Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Françaix

Réunion du 24 novembre 2009 à 15h00
Régulation de la concentration dans le secteur des médias — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Françaix :

Pourquoi s'en plaindre, me direz-vous ? Au-delà des connivences malsaines, au-delà des amitiés utiles avec le pouvoir en place, je vais vous expliquer pourquoi nous ne pouvons pas approuver cette spécificité française.

C'est en France que l'on trouve le plus grand nombre de grands patrons vivant des commandes de l'État. Deux entreprises leaders dans l'industrie de l'armement sont à la tête de deux grands groupes de presse de l'hexagone : Lagardère et Dassault. C'est sans doute cela l'exception culturelle vue par la droite.

Les relations économiques nées de la passation de marchés publics et privés impliquent dans le secteur des médias une berlusconisation des esprits. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) La dépendance économique à l'égard d'un bailleur de fond est la porte ouverte à l'autocensure. Quelle crédibilité peut avoir le journal Les Échos quand il traite de l'économie du luxe ?

Quand Dassault achète la Socpresse, il s'offre non seulement Le Figaro, qu'il convoitait depuis longtemps, mais fait aussi une bonne affaire en cédant aux plus offrants les différents titres régionaux, lesquels ne se sont jamais remis de ce changement.

Les patrons de presse sont remplacés par les groupes financiers mais ceux-ci sont davantage obsédés par l'influence qu'ils peuvent tirer de la propriété d'un journal que par le souci de sa qualité ou de son développement.

Les concentrations ne sont pas des réussites. À chaque fois qu'un journal régional fait l'acquisition d'un autre, cela se solde par une perte de lectorat.

Plus grave encore, non seulement l'émergence de grands groupes privés voulue par le pouvoir ne garantit en aucun cas un mieux disant économique mais elle balaie, de manière désinvolte, l'idée entérinée par la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle selon laquelle la presse et la culture ne sont pas des biens comme les autres.

Alors que les Français passent près de trois heures chaque jour devant leur poste de télévision et qu'ils sont près de 18 millions à lire un quotidien, n'est-il pas primordial que ces médias leur proposent en retour des réflexions plurielles, des regards personnels, des découvertes ? Être citoyen ne consiste pas seulement à consommer des contenus qui vous intéressent à travers internet, les médias à la demande ou les revues spécialisées. La presse écrite, la radio, les chaînes de télévision sont des médias de l'offre : ils exposent les consommateurs à des contenus que ceux-ci n'avaient pas forcément sollicités. Cela oblige à s'ouvrir à d'autres choix. Seuls ces médias généralistes produisent du lien social. Ils sont fédérateurs et permettent de souder une société soumise au risque de désagrégation. Ils peuvent même être facteur d'identité nationale. Le mot est lâché car, pour moi, l'identité nationale est avant tout liée à notre diversité culturelle.

Voilà pourquoi il serait intellectuellement totalitaire que les concentrations réduisent les médias à l'uniformisation, à la pensée unique, au politiquement correct.

La nécessité de l'indépendance et du pluralisme des médias n'est pas une coquetterie de la part de quelques socialistes mais la garantie apportée à tous que notre démocratie est toujours vivante, qu'elle permet à toutes les opinions et à tous les points de vue de s'exprimer et de créer librement.

Une presse fragile, une presse vulnérable permet, il est vrai, de gouverner avec plus d'aisance car il est évident qu'elle ne peut survivre sans l'appui des pouvoirs publics. Comme l'a excellemment noté notre rapporteur Patrick Bloche, les multiples interventions croisées entre le politique et le monde des affaires et, à présent, la dépendance affichée dans laquelle le pouvoir exécutif tient l'audiovisuel public depuis l'adoption de la loi le réformant – nomination du président de France Télévisions, suppression de la publicité compensée par une manne gouvernementale octroyée selon le bon plaisir du Président de la République – ne contribuent pas positivement à l'image de la France.

À cet égard, l'adoption d'une réglementation rendant incompatible pour une même entreprise des activités dans les médias et des activités relevant de la commande publique serait utile et nécessaire.

Chers collègues, il est temps de revenir à des bases plus saines. C'est ce but qu'a poursuivi notre groupe en inscrivant cette proposition à l'ordre du jour. Il est dommage que le débat n'ait pas pu avoir lieu du fait de…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion