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Intervention de Marie-Louise Fort

Réunion du 18 novembre 2009 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort, rapporteure :

Après son adoption par le Sénat le 20 juillet dernier, l'Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et les États-Unis en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Signé le 13 janvier dernier, cet avenant à la convention fiscale du 31 août 1994 améliore le texte en vigueur en offrant un cadre plus simple et plus favorable aux échanges et aux investissements entre les deux États.

Les nouvelles dispositions concernent au premier chef les entreprises françaises implantées aux Etats-Unis, soit environ 2 600 filiales dont le chiffre d'affaires représente près de 170 milliards de dollars.

En raison de la complexité du sujet, je vous présenterai d'abord succinctement la fiscalité américaine visée par l'avenant avant d'évoquer les principales modifications qu'il apporte.

Les impôts fédéraux visés par l'avenant sont l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

Les sociétés constituées aux Etats-Unis sont passibles de l'impôt fédéral sur les sociétés à raison de l'ensemble de leurs bénéfices de source américaine et de source étrangère. Les plus-values sont soumises à l'impôt dans les conditions de droit commun.

Les sociétés étrangères qui n'ont pas d'activité aux Etats-Unis ne sont imposables aux Etats-Unis que sur leurs revenus de source américaine. Ces derniers sont généralement soumis à une retenue à la source de 30 %.

Les sociétés étrangères qui exercent une activité aux Etats-Unis sont imposables au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés sur les revenus nets qui sont liés à cette activité. Les revenus qui ne sont pas liés à cette activité sont également soumis à la retenue à la source précitée.

Le barème d'imposition est un barème progressif dont les taux varient de 15 % à 35 % (15 % jusqu'à 50.000 $, 25 % de 50.001 à 75.000, 34 % de 75.001 à 10 millions et 35 % au-delà de 10 millions $). Le taux marginal de 35 % est porté à 38 % sur la part de bénéfices comprise entre 15 millions de dollars et 18,33 millions de dollars.

Par ailleurs, il existe un impôt de distribution (branch tax) sur les revenus réputés distribués par les succursales américaines à leurs sièges étrangers. Le taux de cet impôt est de 30 %.

Afin d'éviter une double imposition des dividendes de source américaine perçus par les sociétés résidentes des Etats-Unis, ces dernières bénéficient d'une exonération d'impôt sur les distributions de leurs filiales dont le quantum varie en fonction du niveau de participation de la société bénéficiaire dans la société distributrice.

Concernant l'impôt sur le revenu, les personnes physiques résidentes des Etats-Unis et les citoyens américains, quel que soit leur Etat de résidence, sont imposables sur l'ensemble de leurs revenus de source américaine et étrangère.

Sont considérés comme résidents au sens de la loi américaine : les titulaires d'une carte de séjour permanent dénommée « carte verte » ; les personnes qui ont séjourné 31 jours ou plus aux Etats-Unis au cours de la dernière année civile et dont la présence aux Etats-Unis au cours de ladite année et au cours des deux précédentes a atteint 183 jours.

Le barème d'imposition est progressif. Les taux sont compris entre 10 % et 35 %. Les tranches d'imposition varient selon la situation personnelle du contribuable. Par exception, le taux maximum applicable aux dividendes et aux plus-values de cession est de 15 %.

Les personnes physiques non résidentes et ne possédant pas la nationalité américaine ne sont imposables aux Etats-Unis que sur leurs revenus de source américaine. Les bénéfices des activités indépendantes réalisés aux Etats-Unis sont imposés selon les règles de droit commun applicables aux résidents. Les autres revenus sont soumis à une retenue à la source en application du droit interne américain.

La France et les Etats-Unis sont liés par une convention fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée à Paris le 31 août 1994 et modifiée par un avenant signé à Washington le 8 décembre 2004.

Respectueux des principes de l'OCDE, l'avenant, signé à Paris le 13 janvier 2009, comporte néanmoins des particularités tenant à la nature des relations franco-américaines et aux spécificités du droit fiscal américain.

Les principales modifications apportées par l'avenant sont les suivantes :

– La réécriture de l'article 4 de la convention, qui définit la résidence, permet de simplifier les modalités de taxation de nombreuses structures d'investissements : sociétés de personnes françaises et partnerships américains, fonds d'investissement et structures immobilières françaises de création récente : sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC) et sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV).

L'avenant introduit également dans l'article 4 une définition des sociétés de personnes françaises « translucides », consacrant ainsi ce concept français même si ces sociétés demeurent en pratique traitées fiscalement comme des structures transparentes.

L'avenant clarifie ensuite le traitement fiscal des revenus qui transitent par des entités fiscalement transparentes, partnerships et sociétés de personnes.

Enfin, l'avenant permet à la France de préserver son droit d'imposer les sociétés de personnes en France, quelle que soit la qualification que leur donne les Etats-Unis.

– L'avenant supprime la retenue à la source applicable aux redevances et, sous certaines conditions, aux dividendes intra-groupe. L'exonération de la retenue à la source sur les dividendes intra-groupe est de nature à favoriser le rapatriement en France des dividendes des filiales américaines des groupes français.

– L'article VI modifie l'article 18 de la convention qui détermine les modalités d'imposition des pensions afin d'inclure les citoyens américains parmi les bénéficiaires des pensions exclusivement imposables dans l'Etat débiteur des revenus.

– L'article X introduit une clause d'arbitrage obligatoire, inspirée du dernier modèle de l'OCDE, qui garantit aux contribuables l'élimination de toutes les doubles impositions que les autorités compétentes n'auraient pu éliminer par voie amiable dans un délai de trois ans. Les modalités pratiques de la mise en oeuvre de cette procédure sont précisées dans le protocole d'accord prévu par l'avenant.

– L'article XIII simplifie la situation des personnels binationaux ou titulaires de la carte verte qui sont employés par le Gouvernement français aux Etats-Unis. Il prévoit désormais l'imposition exclusive aux Etats-Unis des rémunérations des recrutés locaux en poste aux Etats-Unis qui ont la nationalité américaine ou sont titulaires de la carte verte (article 29 de la convention). Cette nouvelle disposition permet de régler définitivement le problème des doubles impositions supportées par les employés de l'Ambassade de France et de nos consulats (75 agents recrutés localement en 2007) en raison du refus américain d'autoriser l'imputation de la CSG et de la CRDS payées en France sur l'impôt américain.

– L'article XIV réécrit l'article 30 de la convention qui porte sur la limitation des avantages de la convention ou LOB (limitation of benefits). Cette clause a pour objet de subordonner l'octroi, à certaines personnes morales, des avantages conventionnels au respect de certaines conditions afin d'éviter le « treaty shopping ».

En conclusion, la France s'est vue accorder de nombreuses contreparties dans le cadre de la négociation de cet avenant. Outre le bénéfice de l'exonération de retenue à la source qu'elle sollicitait sur les dividendes et sur les redevances, qui contribuera aux transactions franco-américaines, la France a également obtenu l'octroi des avantages conventionnels au profit des structures d'investissements immobiliers françaises qui en étaient jusqu'alors exclues ainsi que ainsi que l'insertion d'une clause d'arbitrage obligatoire qui sécurisera juridiquement les entreprises sur l'issue des procédures qu'elles auront engagées auprès des Etats lorsqu'elles auront eu à subir une double imposition..

Plus généralement, l'actualisation des clauses relatives à l'échange de renseignements et à la limitation des avantages de la convention participe au renforcement de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales pour préserver au mieux nos intérêts financiers.

Pour toutes ces raisons, je vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (n° 1850 rectifié).

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