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Intervention de Jean-Paul Chanteguet

Réunion du 2 décembre 2009 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur la conférence de copenhague et débat sur cette déclaration — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Chanteguet :

En effet, depuis 1992 et le sommet de la Terre à Rio qui se tint au cours du second mandat de François Mitterrand, nous avons, nous aussi, participé à cette prise de conscience mondiale sur les changements climatiques et la perte de biodiversité. François Mitterrand déclarait alors : « Notre devoir, qui est le même partout et pour tous, est de faire que la Terre nourricière soit à la fois notre maison et notre jardin, notre abri et notre aliment. » C'est aussi un gouvernement de gauche, conduit par Lionel Jospin, qui, en 1997, négocia l'accord de Kyoto pour la France et pour l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Déjà, nous pouvons dire que Copenhague aura permis de gagner la bataille de l'opinion publique mondiale. Sa préparation aura en effet constitué la plus grande et la plus efficace campagne planétaire de sensibilisation au risque climatique. Scientifiques, politiques, ONG, artistes, médias, mais aussi peuples : tous se sont mobilisés pour mettre en évidence le caractère global de l'enjeu et faire un nouveau pas décisif dans ce combat.

Le réchauffement climatique est en marche. Si rien n'est fait pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, qui en sont responsables, le niveau des océans s'élèvera de plus d'un mètre, mettant en danger près du quart de la population qui vit près des côtes, et la production alimentaire mondiale pourrait baisser de 40 %.

En ce qui nous concerne, nous n'accordons aucun crédit à la campagne des climato-sceptiques, qui attribue le réchauffement en cours à d'autres facteurs que l'activité humaine et qui est le fait de lobbies financés par les industries pétrolières et minières.

Plusieurs études le confirment, les pays pauvres seront les premières victimes du réchauffement climatique, alors qu'ils ne sont responsables que de 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Notre dette écologique à leur égard est immense.

Les recommandations du GIEC s'imposent à nous ; si nous ne voulons pas aller au-delà des deux degrés Celsius supplémentaires, les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial doivent diminuer de 50 % au moins d'ici 2050, et de 80 % à 95 % par rapport à 1990 pour les pays développés.

Comme vous, nous défendons la signature à Copenhague d'un accord qui soit juridiquement contraignant, un accord qui soit le plus ambitieux possible en termes d'objectifs de réduction mais aussi un accord qui, compte tenu de l'état de pauvreté de certains pays, ne les oblige pas, comme vous l'indiquez, monsieur le ministre, à choisir entre réduction de l'émission de CO2 et croissance, ce qui serait irréaliste. En effet, dans les pays du Sud, la moitié de la population vit aujourd'hui avec moins de deux dollars par jour et 1,6 milliard de personnes n'ont pas accès à l'électricité.

L'un des enjeux majeurs de la négociation de Copenhague est d'aider financièrement les plus pauvres à se développer tout en limitant leur consommation d'énergie fossile grâce à des technologies à faible intensité de carbone et à la mise en oeuvre de projets de développement propres.

Cet enjeu, monsieur le ministre, vous avez su vous l'approprier, au travers du plan justice-climat que vous proposez. Le groupe SRC forme, bien entendu, le voeu qu'il contribue au succès de Copenhague. Néanmoins, ne peut-on craindre que cette stratégie du mouvement qui se traduit par l'activation d'une diplomatie parallèle à celle de l'ONU et de l'Union européenne ne voue votre initiative à l'échec ? N'aurait-il pas été plus opportun de faire approuver votre plan par Bruxelles afin de bénéficier d'un véritable mandat ?

S'il est des progrès, il est aussi des inquiétudes. En effet, le soutien financier public des pays industrialisés aux pays en développement, constitue un enjeu majeur du sommet de Copenhague. Estimé à 110 milliards d'euros par an d'ici 2020, celui-ci ne devra pas être financé, pour partie, par un recyclage de l'aide publique au développement de 0,7 % du revenu national brut à laquelle les pays de l'OCDE se sont engagés en 2000 et qui, pour la France, en 2010, ne sera malheureusement que de 0,44 %. À ce jour, l'Union européenne a été incapable de se mettre d'accord sur le soutien financier qu'elle était prête à apporter et votre plan justice-climat, monsieur le ministre, ne mobiliserait que 16 milliards d'euros par an, soit sept fois moins que les besoins estimés.

Nous situant déjà dans l'après-Copenhague, nous devons dire comment nous atteindrons les objectifs de réduction qui auront été fixés. Tout d'abord, nous ne pensons pas que la science seule résoudra la situation, même si la capture et le stockage de carbone dans d'anciens champs pétroliers et gaziers peuvent constituer un jour une technologie adaptée. De même, nous ne pensons pas qu'il pourrait exister une main invisible climatique, actionnée par la création d'un vaste marché mondial du carbone, qui fonctionnerait au niveau planétaire et produirait des effets vertueux, même s'il n'est pas inutile d'espérer qu'il arrivera un jour à maturation et constituera un bon outil de régulation.

Sur le marché européen, le prix du carbone a connu des fluctuations considérables, atteignant des sommets pour, ensuite, s'effondrer du jour au lendemain. Depuis un an, il est passé de plus de 30 euros à 8 euros et se maintient désormais autour d'une quinzaine d'euros, des prix tellement faibles et imprévisibles qu'ils ne conduisent pas les industriels à raisonner en termes de décarbonisation.

