé à 80 % sur la base de prêts octroyés par la CDC à partir des ressources d'épargne sur Livret A qu'elle centralise. Cette proportion est d'ailleurs la même depuis plus d'un siècle. Les 20 % restant sont constitués de l'autofinancement des organismes de logements sociaux, de l'apport du 1 % patronal – qui n'a d'ailleurs plus rien à voir avec 1 % –, de subventions des collectivités locales, d'apports directs de la CDC, etc.

Aujourd'hui l'encours de prêts au logement social atteint encore plusieurs milliards d'euros, mais la masse d'épargne populaire non utilisée et les perspectives de remboursement des prêts en cours permettraient d'accroître l'effort de construction nécessaire pour répondre aux besoins des nombreux demandeurs de logements sociaux en attente à l'heure actuelle.

Si nous sommes convaincus de la privatisation de La Poste à brève échéance, c'est qu'elle est statutairement transformée depuis plus de dix ans pour offrir les services d'une banque ordinaire, d'une banque comme les autres, comme on dit. Cela a sans doute motivé la revendication portée devant la Commission européenne par quatre grandes banques françaises, la BNP, la Société générale, les Banques populaires, et le Crédit agricole, et par une banque hollandaise, ING Direct. Elles ont demandé à ce que la distribution du Livret A ne soit plus le « privilège » de ces anciens établissements d'intérêt général. L'intérêt général est donc, à leurs yeux, une distorsion de concurrence.

Suite à cette plainte, la Commission européenne a finalement décidé d'obliger – « d'obliger », façon de parler –, le 10 mai 2007, le Gouvernement français à ouvrir la distribution du Livret A à l'ensemble des banques européennes, publiques et privées, dans un délai de neuf mois. Le Gouvernement français a, dans un premier temps, affiché son intention de contester cette décision.

Mais une fois n'est pas coutume, le Gouvernement s'est finalement saisi de cette occasion pour aller bien au-delà de la demande initiale de la Commission européenne, puisqu'il a mis en cause, dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie votée en juillet 2008, l'ensemble du système du Livret A dans toutes ses dimensions ainsi que le rôle qu'y joue la Caisse des dépôts. Là encore, sous couvert de faire application des injonctions communautaires, la majorité a entendu fragiliser la notion même de logement social en compromettant son financement !

Par ailleurs, l'article 35 de cette loi, soumet la Caisse des dépôts et ses opérations au contrôle de la commission bancaire, comme n'importe quelle banque banalisée. Cela constitue, encore une fois, une remise en cause du statut public et de l'autonomie républicaine de la CDC vis-à-vis du pouvoir exécutif. Les opérations financières d'intérêt général conduites par la CDC seront désormais soumises à des critères de contrôle issus de la sphère financière privée, dont on a d'ailleurs pu observer la pertinence depuis quelques mois. Rien que cela remet en cause le respect des principes de continuité et d'égalité de traitement attachés au service public financier que constitue la CDC.

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009. Le paradoxe est là. Le système, public et républicain, du Livret A n'a jamais failli, en 200 ans d'existence, dans ses missions de protection de l'épargne populaire et de financement d'intérêt général, en particulier pour le logement social.

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