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Intervention de Richard Mallié

Réunion du 17 novembre 2009 à 21h30
Réduction du risque de récidive criminelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Mallié :

Madame la présidente, madame la ministre d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui répond à deux objectifs principaux.

Tout d'abord, il complète la loi du 25 février 2008 relative à la détention de sûreté, qui instaura notamment la rétention de sûreté en milieu fermé pour les criminels les plus dangereux.

Ensuite, il apporte une réponse à la censure partielle du Conseil constitutionnel des articles 12 et 13 de la loi de février 2008. Il s'agit ici de mettre en conformité la volonté du législateur avec la décision du Conseil constitutionnel.

Avant de commenter plus en détail ce nouveau texte, je tiens à remercier le travail et l'écoute de Mme la garde des sceaux. Je tiens également à saluer l'engagement du rapporteur qui a enrichi de son expérience et de ses idées ce projet de loi, en abordant notamment l'évaluation de la dangerosité et l'harmonisation des contraintes.

L'intitulé du projet de loi est limpide : le texte cherche à « amoindrir le risque de récidive criminelle » car le risque zéro n'existe pas. En la matière, la prévention reste le meilleur des moyens d'action. Nul ici ne peut contester que la mise en oeuvre de traitements adaptés pour les criminels dangereux constitue non seulement un impératif social, mais aussi une exigence juridique. Parallèlement, la prévention de la récidive des criminels les plus dangereux doit devenir la pierre angulaire de notre action afin d'amoindrir ce risque de récidive.

Le taux de récidive pour les délits sexuels atteint 4,5 % pour 2008, soit 467 cas. C'est trop, c'est beaucoup trop. Le texte renforce, fort légitimement, l'interdiction pour l'ex-détenu de paraître dans un lieu où réside sa victime voire de la rencontrer. Cette mesure de bon sens doit recevoir tout notre soutien.

Comme l'a fort bien dit l'un de nos collègues socialistes en commission : « Partager le secret n'est pas possible, mais partager l'information doit pouvoir être possible. Or, l'information ne circule pas. » Cette lacune importante affecte lourdement la prévention de la récidive dans notre pays.

À cette délicate question de la circulation de l'information, nous avons essayé, avec Jacques Pélissard et près de 190 députés de la majorité, d'apporter une réponse concrète. Il est nécessaire d'améliorer la circulation entre les différents acteurs qui sont censés prévenir la récidive, à savoir le monde judiciaire, les forces de police et de gendarmerie et les élus locaux.

Les textes font désormais du maire un acteur important de la politique de sécurité et de prévention. La loi de mars 2007 le charge de concourir à l'exercice des missions de prévention de la délinquance et de coordonner les politiques de prévention sur sa commune.

Ces textes prévoient également l'accroissement de l'information du maire pour ce qui concerne la prévention de la délinquance. Il doit par exemple être informé par les responsables locaux de la police des caractéristiques et de l'évolution de la délinquance sur sa commune. Il peut aussi, sur sa demande, être informé par le procureur des suites judiciaires données à tous les actes de délinquance qui sont commis sur sa commune.

Afin de suivre cette évolution, il apparaît important de donner la possibilité au maire d'être informé par le parquet, à sa demande, de l'arrivée dans sa commune d'une personne condamnée pour des faits graves et juridiquement établis. Connaissant le lieu d'habitation du condamné et tenu par le secret professionnel, le premier magistrat de la commune pourra vérifier s'il réside à proximité d'une école et éviter qu'il ne s'inscrive, par exemple, à des activités bénévoles au service des enfants. Une telle mesure poursuit l'action entreprise en matière de prévention contre la récidive, ce qui me paraît être la moindre des choses vis-à-vis d'un criminel sexuel.

Connaissant bien la fonction de maire, le même député socialiste déclarait encore en commission : « Je ne suis pas opposé à ce que l'adresse de personnes qui avaient été condamnées à une certaine peine soit connue de la gendarmerie et de la police, mais il faudrait se fonder sur une notion juridiquement établie. » Cette information des forces de police est nécessaire et complémentaire à l'amendement que nous proposons, car nul ne connaît mieux le terrain que celui qui y vit. Quoi qu'on en dise, un maire connaîtra toujours mieux sa commune que ne la connaissent les forces de police de la ville voisine. Il sera également plus disponible pour se rendre sur le terrain faire de la prévention. N'oublions pas que prévenir, c'est guérir, car ces maux-là, s'ils apparaissent, ne guérissent jamais.