Aujourd'hui, le marché des quotas de CO2, qui a vu arriver les traders, porte en lui des risques de délocalisation et de spéculation.

Avec l'avènement de la société post-carbone, nous allons vivre de grands bouleversements sur le plan social et sociétal. C'est à la construction d'un nouveau projet de société, l'éco-société, qu'il convient de travailler. Portée par un projet politique, celle-ci permettra de passer d'une société du gaspillage à une société de la sobriété, parce que moins émettrice de carbone et plus économe en ressources.

Nous le savons, nous devrons changer notre manière de vivre, d'habiter, de nous déplacer et de consommer. La transition vers l'éco-société nécessitera la transformation des filières de production et appellera des mutations sociales d'envergure en matière d'emploi et de formation. Pour nous, socialistes, le défi climatique, tant au niveau de la France qu'au niveau du monde, peut rencontrer le défi social.

Pour les pays développés et donc pour la France, les efforts à accomplir pour atteindre le facteur 4 d'ici 2050 seront immenses, puisqu'il faudra diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre de chaque individu. Ainsi, en moyenne, un habitant ne devra plus émettre que de l'ordre de 2 tonnes par an d'équivalent de CO2, ce qui correspond à la quantité qu'émet une voiture récente en parcourant 15 000 kilomètres.

Je le rappelle, en 2010, entre 50 et 150 millions d'Européens, entre 2 et 5 millions d'habitants de notre pays seraient touchés par la précarité énergétique.

Reliés aux crises alimentaires que connaissent certaines régions du monde, ces chiffres démontrent que le problème climatique ne peut être traité indépendamment de la crise sociale.

Les socialistes, dans les nombreuses collectivités territoriales qu'ils animent, ont pris des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre et sont souvent allés au-delà des objectifs européens qui s'imposent à nous depuis décembre 2007.

Ils ont montré que les modes de transport peuvent être plus partagés, plus collectifs, sans réduire la qualité de vie, bien au contraire. Ils ont réalisé des centaines de bâtiments à haute efficacité énergétique, montrant ainsi que le bilan économique de ces investissements est positif. Ils ont insufflé de nouveaux modes de production et de consommation, en invitant les industriels et les producteurs à éco-adapter, en lien avec les pouvoirs publics, leur production, de manière à trouver de nouveaux débouchés. Ils ont vérifié que, lorsque l'on émet des signaux prix utiles et compréhensibles pour la population, les comportements changent rapidement et se traduisent par des investissements utiles, des conditions de vie meilleures et un pouvoir d'achat renforcé.

Acteurs majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique, les collectivités territoriales doivent voir leur rôle renforcé et soutenu, notamment au travers de l'accord de Copenhague. La diversité des territoires et leur capacité d'innovation et d'expérimentation doivent être un accélérateur de la transition vers l'éco-société.

Cependant, les collectivités territoriales ne pourront pas assumer leurs ambitions si le Gouvernement poursuit sa politique de recentralisation et les prive de leur autonomie financière. Bien meilleures gestionnaires que l'État et tellement plus proches des populations, elles doivent avoir les moyens de leur action, afin de contribuer à la mise en oeuvre des engagements internationaux de la France.

À l'occasion de ce débat, il est de la responsabilité du groupe socialiste d'exprimer des choix et des exigences pour le sommet de Copenhague.

Nous pensons tout d'abord qu'il faudrait revenir aux fondamentaux de Rio et arrêter l'étalement entre l'écologie, le social et l'économie imposés dans tous les traités internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous demandons ensuite que Copenhague garantisse que l'accord sur le climat sera pris en compte à l'OMC. Nous considérons aussi que les grandes puissances économiques devraient réaffirmer les engagements qu'elles ont pris en 2000, lors du sommet du millénaire, portant sur l'élimination de la pauvreté et le développement durable. Nous pensons enfin qu'il serait nécessaire que soit actée la création d'une organisation mondiale de l'environnement.

Pour sauver ce sommet et préserver l'après-Copenhague, il faut : que soit pris en compte l'enjeu fondamental que constitue le soutien aux économies les plus précaires ; que ne soient pas sanctuarisés des domaines comme le transport maritime ou aérien, dont le développement dans des conditions protégées ont été à l'origine de délocalisations massives (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) ; que soit intégrée la forêt, dont la destruction est actuellement responsable de 20 % des émissions de gaz à effet de serre ; que l'Europe, pour préserver son rôle de leader dans la lutte contre le réchauffement climatique, s'engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 30 %, au lieu des 20 % prévus dans le paquet climat énergie ; que soit reconnu le rôle des pouvoirs publics locaux ; enfin, que soit mis en place un financement pérenne de l'aide publique aux pays en développement, qui, pour nous, doit être constitué par une taxation des transactions financières internationales.

Forts de nos engagements en faveur de la justice sociale, de l'émancipation de l'individu au sein de la société et d'une économie au service de l'homme et de la planète, nous souhaitons montrer que, à Copenhague, il y a un chemin permettant à l'humanité de sortir du piège climatique et énergétique dans lequel elle s'est enfermée depuis la révolution industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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