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Intervention de Christian Eckert

Réunion du 3 décembre 2009 à 15h00
Résolution sur la création d'un service public bancaire et financier — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert :

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui peut discuter de l'opportunité d'un texte abordant la question des banques, de leur régulation, du service public et de la création d'un pôle financier, comme le suggèrent nos collègues du groupe GDR ?

Les banques jouent un rôle déterminant dans l'économie, aussi bien réelle que virtuelle. Il faut, à notre sens, légiférer en la matière. En effet, le « code de bonne conduite », que quelques-uns acceptent après une admonestation amicale, lors d'une convocation à l'Élysée, est pour nous insuffisant. Si nous voulons jouer notre rôle, nous devons effectivement légiférer sur ces questions qui influent, directement ou indirectement, sur la vie quotidienne de nos concitoyens.

Quel est le rôle des banques ? Assurer l'accès de tous nos concitoyens au service bancaire, assurer l'accès au crédit pour les particuliers, les agriculteurs et les entreprises – qu'il s'agisse des PME, des TPE ou des grandes entreprises. Leur rôle n'est pas de spéculer pour gonfler des bulles plus ou moins artificielles ou fabriquer du papier plus ou moins volatil.

Quel est le rôle de l'État ? S'assurer que le service est rendu, que l'argent des déposants est garanti, que le rôle de prêteur, qui permet d'alimenter et donc de faire fonctionner l'économie, est bien exercé, que le risque pris en prêtant et en investissant ne dépasse pas les capacités des établissement à assurer, avec leurs fonds propres, la stabilité des éléments financiers. Tout cela impose de la régulation et de la surveillance.

La crise dite financière que nous avons connue – et que nous connaissons encore, j'y reviendrai –, était inscrite dans les comportements, même si, j'en conviens, cela est plus facile à dire après qu'avant. Je me souviens des propos du candidat Sarkozy vantant les mérites des prêts américains, érigés en modèles. Je me souviens aussi des propos larmoyants de Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui vantait au mois de juin 2007 les mérites de la place londonienne et qui versait des larmes sur les pauvres traders, obligés de faire la queue à la gare du Nord pour prendre l'Eurostar en classe affaires afin de se rendre dans le paradis londonien ! (Sourires.)

Cette crise nous a démontré les failles des systèmes de régulation. Elle nous oblige à renforcer la présence de la puissance publique, et donc de l'État, dans les mécanismes bancaires et financiers. Elle nous conduit à revoir les différents outils. Je pense aux agences de notation, dont le comportement – elles sont à la fois juges et parties – a été souligné à juste titre ; à la titrisation, qui permet de véhiculer des avoirs, actif ou passif, en faisant en sorte que plus personne ne sait plus, au bout de quelques manoeuvres, qui est qui et qui doit combien à qui ; aux rémunérations des dirigeants, des traders et des différents acteurs, qui dépassent toute imagination ; aux systèmes plus ou moins sophistiqués comme les leveraged buy-out – ou LBO –, qui permettent de racheter en s'endettant, de se rembourser sur la bête et qui sont responsables de l'absence – que tout le monde reconnaît – de politique industrielle dans ce pays. Cette crise nous oblige enfin à réfléchir sur les normes utilisées, notamment, au niveau mondial, les International financial reporting standards, ou IFRS.

Les banques ont pris une place considérable dans le fonctionnement de l'économie mondiale. J'ai observé par exemple que le bilan de la BNP a bondi, s'établissant à 2 290 milliards d'euros, soit 17 % de plus que le produit intérieur brut de la France en 2008 ! En Europe, quinze banques pèsent désormais plus lourd que l'économie de leur pays. C'est dire, mes chers collègues, si la présence de nombreux parlementaires de l'UMP aurait été souhaitable pour que nous discutions de cette question ! (Sourires.)

Et, malgré tout le respect que j'ai à votre égard, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, je pense que la présence d'un ministre en charge du pôle bancaire et financier eût été utile, voire nécessaire, dans l'amorce de discussion que nous pourrons avoir cet après-midi.

Cette crise nous oblige à réfléchir : faut-il couper en deux les banques en séparant la partie banque de dépôt de la partie banque d'affaires, voire banque d'investissement, pour ne pas dire banque de spéculation ? Cette question, de même que d'autres, est régulièrement posée ; nous n'avons pas encore forcément toutes les réponses. J'ose espérer que le texte sur la régulation bancaire, qu'on nous annonce comme imminent depuis quelques temps, nous permettra d'aborder au fond ces sujets, parce que, à mon sens, la crise n'est pas finie. L'effet boomerang d'un certain nombre de défaillances d'entreprises est à craindre. Il en va de même avec les LBO, nous aurons l'occasion d'en reparler : certaines, qui sont énormes, vont s'écrouler au fur et à mesure que les remboursements ne pourront plus être assurés. Le directeur général du Fonds monétaire international disait lui-même que 50 % des pertes bancaires, liées à la crise financière, et particulièrement en Europe, n'étaient pas encore intégrées dans les bilans des grandes banques.

Ainsi, la présente proposition de résolution aborde des sujets importants. Certaines des suggestions qui y sont formulées sont excellentes : il convient en effet de plafonner les écarts de rémunération, de soumettre à la négociation annuelle obligatoire les rémunérations variables des dirigeants, d'imposer plus et de soumettre aux cotisations sociales ces mêmes rémunérations variables. Nous approuvons ces orientations contenues soit dans cette résolution, soit dans des propositions de loi connexes. La question des paradis fiscaux mérite elle aussi d'être traitée et ce ne sont pas les dispositions frileuses du G 20, de même que celles qui sont contenues dans le projet de loi de finances rectificative, qui nous rassurent pleinement ! En effet, je n'oublie pas que les plus grands paradis fiscaux du monde sont l'État du Delaware et la City londonienne.

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