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Intervention de Colette Le Moal

Réunion du 24 novembre 2009 à 15h00
Droit de finir sa vie dans la dignité — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Le Moal :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons eu un riche débat, bien qu'écourté, lors de l'examen, jeudi dernier, du texte relatif au droit de finir sa vie dans la dignité, proposé par nos collègues socialistes et aujourd'hui soumis à notre vote.

Il est certain que, de nos jours, la peur de la dépendance et de la déchéance, corollaire de l'allongement de la durée de la vie, s'ajoute à la peur ancestrale de la mort et de la souffrance qui souvent l'accompagne. C'est à partir de cette constatation que le texte qui nous est soumis autoriserait toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, à demander une aide active pour mourir afin d'éviter de subir une souffrance physique ou psychique jugée insupportable et afin de pouvoir mourir dans la dignité.

Il s'agit de légaliser l'euthanasie, transformant ainsi le droit de mourir qui relève de la liberté individuelle en droit à mourir satisfait par un tiers – qu'il s'agisse d'un médecin ou d'une commission ad hoc – qui engage sa responsabilité propre. C'est un tout autre droit. Cette proposition rompt par conséquent avec la loi en vigueur votée en 2005 à l'unanimité, il faut le rappeler, après un long travail de concertation et d'échanges.

La loi Leonetti a mis un terme à l'acharnement thérapeutique, aux traitements poursuivis par une « obstination déraisonnable ». En instaurant un droit au laisser mourir, elle a permis de mettre un terme au maintien artificiel de la vie.

Nous considérons que l'intention de traiter la souffrance ne peut pas se confondre avec celle de faire mourir ou d'aider à mourir. En effet, il existe ce qu'on appelle la théorie du double effet, qu'il convient de valoriser davantage : un acte bon – le soulagement du patient lorsqu'il est informé de la démarche – peut entraîner un effet mauvais non voulu : la mort.

Dans la seconde partie de la loi Leonetti, la souffrance du mourant est prise en compte par l'organisation des soins palliatifs, poursuivis jusqu'au terme de la vie, au-delà de l'interruption du traitement lorsqu'elle a été demandée par la personne concernée. Il s'agit d'un accompagnement humain du patient et de sa famille.

Cette loi représente une avancée considérable mais, cinq ans après son adoption, il est très regrettable qu'elle soit encore si mal connue non seulement des patients et de leurs familles, mais également du monde soignant.

De plus, cette loi est mal appliquée, sûrement parce que mal connue, mais plus encore par manque de moyens financiers. Pour combler le déficit criant d'unités de soins palliatifs, la mise en oeuvre du plan de développement des soins palliatifs 2008-2012 devra être très volontariste. Que dire également de l'insuffisance de la formation des personnels en soins palliatifs – ce qui ne remet pas en cause leur dévouement ? Leur formation doit impérativement être améliorée et valorisée.

Aussi, avant de débattre de la légalisation de l'euthanasie, comme le propose le présent texte, la loi en vigueur doit-elle être appliquée pour donner toute sa mesure.

Les sondages d'opinion démontreraient l'urgence du texte soumis à notre examen. Ses auteurs parlent d'une majorité de Français favorables à l'aide active à mourir. Cependant comment est évaluée cette demande ? Qui l'exprime : les mourants ou leurs familles et amis épuisés par leur accompagnement ? Quelle étude fiable permet de juger la situation ? Peut-on se contenter de sondages pour appuyer une réflexion sur un sujet aussi sensible ?

D'autres imprécisions entourent l'expression même de « droit de finir sa vie dans la dignité » qu'on peut entendre ainsi : « l'euthanasie pour rester digne ». Cela semble présupposer que l'homme qui souffre est devenu indigne ! D'où la nécessité de mener un débat sur la dignité humaine avant de lier ces deux mots : euthanasie et dignité.

De plus, on introduit la souffrance psychique dans le dispositif, laquelle ne peut être apaisée. On aborde là, en effet, un domaine bien mal connu du législateur et de l'opinion publique.

Pour toutes ces raisons, il y a matière à poursuivre la réflexion sur la fin de vie en prenant en compte l'évolution de la société et celle de la recherche médicale, et même en élargissant la question : qu'est-ce que l'acharnement thérapeutique au moment de la naissance ou avant dix-huit ans ?

Vous aurez compris, mes chers collègues, que le groupe Nouveau Centre privilégie l'application optimale de la loi en vigueur, son approfondissement, son éventuelle évolution et, par conséquent, ne votera pas le texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC et sur divers bancs du groupe UMP.)

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