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Intervention de Paul Jeanneteau

Réunion du 10 novembre 2009 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2010 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Jeanneteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le handicap et la dépendance :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le haut commissaire, chers collègues, avec des crédits d'un montant de 9,1 milliards d'euros, le budget pour 2010 du programme « Handicap et dépendance » est en augmentation de 5,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009, confirmant la dynamique déjà observée l'année précédente, à savoir 6,5 % d'augmentation des crédits entre 2008 et 2009.

Cet effort, particulièrement significatif en temps de crise, mérite d'être salué. Il témoigne d'une réelle constance dans la mise en oeuvre de la politique au profit des personnes handicapées et des personnes dépendantes.

Trois points peuvent d'emblée être soulignés : l'attribution de moyens nouveaux aux maisons départementales des personnes handicapées, avec une dotation de l'État qui passe de 14,9 millions d'euros en loi de finances 2009 à 21,7 millions d'euros dans le présent budget ; le financement de 1 400 places nouvelles en établissements et services d'aide par le travail ; la poursuite de la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés, conforme à l'objectif général d'une revalorisation de l'allocation de 25 % en cinq ans.

Je ne m'attarderai pas davantage sur le détail des crédits de ce programme. J'ai choisi en effet de centrer mon analyse sur la prise en charge des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes.

Je commencerai par le constat. Cette question, relativement nouvelle, est liée à l'accroissement de l'espérance de vie de ces personnes et de celle de la population. Par ailleurs, la spécificité du vieillissement des personnes handicapées – marquée par un accroissement important de leur fatigabilité à partir de quarante-cinq ans – appelle une prise en charge spécifique. Il faut enfin rappeler que cette question constitue une préoccupation majeure pour les parents, d'autant plus qu'elle va de pair avec celle du vieillissement des aidants, qui sont le plus souvent des membres de la famille.

Cependant, si ces réalités sont établies, elles sont encore insuffisamment quantifiées pour plusieurs raisons. Avant tout, bien sûr, parce que le phénomène de vieillissement des personnes handicapées est lui-même encore récent. Ensuite, parce que la notion de déficience intellectuelle n'est pas toujours aisée à appréhender et à distinguer des déficiences psychiques. Enfin, parce que la seule étude vraiment complète sur la détermination du nombre de personnes intellectuellement déficientes vieillissantes semble être l'enquête « Handicaps-incapacités-dépendance » menée en 1998-2001, il y a donc près de dix ans, par l'INSEE et la DREES.

Selon cette enquête, on dénombre environ 635 000 personnes handicapées vieillissantes, dont 44 % souffriraient d'une déficience intellectuelle ou mentale, soit environ 280 000.

S'agissant du nombre de structures d'accueil des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes, l'enquête relative aux établissements sociaux et médico-sociaux dénombre, au 31 décembre 2006, un total de 3 659 établissements accueillant 118 865 personnes handicapées. Sur cet ensemble, on peut estimer à 46 000 le nombre de personnes handicapées mentales vieillissantes. En outre, 12 000 personnes intellectuellement déficientes seraient accueillies dans des structures pour personnes âgées.

Ces données sont fragiles car elles sont parfois fondées sur des hypothèses incertaines. En outre, elles laissent ouvertes un certain nombre de questions : combien de personnes intellectuellement déficientes attendent-elles qu'une place dans un établissement se libère ? Quelles projections sont envisageables pour l'avenir ? Ces incertitudes portant sur le diagnostic requièrent la mise en oeuvre, dans le cadre de l'enquête HID – handicaps, incapacités, dépendance –, d'un dispositif de suivi des structures au service des personnes handicapées mentales, dispositif permettant d'identifier ces personnes afin d'établir clairement les besoins. J'ai proposé à la commission un amendement en ce sens, qu'elle a adopté ; nous y reviendrons tout à l'heure.

De premiers éléments de réponse ont déjà été apportés à cette question du vieillissement des personnes intellectuellement déficientes. Les avancées sont nombreuses s'agissant de la programmation des politiques publiques et de la coordination des actions menées sur le terrain, mais aussi de la mutualisation des moyens entre établissements ou encore de la formation des personnels du secteur médico-social.

