Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Daniel Paul

Réunion du 15 décembre 2009 à 15h00
La poste et les activités postales — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

On l'a vu faire ici, de la part de quelqu'un qui est aujourd'hui à la tête de l'État. Mais surtout, parce que la qualité publique d'un actionnaire, qu'il s'agisse de l'État ou de la CDC, dès lors qu'il agit dans le cadre « banalisé » du capital d'une société anonyme soumise au code du commerce, n'induit pas un comportement fondamentalement différent de celui d'un actionnaire privé !

Là encore, les exemples abondent. Je pense en particulier à l'ensemble des filiales « concurrentielles » de la CDC à capitaux majoritairement ou totalement publics, à ICADE, détenu à 60 % par la CDC, qui fut un temps le premier bailleur social français et qui aujourd'hui cède la plupart de ses activités de services – qui concernent 1 500 salariés – et la totalité de son patrimoine de logements à vocation sociale – 500 salariés –, à TRANSDEV, troisième réseau européen de transport en commun, détenu à 70 % par la CDC et employant plus de 40 000 salariés en Europe, que la CDC s'apprête à céder à son concurrent VEOLIA. Faut-il citer encore l'exemple du Fonds stratégique d'investissement, financé à 51 % par la CDC et à 49 % par l'État, dont la gouvernance est dominée par des grands patrons issus du privé et dont les premières actions d'investissement sont davantage inspirées par des logiques d'allégeance aux marchés que par la défense de l'emploi industriel.

Lorsqu'elle agit en investisseur « privé », la CDC exige un rendement de ses actifs à peine inférieur à celui fixé par les autres investisseurs. Sa doctrine d'investissement déjà citée dispose que « la Caisse des dépôts peut en effet attendre un retour financier significatif de participations substantielles dans des grandes entreprises françaises dont la rentabilité est " indexée " sur la croissance mondiale ».

Par ailleurs, dans l'hypothèse où la Caisse des dépôts et consignations participerait à l'augmentation de capital pour répondre aux besoins de financement de La Poste et pourvoir à ses besoins de développement, rien ne l'empêcherait de revendre sa part d'actions à tout moment. Les dernières interventions de la CDC semblent d'ailleurs laisser croire qu'elle limiterait son rôle à l'apport d'une aide transitoire à certaines entreprises en difficulté ou présentant un intérêt stratégique pour la France. En aucun cas, elle n'a donc l'intention de demeurer perpétuellement au capital de l'entreprise à laquelle elle apporte des moyens de financement !

On voit d'ailleurs mal comment la CDC, dès lors qu'elle investirait dans le capital d'une société anonyme, pourrait se voir interdire durablement la possibilité de céder tout ou partie de sa participation au capital de La Poste.

Permettez-nous donc d'avoir des doutes quant à la possibilité de préserver le caractère public du capital de l'entreprise en cas d'abandon du statut d'établissement public, car nous savons aussi quel fut le sort des grandes entreprises publiques soumises au même processus de transformation en société anonyme : leur privatisation à terme. La fusion intervenue entre GDF et Suez en est l'illustration.

Ce projet de loi est inconstitutionnel, car c'est au service public que la Constitution fait référence, pas au service universel.

Le texte contrevient au neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, que vous connaissez bien pour le citer souvent: « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».

Le service public national est le fait du législateur. Les services publics constitutionnels ne peuvent cesser de relever de la collectivité, même si le législateur en décide ainsi. Préciser dans la loi qu'un service public est national ne permet donc pas d'éviter une privatisation, cela garantit seulement que le législateur sera saisi, éventuellement, de la question.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion