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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 14 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial :

de la commission des finances de l'économie générale et du plan, pour la préparation et l'emploi des forces et pour le soutien de la politique de défense. À l'automne 2007, environ 12 000 militaires français sont engagés dans des opérations extérieures. Plusieurs opérations majeures sont en cours, au Liban avec la FINUL renforcée, en Côte d'Ivoire ou en Afghanistan. Une autre, sous commandement européen, est en préparation, pour sécuriser la frontière entre le Tchad et le Soudan. Le projet annuel de performances de la mission « Défense » est la traduction financière de cet engagement opérationnel aux multiples facettes. Il doit permettre à nos armées d'assumer pleinement leurs missions, avec des personnels militaires et civils motivés, entraînés, utilisant des équipements modernes, dont la disponibilité est primordiale.

Ce budget conditionne la capacité de la France à remplir les missions qui lui échoient en tant que grande puissance mondiale, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, dans le cadre de ses engagements dans l'Alliance atlantique, et comme élément pivot de la défense européenne – le Président de la République l'a rappelé avec force mercredi dernier devant le Congrès des États-Unis.

Pour la sixième année consécutive, le projet de loi de finances respecte la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, mettant un terme aux renoncements constatés lors des précédentes programmations.

Toutefois, la défense apporte sa contribution à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, notamment par le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux : 6 000 emplois seront supprimés en 2008, dont 4 800 emplois militaires et 1 200 emplois civils.

Simultanément, des économies majeures, notamment en fonctionnement, sont réalisées par les forces armées, même s'il apparaît qu'il est possible d'aller plus loin dans cette voie dans un avenir proche en favorisant l'externalisation et en accélérant la mutualisation des moyens entre les armées. Par ailleurs, le renchérissement du prix du pétrole, malgré la bonne tenue de l'euro, risque de peser lourdement sur l'activité des forces.

La conciliation entre respect de la programmation et recherche de l'efficience conduit à l'équilibre de ce projet de budget de la défense pour 2008 – avec une très légère augmentation en termes courants et une stabilisation en termes constants –, notamment pour ses programmes 178 « Préparation et emploi des forces », et 212, « Soutien de la politique de la défense ».

Le programme « Préparation et emploi des forces » est le plus important de la mission « Défense ». Avec 20,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 21,2 milliards d'euros de crédits de paiement, il représente à lui seul 59 % de la mission et couvre l'essentiel des aspects opérationnels, hors équipement, avec notamment les données humaines : recrutement, rémunérations, charges sociales, mais aussi entraînement, projection, disponibilité ou opérations extérieures. Ce budget enregistrera une très légère augmentation en 2008 – +0,6 % en autorisations d'engagement et +1,2 % en crédits de paiement – se conformant au critère du 0 % d'augmentation en volume, si l'on tient compte de la dérive monétaire.

Le programme « Soutien de la politique de défense » représente 9 % du budget de la mission « Défense », soit 3,4 milliards d'euros.

En matière de ressources humaines, malgré les réductions d'effectifs qui ont été évoquées, les armées embaucheront, en 2008, environ 14 000 militaires du rang, ce qui fait de la défense l'un des premiers recruteurs du pays. Dans un contexte de réduction du chômage, la ressource disponible tend à se réduire. Mais le besoin des armées en militaires du rang est encore satisfait, à l'exception de quelques spécialités très recherchées sur le marché de l'emploi.

Avec 1,7 candidat en moyenne par poste, l'armée de terre est la première concernée. Le niveau moyen de recrutement des militaires du rang se situe en deçà des objectifs qualitatifs et doit être compensé par des actions de formation soutenues.

Dans les autres armées, le nombre de postes à pourvoir est plus faible et le recrutement se révèle globalement satisfaisant. Cependant, certains métiers ont vu leur taux de sélection baisser de manière sensible car ils représentent des spécialités très recherchées dans le secteur privé, notamment en matière de mécanique et d'électronique

S'agissant de la réserve militaire – question à laquelle nous sommes ici particulièrement attachés – qui relève bien du programme 178, monsieur le secrétaire d'État –, le dispositif juridique que nous avons voté en 2006 permet une montée en puissance progressive des effectifs. Une politique volontariste de partenariat avec les entreprises a pratiquement permis d'atteindre les objectifs. Ainsi, l'effectif de la réserve est passé de moins de 10 000 réservistes en 1999 à 32 500, fin 2002, puis à 53 300, fin 2006. Le taux d'activité moyen se situe à vingt et un jours à la fin de l'année 2006, avec les contraintes que chacun connaît.