C'est en mobilisant les différents acteurs concernés et en faisant circuler l'information que l'action de prévention sera meilleure. Jacques Guillemain, maire de Moulins-Engilbert, dans la Nièvre, où un garçonnet de quatre ans avait été tué et violé en 2006, nous le confirme : « À l'époque, j'ignorais totalement la personnalité de ce criminel et je le regrette. J'aurais souhaité être informé. »

Concernant la notion « juridiquement établie », nous avons proposé que le maire soit informé à sa demande de l'installation sur sa commune de toute personne condamnée pour viols, agressions sexuelles, actes de barbarie ou tortures.

Pour laisser place au débat sur ce sujet, et après un échange de vues avec le rapporteur, un deuxième amendement a été déposé. Il tend à prévoir que le maire sera informé à sa demande de l'installation sur sa commune de toute personne faisant l'objet d'une surveillance judiciaire ou d'une surveillance de sûreté – deux mesures qui ne concernent, naturellement, que les criminels les plus dangereux.

Deux garde-fous sont mis en place. D'une part, cela se fera sur demande du maire, et non pas systématiquement. De plus, cette disposition concernera non pas tous les anciens détenus, mais seulement ceux qui se trouvent sous surveillance, c'est-à-dire les plus dangereux, et qui doivent d'ailleurs se plier à des obligations bien précises à l'égard de la justice, y compris après avoir purgé leur peine. En effet, en termes de récidive, on ne peut pas mettre sur le même plan le crime passionnel et l'agression sexuelle préméditée. Cette dichotomie existe et doit perdurer.

Actuellement, deux niveaux de mesures de sûreté peuvent être mis en oeuvre. Le premier niveau est celui de la surveillance judiciaire qui soumet à diverses obligations une personne condamnée à au moins dix ans de prison. La durée de cette surveillance judiciaire est limitée à celle des réductions de peines obtenues par le condamné.

Le deuxième niveau est celui de la surveillance de sûreté, qui concerne des personnes condamnées à quinze ans de prison au moins. La commission des lois propose d'ailleurs d'abaisser ces seuils de dix à sept ans pour la surveillance judiciaire et de quinze à dix ans pour la surveillance de sûreté.

Il est de notre responsabilité de trouver le juste équilibre entre le respect des libertés publiques pour les condamnés ayant purgé leur peine et la mise en oeuvre d'une prévention active de la récidive. C'est ce pour quoi nous sommes réunis ce soir. Mieux vaut être quelque peu contraignant et sauver des vies que constater les dégâts après coup.

Protéger les Français, ce n'est pas se contenter de sanctionner le criminel une fois le crime commis, c'est également prévenir le crime et, surtout, la récidive.

Enfin, je soutiens entièrement les amendements déposés par Franck Reynier visant à supprimer le caractère automatique des réductions de peine. Aujourd'hui, en effet, l'exception, censée récompenser un bon comportement en prison, est devenue la règle. Même si, en droit, il n'y a pas d'automaticité, rares sont les condamnés qui n'en bénéficient pas durant leur détention.

Si un condamné accomplit des efforts de réinsertion sociale, il est légitime d'encourager un aménagement de peine. Mais si tel n'est pas le cas, pourquoi aménager sa peine ? Le bon sens populaire ne comprend pas qu'une personne condamnée à un certain nombre d'années de prison voie automatiquement cette durée réduite, parfois sans raison.

Parce que les victimes ne sont pas protégées, les Français n'ont plus confiance dans leur justice. Face aux risques que font peser certains récidivistes, les Français attendent de l'État qu'il sache les protéger. Ne s'agit-il pas d'une fonction régalienne de l'État ?

Je voterai ce projet de loi dont j'espère qu'il redonnera aux Français pleine confiance en la justice. N'oublions pas qu'elle est le pilier de l'État de droit.

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