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Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 17 novembre 2009 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur :

L'achat d'un livre est d'abord un achat d'impulsion, qui, pour se concrétiser, requiert deux conditions.

Premièrement, le prix doit être identique partout, faute de quoi les acheteurs potentiels risquent de différer leur achat en espérant trouver l'ouvrage moins cher ailleurs. Quatorze pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) sur vingt-cinq se sont d'ailleurs dotés d'un système de prix unique, le plus souvent directement inspiré de la loi française de 1981.

Deuxièmement, les points de vente doivent être aussi nombreux que possible. En effet, chaque livre étant un prototype, son succès n'est jamais une certitude : certains ouvrages publiés en toute discrétion deviennent des succès ; d'autres, programmés pour être des best-sellers, ne se vendent pas. Comme disait André Malraux, « Au-delà de mille exemplaires, tout succès est un malentendu. » L'un des grands mérites de la loi sur le prix unique est d'avoir maintenu en France un système de diffusion du livre inégalé à l'étranger : on dénombre davantage de points de vente de livres en France que dans tous les États-Unis.

Tel est l'objet de cette proposition de loi : si nous ne réglons pas le problème des délais de paiement entre libraires et éditeurs, compte tenu de l'extrême faiblesse de leurs marges et de leurs rémunérations, la survie d'au moins un tiers des librairies est menacée. Au demeurant, nous avons d'abord été alertés non par les libraires mais par les éditeurs ; ceux-ci ont peut-être un intérêt facial au raccourcissement des délais de paiement mais ils se montrent surtout préoccupés par la pérennité des libraires, même si les ventes en ligne augmentent.

Le pilon, monsieur Kert, avec un taux de pourcentage de retour des livres invendus de 24 à 25 %, est effectivement excessif. Après analyse, il apparaît que la solution ne passe ni par la loi ni par le règlement mais par l'adoption d'un système informatisé de suivi des stocks, ou book tracking, c'est-à-dire la mise en réseau des points de vente et des éditeurs, afin que les réassorts et les réimpressions n'interviennent pas à contretemps. Ce système fonctionne en Grande-Bretagne – le nombre de retours a été divisé par deux depuis son entrée en vigueur –, en Nouvelle-Zélande, en Australie et il est en cours de développement en Italie. Nul besoin de prévoir des crédits publics car le système est peu coûteux et autofinancé, les éditeurs achetant certaines informations collectées auprès des libraires.

Madame Boulestin, vous avez raison, la vitalité de l'édition régionale est cruciale : de petites maisons d'édition publient d'excellents textes qui n'auraient peut-être pas trouvé preneur auprès de sociétés parisiennes installées. La loi de 1981 a aussi favorisé la très grande vitalité de l'édition française. La France, je crois, est le seul pays au monde où de jeunes maisons d'édition vivent en publiant moins d'une dizaine de titres par an.

Monsieur Le Mèner, ce texte prend le parti de ne viser que le livre, non par dédain vis-à-vis des autres industries culturelles mais par cohérence, parce que le livre est le seul secteur régi par le prix unique. À la fin des années soixante-dix, lorsqu'une réflexion a été engagée avec toutes les industries culturelles, les professionnels des industries musicales n'ont pas souhaité entrer dans un système de prix unique. À l'époque, il y avait un disquaire à chaque coin de rue ; aujourd'hui, ils ont tous disparu.

Les secteurs de la musique, du film et du livre sont dans des situations très différentes car les supports de partage de l'oeuvre ne bénéficient pas tous de la même maniabilité : il est plus facile de transférer un morceau de musique de trois minutes sur un baladeur qu'un livre de plusieurs centaines de pages sur un écran de téléphone.

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