Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 9 décembre 2009 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

…à moins que vous ne pensiez aux beaux quartiers, ce qui ne serait du reste pas plus juste.

Outre cette maladresse, nous regrettons de manière plus fondamentale que le Gouvernement n'ait pas songé à étendre le champ de ces contrôles et sanctions aux produits d'activités délictuelles ou criminelles placés à l'étranger à des fins personnelles, par exemple par les dirigeants de régimes dictatoriaux dans les pays en développement.

Rappelons en effet que les détournements de fonds et les transferts illicites d'argent public, y compris l'aide publique au développement, entre des comptes nationaux et des comptes personnels, sont considérés, depuis 1991, comme une violation des droits de l'homme par le Conseil économique et social des Nations unies.

Dans le même ordre d'idée, nous ne pouvons que regretter que l'article concerné ne vise pas les délits de corruption et de trafic d'influence par le biais desquels certains gouvernants du Sud ont pu s'enrichir personnellement en touchant des rétro-commissions de sociétés étrangères ou de l'argent provenant du budget de l'État en octroyant des marchés publics ou en cédant des entreprises publiques à leurs proches ou à des compagnies étrangères. En d'autres termes, où en sommes-nous aujourd'hui, en France, des fonds africains d'origine illicite ? Il nous semble que nous ne pouvons prétendre nous attaquer efficacement au traitement fiscal des activités illicites sans nous pencher également sur ces questions.

En ce qui concerne les paradis fiscaux, source d'instabilité financière, cause de pertes énormes en termes de recettes fiscales, estimées à 2,5 % voire 3 % du PIB, et, plus encore, lieux de détournement d'argent de la sphère économique et sociale, il convient de répéter qu'ils sont non seulement immoraux mais représentent une gangrène pour l'économie nationale et mondiale.

Contrairement à certaines annonces, les paradis fiscaux n'ont pas disparu comme par enchantement au lendemain du G 20. La liste grise établie par l'OCDE depuis avril 2009 est en effet tout sauf fiable.

Rappelons que le nouveau classement des « juridictions à secrets » établi par le réseau Tax justice network montre notamment que, parmi les dix premiers paradis fiscaux, seul Singapour figure encore dans la liste de l'OCDE. Ni l'État du Delaware aux États-Unis, ni le Luxembourg, la Suisse, Malte, les Îles Caïman, la City de Londres, l'Irlande, les Bermudes, la Belgique, Hong Kong n'y figurent alors que ces juridictions sont de vrais paradis fiscaux et épinglées comme tels par le TJN, grâce à un indice qui prend notamment en compte la mise en place ou non, dans les pays considérés, de lois antiblanchiment et l'effort pour développer une vraie coopération fiscale multilatérale.

Sur ce point, il faut bien admettre que les exigences de l'OCDE sont très insuffisantes puisqu'il suffit de signer douze conventions d'échange de renseignements fiscaux pour être retiré de la liste grise. Monaco s'est ainsi contenté de signer douze conventions avec d'autres paradis fiscaux ! Cela s'appelle un tour de passe-passe. Derrière l'image que tentent de donner le Président de la République et le Gouvernement de s'attaquer aux paradis fiscaux, car nos concitoyens acceptent de moins en moins ces tricheries et privilèges des riches, il y a beaucoup de faux-semblants.

L'échange d'informations devrait être complet, sans exclusive, automatique. Or il est ici simplement proposé de répondre à une demande si celle-ci est jugée « pertinente ». Mais qui décide de la pertinence de la demande ? La mise en oeuvre d'un plan de lutte contre les paradis fiscaux nécessite évidemment le renforcement des moyens des administrations fiscales. Or, là aussi, nous sommes dans le faux-semblant. Alors que le président Obama, aux États-Unis, a recruté 800 agents supplémentaires, le nombre de contrôleurs du fisc en France a diminué de 12 % entre 2002 et 2008 et il en aura perdu 15 % en 2011. Nous avons donc un sérieux problème de cohérence entre les objectifs affichés et les moyens qui y sont consacrés.

Supprimer les paradis fiscaux serait la seule mesure de justice et d'efficacité, une mesure de salubrité publique et d'efficacité économique. D'ailleurs, c'est simple : vouloir « contrôler » les paradis fiscaux est la confirmation qu'ils subsistent.

La nécessité est aujourd'hui de s'assurer d'une meilleure répartition des richesses, d'une meilleure allocation des ressources, d'orienter l'argent non pas vers la spéculation et les placements financiers, dont 80 % ne se réinvestissent pas dans la production, mais vers l'emploi, la formation, la recherche et l'investissement productif.

C'est le sens de la proposition que nous vous avons faite de créer un pôle financier public constitué autour de la Caisse des dépôts, la Caisse nationale de prévoyance, la Banque postale, la Banque de France, Oséo. Ce pôle pourrait être complété par une coopération renouvelée avec le réseau des banques mutualistes.

Réorienter la politique du crédit en faveur de la satisfaction des besoins, dans l'intérêt général et non pour la satisfaction des intérêts privés, est le meilleur des remparts contre la crise.

Dans ces circonstances, nous voterons contre le présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion