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Intervention de Didier Robert

Réunion du 4 novembre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Robert :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous venons collectivement d'essuyer une tempête difficile dans nos territoires : les outre-mer ont été, à des niveaux variables, le théâtre des expressions de malaises et de malentendus accumulés au fil du temps.

Après les périodes de retenues, d'incubation, de non-dits, 2009 restera pour nous tous l'année des explosions de colère, des manifestations et des barricades, comme cela a pu être le cas en février 1974 en Martinique ou en 1992 à la Réunion. La crise économique internationale a sans doute été un élément déclencheur supplémentaire. Mais il est évident que la souffrance des Français des outre-mer est chaque jour aussi davantage perceptible, comme il est évident que les politiques menées ont montré leurs limites. Nous savons tout cela. Nous savons tout cela, mais nous tardons à réagir. Je dénonce une fois encore ici la propension à justifier, par de savants calculs mathématiques et de subtiles contorsions juridiques, le manque de détermination qui a souvent été le lot commun des attitudes publiques. Bien sûr, il ne s'agit pas de tout rejeter en bloc, parce qu'il est également vrai que des actions ont été efficaces. Mais la politique doit être d'abord et avant tout au service de l'Homme, c'est ce que j'entends chaque jour des Réunionnais que je rencontre.

Voilà le sens de la nouvelle ambition que nous devons nous donner, pour l'ensemble des outre-mer, pour chacun de nos territoires où les femmes et les hommes de talent, veulent, avec nos compatriotes de l'hexagone, participer à la marche en avant de notre société.

Le budget que vous nous présentez pour 2010 traduit une meilleure prise en compte de nos réalités et un plus fort engagement du Gouvernement.

L'organisation des états généraux, à l'initiative du Président de la République, et la tenue ce vendredi du conseil interministériel de l'outre-mer témoignent également d'une meilleure prise de conscience au service d'une politique partagée.

Aujourd'hui, nous pouvons constater un engagement mieux affirmé, la définition d'une vraie stratégie de long terme en faveur du développement économique et de l'emploi, la volonté d'aller vers plus de justice sociale et d'équité.

Je voudrais vous dire mon enthousiasme à vous accompagner dans cette voie, tout en vous demandant de conserver avec nous une vigilance de tous les instants sur les écueils du moment et les vieux démons du passé.

Il s'agit pour nous désormais de fixer ensemble les grands enjeux des outre-mer.

Il s'agit de délimiter ensemble le champ des possibles sur la base de préalables clairement établis.

Le premier de ces préalables concerne la question institutionnelle qui, de mon point de vue, doit être définitivement expurgée.

Je ne sais pas ce que diront nos amis des Antilles et de la Guyane sur ce dossier. À la Réunion, ce débat n'est plus d'actualité : la Réunion est terre française. Le cadre institutionnel de l'article 73 est celui qui convient aux Réunionnais, des adaptations sont toujours possibles, hors du champ de l'assemblée unique dont nous ne voulons pas.

Par ailleurs, je milite aussi pour une meilleure cohérence des politiques publiques. Nous devons faire des choix, définir une stratégie et amener tous les acteurs à partager une même vision de l'avenir.

État, région, département, intercommunalités, communes, acteurs associatifs, nous devrions tous pouvoir construire dans le même sens. Ce n'est pas le cas aujourd'hui à la Réunion. Nous assistons à une véritable politique de casse sociale portée par le département, avec une gestion désastreuse de structures comme l'ADI, l'ARAST, plus de 8 000 personnes âgées étant directement concernées et inquiètes, ou encore la Maison du handicap, à une politique d'investissement portée par la région très éloignée de nos priorités, de nos capacités financières réelles, de la nécessité pourtant évidente d'une politique d'aménagement équilibrée entre toutes les microrégions.

Cette attitude partisane et à bien des égards irresponsable est globalement vraie dans bon nombre de domaines. Le manque de cohérence dans les politiques d'éducation et de formation est aussi une réalité.

