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Intervention de François Asensi

Réunion du 9 décembre 2009 à 15h00
Déclaration du gouvernement préalable au conseil européen et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Conseil européen des 10 et 11 décembre devra faire face à des enjeux majeurs, alors que la crise systémique du capitalisme se prolonge durablement et que les dangers d'une crise environnementale sont chaque jour plus palpables.

Le risque est grand de voir les peuples continuer à en subir de plein fouet les conséquences dramatiques : les peuples européens, avec l'installation d'un chômage de masse et une érosion continue des salaires et du pouvoir d'achat ; les peuples du Sud avec la persistance des famines, la déstabilisation des cours des marchandises, les dérèglements climatiques résultant d'un modèle de développement qui leur a été refusé.

Au vu des premiers éléments de conclusions dont nous disposons, tout porte à croire que ce premier Conseil européen depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne n'apportera pas les bonnes réponses.

L'Union européenne s'attend à 7 millions de chômeurs supplémentaires en 2010 ; la croissance demeure famélique après deux décennies de politiques libérales de rigueur et de compétitivité ; les inégalités sociales explosent avec des écarts de PIB par habitant variant de 1 à 20. Face à cette situation qui ne prête aucunement à l'optimisme, tous les leviers économiques devraient être mobilisés. Qu'en est-il d'une politique budgétaire européenne au service de l'emploi, de la révision du pacte de stabilité, de la refonte de la Banque centrale, de la suppression pure et simple des paradis fiscaux, de la taxation de la finance ?

Le Président de la République a annoncé triomphalement une victoire de la vision régulatrice française, mais cette victoire ressemble en tout point à une victoire à la Pyrrhus.

La mise en scène d'une opposition entre Londres et Paris sur la régulation de la finance ne trompe personne et les précédents, telle la directive Hedge funds qui accorde un blanc-seing aux fonds spéculatifs, localisés aux deux tiers aux îles Caïmans, ne plaident guère en faveur de la thèse d'une Union européenne régulatrice des marchés de capitaux. Si la France a réellement su imposer ses vues à Bruxelles et à Londres, monsieur le secrétaire d'État, faut-il s'attendre à ce que cette directive sous sa forme actuelle soit enterrée ?

On nous annonce des avancées considérables concernant la supervision macro-économique et micro-prudentielle. En réalité, la position arrêtée par les Européens est plus qu'insuffisante. Permettez-moi tout d'abord de souligner la faute grave qu'ont commise les dirigeants européens qui, aveuglés par la liberté des capitaux, ont mis en place un espace monétaire commun sans l'assortir d'un contrôle sur les banques. Nous en connaissons le résultat : 3 000 milliards de fonds publics appelés à la rescousse. Les entités de surveillance proposées s'inspirent du rapport libéral de M. de la Rosière, ancien directeur du FMI à son époque la plus dérégulatrice et actuel conseiller du président de BNP-Paribas, qui a provisionné 1 milliard d'euros pour les bonus de ses traders et détient vingt-trois filiales dans les paradis fiscaux. La régulation est entre de bonnes mains ! Ces entités, scindées pour les affaiblir, ne prémuniront pas contre de nouvelles crises. Leurs pouvoirs d'alerte et de sanction sont proprement inexistants et in fine soumis à l'accord des États.

Les cris d'orfraie poussés par la City ne sont qu'une diversion. La spéculation et les transactions occultes se poursuivront dans les îles anglo-normandes, au Liechtenstein, en Suisse ou au Luxembourg. Faut-il rappeler que la moitié du commerce mondial transiterait par ces paradis fiscaux qui abritent 11 000 milliards de dollars issus de divers trafics et de l'évasion fiscale pratiquée par des particuliers fortunés ou encore par des entreprises à travers les prix de transfert ? Les conséquences pour les États se traduisent par une perte de recettes équivalente à 2 % à 3 % du PIB, ce qui correspond bien évidemment à des sommes considérables.

Il est consternant que l'Europe, où se situent quatre des six places financières les plus opaques de la planète, soit le refuge de telles zones de non-droit. La parodie à laquelle s'est livrée l'OCDE en dressant des listes noires et grises recensant les paradis fiscaux illustre un manque de volonté politique flagrant. Il aura suffi à Monaco de signer plusieurs conventions d'échanges d'informations avec d'autres paradis fiscaux pour sortir de ces listes.

Monsieur le secrétaire d'État, allez-vous enfin agir pour que ces paradis fiscaux qui minent l'Europe soient supprimés ?

Enfin, je souhaiterais revenir sur l'idée d'une taxation des transactions financières destinée à limiter la spéculation et à financer le développement. Plusieurs ministres et le Président de la République française lui-même défendent aujourd'hui l'idée d'une taxe sur la finance, ce qui est une excellente chose. Il est temps cependant de passer des discours aux actes.

(Mme Catherine Vautrin remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

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