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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 24 novembre 2009 à 15h00
Réduction du risque de récidive criminelle — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Monsieur le président, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, le groupe SRC ne votera pas le projet de loi qui nous a été soumis.

Il ne le votera pas parce que ce texte fait suite au projet sur la rétention de sûreté et vise à mettre en place une surveillance de sûreté, en violation de laquelle pourrait alors être immédiatement mise en oeuvre une mesure rétention de sûreté.

Ce texte fait suite à l'avis du Conseil constitutionnel qui a refusé la mise en oeuvre immédiate de la rétention de sûreté, laquelle consiste en un enfermement après la peine prononcée à l'encontre de criminels jugés dangereux lorsqu'ils ont été condamnés à plus de quinze années de réclusion soit pour des crimes sur mineurs, soit pour des crimes aggravés sur majeurs.

Nous nous opposons au texte pour cinq raisons.

Première raison : il vise à contourner l'avis du Conseil constitutionnel et à rendre possible immédiatement la rétention de sûreté, alors que ce dernier avait indiqué que, bien que s'agissant d'une mesure de sûreté, celle-ci ne serait applicable qu'au bout de la peine, c'est-à-dire au terme de quinze années à compter du jour du vote.

Deuxième raison : il ne prend pas véritablement en compte le réel. Nous ne savons pas quel est le groupe de personnes visé. Nous ne connaissons pas exactement le nombre de condamnés à plus de quinze années de réclusion pour les crimes visés par la loi. Il n'y a pas d'études précises. On parle d'une centaine, de deux cents personnes. Petit à petit, le texte s'est étendu bien au-delà des objectifs initiaux.

Troisième raison : il est bâti autour de la notion de dangerosité. Celle-ci devrait être diagnostiquée par un ensemble d'experts. Malheureusement, nous ne disposons pas d'experts capables de diagnostiquer, scientifiquement, une dangerosité. Si, aujourd'hui, la dangerosité est appréciable de façon empirique, il est impossible de l'apprécier de manière scientifique. Les méthodes visant à l'appréciation de cette dangerosité en faisant des projections à partir de résultats scientifiques ne permettent pas de l'apprécier réellement.

La quatrième raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte est moins importante, mais elle mérite néanmoins d'être soulignée.

Ce texte réactive le fantasme selon lequel une mutilation physique ou chimique serait à même de résoudre la question des agresseurs sexuels. Il faut noter, au passage, que la catégorie des criminels dangereux s'est progressivement réduite, au cours des explications, à celle des agresseurs sexuels. Les auteurs de meurtres semblent être oubliés dans cette énumération.

Le texte n'a pas dérapé, mais il a visiblement permis la réactivation de cette idée, alors que la limitation des pulsions par des médicaments est déjà mise en oeuvre et nécessiterait une évaluation et, sans doute, des recherches. Or rien n'est proposé, sauf la mise en place d'un renforcement de l'injonction de se soumettre à des soins.

Cinquième raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte : l'application du texte de 1978 sur le suivi judiciaire n'a pas été poussée à son terme. En 1978, avec une relative unanimité, l'Assemblée avait voté un texte prévoyant un suivi socio-judiciaire dans un certain nombre de cas limitativement prévus pour ceux qui sortent de prison, la violation des obligations du suivi entraînant une réincarcération. Ce texte n'a pas été complètement appliqué, faute de moyens. Il manque des médecins coordonnateurs, des conseillers d'insertion et de probation pour suivre réellement les personnes sortant de détention et à l'encontre desquelles a été prononcée cette mesure.

C'est si vrai que notre collègue Étienne Blanc, membre de la majorité, fait état, dans son rapport, des difficultés d'application du suivi socio-judiciaire et rappelle que moins de 10 % des personnes à l'encontre desquelles ce suivi pourrait être prononcé en font l'objet. Cela signifie ni plus ni moins que l'on empile les textes avant même d'avoir réussi à appliquer ceux qui ont été précédemment votés, qui plus est dans un relatif consensus.

Pour notre part, nous préférons nous tourner vers l'avenir, c'est-à-dire réfléchir à la meilleure manière de prévenir la première infraction et, pour ce qui concerne cette criminalité pulsionnelle, mettre en place un plan de santé publique permettant à ceux qui sont envahis par des fantasmes destructeurs de se faire traiter dès leur apparition.

Se tourner vers l'avenir, c'est ensuite répondre aux questions auxquelles le texte ne répond pas, à savoir l'articulation entre la psychiatrie et le judiciaire. Sur 5 000 postes de psychiatre d'exercice public, il en manque aujourd'hui 800. Si le suivi socio-judiciaire n'est pas appliqué, c'est également en raison du nombre insuffisant de médecins coordonnateurs.

Se tourner vers l'avenir, c'est également mettre en place un véritable contrôle en se dotant de moyens. Plutôt que de favoriser une culture de l'enfermement, mieux vaudrait mettre en oeuvre une culture du contrôle.

Nous sommes persuadés que, en 2012, c'est vers un tel programme et de telles orientations que les Français se tourneront et qu'ils rejetteront le rêve que vous poursuivez, ce rêve impossible et dangereux de l'éradication du mal par la réclusion des méchants.

C'est pour ces raisons que nous nous opposons à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

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