L'entraînement des forces est globalement assuré de manière satisfaisante, même si les objectifs ne sont pas totalement atteints. Dans l'armée de terre, par exemple, l'activité des forces n'est que de quatre-vingt-seize jours par an, alors que la loi de programmation militaire en prévoyait cent. Compte tenu du nombre de jours passés en opérations extérieures, dans des conditions opérationnelles réelles, on peut considérer que le niveau d'entraînement est bon.

La moyenne de quatre-vingt-dix-sept jours passés en mer par les bâtiments de la marine est également satisfaisante.

Les inquiétudes viennent essentiellement du secteur aérien, notamment de l'aviation légère de l'armée de terre et de l'aéronavale, l'ALAT. Chaque pilote de l'ALAT a pu s'entraîner 169 heures en 2006 et devrait voler à peine 160 heures en 2007, ce qui n'est que légèrement supérieur aux critères de l'OTAN de 150 heures de vol annuelles, considérées comme un seuil critique en matière de sécurité et de formation.

Pour ce qui concerne l'aéronautique navale, la disponibilité moyenne des appareils n'a pas permis d'atteindre complètement les objectifs fixés par la loi de programmation pour les pilotes de chasse. Le manque de disponibilité des appareils est à l'origine de ce déficit. En 2008 se posera en outre la question de l'entraînement des flottilles embarquées sur le porte-avions Charles de Gaulle, puisque ce dernier, en carénage pendant quinze mois, ne pourra les accueillir à son bord.

En revanche, l'activité des pilotes de l'armée de l'air s'est avérée satisfaisante en 2006 – 175 heures pour les pilotes de chasse, 190 pour les pilotes d'hélicoptères et 284 pour les pilotes de transport –, et devrait le rester en 2007.

Dans un budget de fonctionnement très contraint, les armées mènent chaque année des programmes d'économie assez remarquables, je tiens à le souligner. Pourtant, nous devons rechercher, avec vous monsieur le ministre, de nouvelles pistes d'économie. L'imprimerie pourrait être l'une d'elles. En effet, la fonction imprimerie du ministère de la défense occupe environ 1 000 agents, dont 480 ouvriers d'État et 200 militaires, répartis en quarante et un points ou ateliers d'impression, huit établissements au sein de l'armée de l'air, quatre au sein de la marine, dix-sept au sein de l'armée de terre, trois au sein de la gendarmerie, huit au sein du secrétariat général pour l'administration et une pour le service de santé.

À titre d'exemple, l'établissement d'imprimerie de l'armée de terre situé à Château-Chinon, dont le budget s'élève en 2007 à 1,2 million d'euros, emploie soixante-dix-neuf personnes dont dix-sept sont affectées à des tâches administratives et quatorze à des tâches de soutien. Une mutualisation interarmées des établissements d'imprimerie entraînerait la fermeture des sites les moins nécessaires et permettrait de réaliser des économies. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Sujet majeur, la disponibilité des matériels, qui conditionne en grande partie le caractère opérationnel des forces, constitue l'aspect le plus problématique de ce programme.

La marine est la seule des trois armées à disposer d'un bon taux de disponibilité pour ses bâtiments, il est généralement compris entre 70 % et 80 %. Mais en 2008, son unité emblématique, le porte-avions, sera indisponible à 100 %.

La situation est plus délicate pour l'armée de terre, confrontée à la fois au vieillissement de certains matériels, comme le véhicule blindé AM-X 10 ou les hélicoptères Puma et Gazelle, et aux problèmes de jeunesse d'engins plus récents comme le char Leclerc. Ses premiers exemplaires ont été livrés en 1992 et le quatre cent sixième char doit l'être ces jours-ci, mais ce matériel connaît encore des problèmes qui limitent sa disponibilité à moins de 50 % du parc.

La situation des avions de chasse de l'armée de l'air n'est guère meilleure. La disponibilité des Rafale, en service depuis à peine un an, est très variable, mais encore peu élevée en raison des commandes de pièces détachées trop parcimonieuses. Ce problème serait en cours de résolution avec la commande de quantités plus importantes et l'état-major de l'armée de l'air se déclare optimiste pour les mois et les années à venir. Des progrès sont réalisables en matière d'approvisionnement en pièces de rechange. En effet, les armées disposaient d'un stock de pièces de rechange évalué à plus de 15 milliards d'euros, dont 11,3 milliards pour la seule armée de l'air. Un recensement précis de ce stock doit être réalisé dans les mois à venir pour distinguer la part qui concerne des appareils retirés du service, et dont il faudra se débarrasser, de celle qui reste utilisable. Ce sujet amène votre rapporteur spécial à évoquer la question d'éventuels contrats de maintenance passés avec les industriels lors de l'acquisition de matériels nouveaux.

Je souhaite attirer l'attention de notre assemblée, et la vôtre, monsieur le ministre, sur les activités d'entraînement et de formation susceptibles d'être externalisées. L'assujettissement à la TVA de ces prestations pose problème puisqu'elle en augmente le coût pour les armées de 19,6 %. Je proposerai que soit étudiée l'extension au profit du ministère de la défense du Fonds de compensation de la TVA, ou d'un mécanisme analogue au FCTVA, qui permet aux collectivités territoriales de se voir rembourser cette taxe. J'ai d'ailleurs déposé un amendement sur ce point.

J'ai également rédigé un amendement destiné à abonder les crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle des matériels. Il a été adopté par la commission des finances et nous aurons l'occasion d'en parler.

Enfin, je ne voudrais pas arriver au terme de mon propos sans évoquer les opérations extérieures et sans rendre hommage à nos forces qui servent leur pays à l'étranger.

La multiplication des opérations extérieures, au cours de ces dernières années a posé la question de leur financement. Il a rapidement été admis que ces charges exceptionnelles, imposées aux armées par des décisions politiques, devaient être prises en charge par le budget de la nation. Néanmoins, jusqu'en 2003, les armées devaient faire l'avance de leurs frais, ce qui faisait peser de lourdes contraintes de trésorerie sur leur budget de fonctionnement courant mais également sur des programmes d'armement qui ont parfois été retardés par manque de fonds disponibles.

Devant la demande insistante du Parlement, le Gouvernement a décidé, à partir de l'exercice 2004, d'inscrire dès la loi de finances initiale une somme correspondant aux prévisions de dépenses liées aux opérations extérieures. Les 24 millions d'euros inscrits la première année furent certes symboliques, mais la progression continue de ce montant jusqu'en 2007 a permis que les sommes inscrites en loi de finances initiales se rapprochent désormais de la réalité. Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit l'inscription d'une somme identique à celle de 2007, soit 375 millions d'euros. Toutefois, les dépenses consacrées aux opérations extérieures dépasseront probablement les 600 millions d'euros : la commission des finances souhaite donc qu'en loi de finances initiale se poursuive cet effort de budgétisation aussi global que possible des opérations extérieures.

Je voudrais insister par ailleurs sur le fait que, dans l'esprit de la LOLF, il serait juste et cohérent d'inscrire les crédits consacrés aux opérations civilo-militaires menées dans le cadre des opérations extérieures – je pense notamment au dispositif Licorne, sur lequel nous avons eu l'occasion de travailler avec M. Fourgous – dans le programme « Aide publique au développement ». Je crois que vous en conviendrez, monsieur le ministre.

En conclusion, votre rapporteur spécial a pu constater le caractère opérationnel des forces, même si certaines difficultés restent à résoudre en matière d'entraînement ou de maintien en condition opérationnelle.

Le budget pour 2008, qui correspond à la dernière année d'exécution de la loi de programmation militaire, s'attache à maintenir, voire à améliorer le caractère opérationnel de nos forces, tout en préparant les choix budgétaires conditionnés par les priorités qui seront assignées à notre outil de défense dans le cadre du Livre blanc et de la prochaine loi de programmation militaire. Je vous invite donc à adopter les crédits de la mission « Défense », pour que nos forces armées disposent des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs missions au service de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

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