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Intervention de Jacques Myard

Réunion du 18 novembre 2009 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Dans le domaine nucléaire, la situation actuelle est marquée par le déséquilibre entre les cinq Etats dotés d'armes nucléaires et ceux qui ne sont pas autorisés à détenir de telles armes. Il faut rappeler cependant que 90 % des armes, déployées ou stockées, sont détenues par les Etats-Unis et la Russie. La réduction des arsenaux nucléaires de ces deux pays est donc un préalable indispensable à toute poursuite de discussions sur le niveau des arsenaux dans le monde. Parallèlement, la Chine augmente ses capacités.

Dès lors, il faut saluer le choix du Président de la République de maintenir une capacité de dissuasion nucléaire suffisante pour notre pays, et d'en avoir préservé l'indépendance en refusant, contrairement au Royaume-Uni, d'adhérer au groupe des plans nucléaires de l'OTAN.

Les vraies questions diplomatiques, politiques et militaires se posent au sujet des « nouveaux acteurs » comme l'Inde, le Pakistan, Israël, l'Iran ou la Corée du Nord. La Syrie ne semble pas devoir jouer un rôle majeur à l'avenir, bien qu'elle ait essayé de développer des capacités nucléaires clandestines.

Quelles sont les problématiques diplomatiques et politiques à moins d'un an de la tenue d'une conférence de révision du TNP, traité inégalitaire puisqu'il autorise certains Etats à détenir des instruments de puissance qu'il interdit à tous les autres ? Le traité fixe des obligations en matière de non-prolifération, obligations que l'Iran, partie au TNP, a violé du fait de sa poursuite d'activités nucléaires clandestines sur son territoire.

Le désarmement nucléaire est-il la solution pour la planète ? Alors que beaucoup souscrivent à cette vision, il faut être plus précautionneux. Un désarmement nucléaire mondial conférerait un avantage rédhibitoire aux Etats disposant des plus importantes puissances conventionnelles, aujourd'hui les Etats-Unis, mais demain la Chine, peuplée par plus d'un milliard d'habitants et investissant massivement dans les équipements militaires.

La France n'a donc pas à baisser la garde dans ce domaine. Que les Russes et les Américains commencent par réduire leurs arsenaux, qui, eux, sont totalement disproportionnés par rapport à l'état de la menace !

L'autre question qui se pose concernant les armes nucléaires, c'est celle de la dissémination des technologies. La caractéristique principale de la mondialisation actuelle, c'est de faciliter la diffusion des connaissances. A partir du moment où un Etat dispose d'une ressource humaine et industrielle suffisante, il peut maîtriser la technologie nucléaire. Les échanges scientifiques suivent depuis longtemps une autre logique que celle des rapports entre Etats, mais la libéralisation actuelle des échanges accélère encore le rapprochement de la communauté scientifique.

Or, malgré la multiplication des règles de contrôle des transferts de technologies, à travers les groupes d'exportateurs notamment, les résultats obtenus restent faibles. En renforçant les liens entre les Etats proliférants à travers des réseaux de prolifération dits de second cercle, les mesures actuelles tendraient plutôt à avoir des effets inverses à ceux recherchés. Quoi qu'il en soit, la dissémination de technologies fonctionne aujourd'hui entre les Etats, y compris à travers des réseaux d'apparence privés mais en réalité très proches des autorités étatiques comme le réseau Khan au Pakistan.

Cette dissémination a fait craindre l'émergence d'un terrorisme nucléaire. Certains documents recueillis par les services de renseignement américains ont montré qu'Al Qaïda s'intéressait aux méthodes de fabrication d'une arme nucléaire. Cette hypothèse relève toutefois du fantasme. L'importance des ressources humaines et industrielles, la maîtrise des technologies dans le domaine des explosifs et de la transformation des matières fissiles, nécessitent des infrastructures qu'un groupe terroriste ne peut mettre en place sans éveiller les soupçons.

Cela ne suffit pas à exclure l'utilisation d'armes de destruction massive par les terroristes. Les attaques chimique et biologique dans le métro de Tokyo, par gaz sarin, et aux Etats-Unis, en utilisant le bacille du charbon, ont montré que les risques encourus étaient sérieux, mais que les conséquences les plus dramatiques pouvaient être évitées. En revanche, l'utilisation de matières radioactives, dont certaines, comme le cobalt, sont notamment présentes dans les hôpitaux, permet de fabriquer des armes radiologiques qui obligent, si elles sont utilisées, à maintenir des zones entières inaccessibles pendant de nombreuses années. Bien que d'un maniement difficile, les produits les plus sensibles devraient être mieux surveillés.

Enfin, le recours à des attaques cybernétiques est une arme de choix pour désorganiser les sociétés. Des offensives ont été menées contre des Etats, dont la France, mais également l'Allemagne ou l'Estonie. La menace informatique est réelle, et nous devons trouver les réponses appropriées.

Face à cette situation, que faire ? La grande échéance en matière de lutte contre la prolifération, c'est la conférence d'examen du TNP en 2010. Ce traité n'a pas été si inefficace qu'on le dit, mais il faut le réformer en profondeur pour le rendre plus efficace. Nous devons ouvrir pour mieux contrôler, c'est-à-dire intégrer les nouveaux Etats disposant des moyens de fabriquer une arme nucléaire.

Personne n'empêchera l'Iran de se doter de ces éléments, mais il ne faut pas en déduire pour autant qu'une nouvelle menace est apparue. J'ai été marqué par la défense farouche des monarchistes iraniens, présents notamment en France, du programme nucléaire iranien et de la volonté de doter l'Iran d'une arme nucléaire. Malgré leur totale opposition au régime actuel, ceux-ci soutiennent sans réserve le droit de l'Iran à posséder un élément de puissance qu'ils estiment indispensable à leur pays.

L'arme iranienne est avant tout un outil de puissance, au Moyen-Orient mais aussi face au Pakistan, aux Etats-Unis, à l'Inde, à la Chine, voire à la Russie. Il n'y a aucun risque d'utilisation de la bombe iranienne au Moyen-Orient, car les Etats n'ont pas le goût du suicide.

Dès lors, la légitimité, et donc la survie, du TNP passent par l'intégration au traité, lors de sa rénovation, de tous les Etats nucléaires militaires, en tant que tels, leur conférant par ce statut les devoirs liés aux responsabilités internationales qu'ils recherchent. En permettant à ces Etats de rejoindre le « club » du TNP, il sera alors possible de les obliger à s'engager à lutter contre la prolifération. De la même manière, les autres Etats pourront légitimement demander à ce que ces pays se soumettent au protocole additionnel « 93+2 » de l'AIEA, seul moyen de garantir des inspections efficaces car couvrant tout le territoire de l'Etat concerné, et pouvant être organisée sans avertissement préalable. Ce nouvel équilibre est la seule solution pour permettre de faire survivre un système qui est aujourd'hui considéré comme parfaitement inéquitable.

Parallèlement aux réformes du TNP, des avancées doivent être obtenues dans d'autres domaines. Ainsi, le traité d'interdiction des essais nucléaires doit être ratifié par tous les Etats dont l'adhésion est nécessaire à l'entrée en vigueur du texte, notamment les Etats-Unis. L'organisation actuelle, provisoire, permet déjà de disposer de certaines capacités de détection des essais nucléaires, mais la mise en place du système final est une nécessité.

En revanche, je ne crois pas aux initiatives de type « banque du combustible ». L'Iran a déjà été victime de la rupture, par la France, de ses engagements en matière de fourniture de matière première pour des centrales nucléaires. On a alors parlé de « l'affaire Eurodif », du nom de l'usine d'enrichissement française que les Iraniens avaient partiellement financé. On peut donc comprendre que les Etats souhaitent maîtriser le processus d'enrichissement afin de ne pas être le jouet d'engagements internationaux considérés comme trop fluctuants.

Enfin, il est absolument nécessaire pour que soit mis en place un système de contrôle des stipulations de la convention sur les armes biologiques et les toxines, comparable à celui existant dans le cadre de la convention d'interdiction des armes chimiques. Des agents pathogènes aux effets redoutables existent aujourd'hui, et doivent être contrôlés, sinon détruits.

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