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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 18 novembre 2009 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère, rapporteur :

La proposition de loi qui vous est présentée s'inspire de dispositifs existant dans les pays européens, nombreux, qui ont souhaité favoriser ce que nous appelons l' « habitat participatif ». Des personnes ne disposant pas des fonds suffisants pour entrer dans la logique du logement privé ou trop modestes pour bénéficier de l'habitat social classique se regroupent pour prendre des initiatives.

Cette proposition de loi va dans le sens des recommandations formulées par le Grenelle de l'environnement. Il y est en effet question à plusieurs reprises du droit à l'expérimentation. Il s'agit ici de donner un cadre légal à ce droit, qu'il s'agisse de lutte contre l'effet de serre – auquel l'habitat contribue pour plus de 40 % – pa r l'isolement des logements ou d'expérimentation sociale.

La proposition de loi traite également de l'habitat coopératif. De plus en plus répandu dans notre pays, cet habitat s'est développé dans les années 30 à partir d'une utopie, déclinée notamment par Charles Gide et Marcel Mauss. Son développement a repris dans les années 70, avec l'habitat autogéré, et progresse régulièrement aujourd'hui dans notre pays ; je pense notamment à des coopératives d'habitants de la région Rhône-Alpes, comme Habicoop, et de la région du Nord.

Cependant, malgré le développement du mouvement des « Castors » après la Seconde Guerre mondiale, aujourd'hui l'habitat coopératif et les coopératives ne sont pas véritablement reconnus par la loi en France : ces groupes d'habitants – le terme « d'habitat groupé » est également utilisé – ne bénéficient ni d'un véritable statut, ni d'avantages fiscaux qui leur permettraient de favoriser l'auto-construction et l'auto-promotion.

Nous pourrions avec profit nous inspirer des autres pays européens. Je pense notamment aux pays anglo-saxons et au « cohousing », ou à l'Allemagne. Certains d'entre vous ont peut-être visité le « quartier Vauban », à Fribourg. Ce quartier de logements sociaux à basse énergie, voire passifs ou restituant de l'énergie, a été à l'origine voulu par des groupements d'habitants. Les squats et les anciennes cabanes installées sur ce qui était alors un terrain militaire sont progressivement devenus des logements participatifs. En Angleterre, le quartier du Bedzed, qui a fait l'objet de nombreux reportages et de visites d'élus français, a été lui aussi voulu à l'origine par des groupements d'habitants. Aux Pays-Bas, le « woongroepen » est un habitat groupé réservé aux personnes de plus de 50 ans. Grâce à la mutualisation de certains services mais aussi de la construction, il est facteur d'économies. Ce type d'habitat permet aussi aux locataires de passer de la situation de simples consommateurs à celle d'acteurs du logement dans lesquels ils veulent vivre. De telles structures répondent aussi à la nécessité de la mixité intergénérationnelle et du lien social.

Ce que nous appelons le tiers habitat se développe de plus en plus aujourd'hui. Les coopératives d'habitants représentent en Suisse 130 000 logements et 8 % du parc immobilier, et en Norvège 650 000 logements et 15 % du parc locatif. Au Québec, 50 000 logements sont gérés par 23 « groupes de ressources techniques » issus de la société civile et fédérés en association.

La proposition de loi comporte quatre titres. Le titre Ier définit l'habitat participatif et les critères du label à lui attribuer.

Le titre II est relatif à l'habitat coopératif. En France aujourd'hui beaucoup d'associations d'habitants essaient de se constituer en coopératives ou en sociétés coopératives de production (SCOP). La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui a créé les sociétés civiles immobilières d'accession progressive à la propriété, n'est pas allée jusqu'à reconnaître un statut à l'habitat coopératif.

Le titre III concerne ce que l'on appelle l' « habitat mobile ». Aujourd'hui la situation économique de nombreuses personnes en France est si difficile qu'elles ne peuvent se loger. Selon la Fondation Abbé Pierre plus de trois millions de Français sont mal logés. Par nécessité, ces personnes ont recours à des formes d'habitat mobile. Pour d'autres, vivre dans ce type d'habitat est un choix. L'exemple le plus connu, parce que le plus frictionnel et médiatique, est celui des habitants de yourtes ; mais l'habitat mobile, c'est également des campings ou des « mobile homes » dans lesquels des personnes vivent à l'année. Si nous ne voulons pas jeter à la rue, dans des conditions de vie inacceptables, des Français de plus en plus nombreux à être victimes de la progression de la crise, il faut absolument donner un statut à cet habitat mobile et diversifié.

Le titre IV traite spécifiquement des logements vacants. Dans les pays évoqués précédemment, des squats sont devenus des logements habités et régularisés. En France, ce que la loi Boutin du 25 mars 2009 a qualifié d' « habitat temporaire » ne permet pas une telle évolution. Cette notion est du reste une remise en cause du droit au logement opposable.

Enfin, le titre V est relatif aux foyers pour étrangers. Aujourd'hui, il n'existe toujours pas de comités permettant à leurs résidents de participer, par la décision collective, à la gestion et aux aménagements des foyers dans lesquels ils résident, dans des conditions souvent précaires et parfois insalubres.

Tel est le sens de cette proposition de loi. Qu'elle aboutisse ou non, elle s'inscrit dans l'esprit des conclusions du Grenelle de l'environnement et surtout du développement de la solidarité et de la reconnaissance de ce que l'on peut appeler le tiers habitat. Nous y sommes tous confrontés dans nos fonctions d'élus ; nous devons pouvoir apporter une réponse. Le tiers habitat, l'habitat collectif, l'habitat groupé, ce n'est pas une affaire de sectes ou de terroristes, mais simplement celle de Français, d'habitants, d'usagers qui souhaitent se regrouper pour ne pas être victimes de la spéculation immobilière.

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