La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, celle du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital ainsi que le plan annuel de création de places dans les structures d'accueil, mis en oeuvre depuis 2008, sont autant d'outils efficaces pour prendre en compte la question du vieillissement des personnes intellectuellement déficientes. Ces outils visent à développer les modes d'accueil aujourd'hui bien identifiés, que je rappelle pour mémoire : le maintien à domicile ou en milieu familial ; l'accueil en foyer d'hébergement ou le passage en foyer de jour ou occupationnel ; le séjour en foyer d'accueil médicalisé ou

en maison d'accueil spécialisée ; l'accueil en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

De manière générale, le passage d'une structure à une autre, avec l'avancée en âge, est d'autant plus difficile qu'il mêle des considérations contradictoires. D'aucuns préconisent le maintien dans la structure d'origine le plus longtemps possible, au besoin par le recours complémentaire à des structures médicalisées externes, cependant que d'autres invoquent le risque d'engorgement des structures au détriment de l'accueil des nouvelles générations.

Les questions de financement se posent également car les financeurs ne sont pas les mêmes selon les structures. Les foyers d'accueil médicalisés, par exemple, relèvent d'une part du financement de l'assurance-maladie : pour les soins, et de l'autre du financement du conseil général : pour l'hébergement.

Mon propos ne serait pas complet s'il n'évoquait la barrière que représente souvent l'âge de soixante ans. Trop de structures imposent encore, en effet, une limite d'âge pour l'accueil des personnes handicapées, alors qu'une telle limite ne figure ni dans la loi ni dans les règlements. La commission a, sur cette question également, adopté un amendement que je lui ai proposé.

Parce que les solutions que je viens d'évoquer ne suffisent pas toujours, sur le plan quantitatif ou qualitatif, un certain nombre d'initiatives complémentaires sont aujourd'hui développées. C'est dans le foisonnement d'initiatives souvent expérimentales que se joue l'avenir de la prise en charge des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes. C'est aussi pour cela que la commission a adopté un amendement tendant à encourager ces expérimentations.

Des auditions et des déplacements que j'ai pu effectuer pour préparer cet avis, je retiens tout particulièrement cinq axes de réflexion. Il convient tout d'abord de préserver la continuité des parcours : une première exigence consiste en effet à éviter les changements de structures d'hébergement, qui seraient vécus comme des ruptures par les personnes vieillissantes.

Deuxième piste : favoriser l'adossement des unités dédiées aux personnes handicapées vieillissantes à des structures existantes. Il me semble que ces solutions ont le mérite de favoriser une certaine mutualisation des moyens et les échanges d'expériences.

Troisième axe : repenser l'aide aux familles. Des solutions existent aujourd'hui, qui consistent à offrir un accueil à la personne handicapée ainsi qu'à ses parents.

La quatrième exigence est d'équilibrer les dimensions sociale, économique et territoriale des projets. Si la dimension sociale de l'accueil des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes peut sembler évidente, l'aménagement du territoire et les aspects économiques ne doivent pas être négligés non plus.

Cinquièmement, enfin, il me semble essentiel de favoriser la médicalisation des structures existantes en privilégiant une certaine souplesse. Par exemple, il faut encourager la médicalisation d'une ou de quelques places en foyer de vie.

Pour conclure, il me semble important de veiller au rapprochement des politiques du handicap et de la dépendance, encore trop souvent séparées. Beaucoup a déjà été fait, mais des progrès sont encore possibles. La commission propose, par un autre amendement, d'inciter les départements à présenter des schémas de planification départementale portant à la fois sur la gérontologie et le handicap. C'est aussi l'un des moyens de faire de la prise en charge des personnes intellectuellement déficientes vieillissantes l'une des priorités de nos politiques publiques de demain.

La commission des affaires sociales a naturellement donné un avis favorable à l'adoption des crédits en faveur du programme « Handicap et dépendance » pour 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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