Pourtant, l'école de la République reste le vrai préalable de notre réussite. Le Président de la République, dans sa lettre de mission du 5 juillet 2007 au ministre de l'éducation nationale, s'exprimait sur le sujet : « Nos compatriotes sont très attachés à l'école gratuite, laïque et républicaine. Ils savent que, pour des générations entières, elle a été le moteur du progrès social et le pilier de l'égalité des chances. Et c'est à juste titre que l'école est au coeur du pacte républicain. »

La Réunion comptait au 1er janvier 2008 810 000 habitants, avec la perspective d'un million d'habitants au total à l'horizon 2025. Aujourd'hui, déjà, un Réunionnais sur trois a moins de vingt ans. Ces seuls éléments montrent toute l'importance des enjeux.

Il faut construire des écoles, des collèges, des lycées, des centres de formation, accueillir des enseignants supplémentaires, du personnel administratif et technique de qualité. Vous sentez bien, madame la secrétaire d'État, que nous ne pouvons nous satisfaire de la logique d'une politique de restriction, à moins d'accepter de reléguer au second rang la question de l'éducation.

Pour ma part, je plaide pour que l'école, de la maternelle à l'université, ainsi que tout le volet de la formation professionnelle, soit érigée en priorité numéro un à la Réunion et, pourquoi pas, sur l'ensemble des autres territoires. De ce point de vue, je continue à penser qu'à titre d'exemple, la création à la Réunion d'une grande faculté de médecine ouverte sur notre environnement régional est une priorité.

Soyez notre ambassadrice sur la question de l'école, parce qu'il n'y aura pas de développement économique réussi sans une élévation et une généralisation du niveau de formation, sans une plus grande écoute aussi du monde de l'entreprise.

Cohérence institutionnelle, cohérence des politiques publiques, l'éducation comme moteur de nos engagements, tels sont les fondamentaux à retenir pour une politique de l'excellence outre-mer.

En définitive, ce que nous voulons, c'est mieux asseoir pour les outre-mer la dimension d'un développement durable qui réconcilie l'homme et son environnement. Nous devons pour cela nous autoriser toutes les audaces.

Il faut d'abord que les uns et les autres acceptent de considérer qu'il n'y a aucun antagonisme dans le fait d'être créole, français, européen, mais qu'il y a bien là la même fierté d'être tout cela à la fois. C'est ce qui fait toute notre force et toute notre originalité, c'est ce qui fait de nous les premiers acteurs du monde de demain, métis, partagé, porteur de tolérance et d'acceptation des différences.

Notre culture est vivante, elle doit se vivre au quotidien et ne pas être enfermée entre des murs austères et figés. Aidez-nous à accompagner nos musiciens, peintres, sculpteurs, hommes et femmes de lettres pour qu'ils puissent s'exprimer librement. Aidez-nous à créer davantage de passerelles pour leur permettre de partager avec nos compatriotes de l'hexagone.

Il faut ensuite poursuivre les efforts engagés pour le respect, la promotion de notre patrimoine et de notre environnement naturel. Nous pouvons là encore être force d'exemple. Nous comptons sur votre détermination, au moment des arbitrages définitifs en 2010 au Brésil, pour que la Réunion soit classée au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Enfin, il faut reconsidérer notre politique économique, et vous vous y êtes engagée. Nous voulons une politique construite à partir de nos atouts, sur la base d'un véritable développement endogène autour du tourisme, des nouvelles technologies, des filières de l'agronutrition, ou du programme GERRI. La politique des grands chantiers que nous voulons est celle qui sert la réussite de ces grands secteurs d'activité. Vous l'avez compris, je fais partie de ceux qui croient au succès de la loi pour le développement économique des outre-mer. Le texte a été voté, nous sommes dans l'attente des décrets d'application.

Avec les outre-mer, la France est partout présente. Dans le Pacifique, au centre de l'arc antillais, sur les terres d'Amérique du Sud, à l'embouchure du Saint-Laurent, au coeur de l'océan Indien, nous devons partout prendre toute notre place.

Je milite pour ma part pour une grande région française de l'océan Indien regroupant la Réunion, Mayotte, les Terres australes et antarctiques françaises, les îles Éparses, une grande région au service de nos économies, pour la conquête de nouveaux marchés, pour mieux accompagner la créativité et le développement de nos entreprises.

1 commentaire :

Le 12/11/2009 à 10:31, Robert S. a dit :

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Une intéressante lettre ouverte adressée à M. Robert sur ce thème est lisible ici: http://www.zinfos974.com/Lettre-ouverte-au-Depute-Didier-Robert_a12018.html

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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