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Intervention de Huguette Bello

Réunion du 4 novembre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Ce budget est en attente des annonces présidentielles, bien sûr, en attente aussi de la publication des décrets d'application de la LODEOM. Le choeur unanime que nous formons ici pour demander la parution la plus rapide possible de ces textes n'est que le pâle écho des impatiences qui montent dans nos régions respectives.

C'est sans doute dans le domaine du logement social que la situation est la plus critique. Il est vrai que le bouleversement est de taille puisqu'il s'agit, ni plus ni moins, que d'appliquer une maquette de financement totalement différente. Plutôt que la LBU, c'est la défiscalisation qui sera désormais privilégiée pour financer le logement social. Non seulement les textes réglementaires ne sont pas publiés, mais les versions disponibles ne sont pas sans poser des difficultés. Il est urgent de les modifier maintenant, si l'on veut éviter les blocages et de nouveaux retards. Les opérateurs sociaux ont relevé les obstacles qui entravent l'articulation que prône le Gouvernement entre la ligne budgétaire unique et la défiscalisation, notamment les différences entre les bases éligibles à la LBU et à la défiscalisation. La question n'est vraiment pas, avec des bases différentes, d'essayer de favoriser l'un des deux modes de financement, en l'occurrence la défiscalisation. Il s'agit simplement, dans un souci d'efficacité, de ne pas compliquer l'instruction des dossiers et, au bout du compte, la réalisation des programmes de logement sociaux qui cumulent les deux financements. Dois-je rappeler que, sur ce point précis, le Gouvernement s'était engagé ?

Il y a aussi le décalage dans les délais d'instruction selon que les dossiers relèvent de la défiscalisation ou de la LBU. À ce jour, plus d'une cinquantaine de demandes d'agrément préalable de défiscalisation ont été déposées – pour certaines depuis plus d'un an – par les promoteurs sociaux de la Réunion : elles sont toujours en cours d'instruction. Répondre à la forte demande de logements par la défiscalisation plutôt que par la dépense budgétaire, telle est l'option choisie par le Gouvernement. La moindre des choses serait donc qu'il adopte au plus vite les meilleurs dispositifs. La période de transition a assez duré. À la Réunion, la production de logements sociaux s'est effondrée, alors que 30 000 familles sont en attente. Il est grand temps d'inverser la tendance actuelle. S'il y a un grand chantier prioritaire qui fait l'unanimité à la Réunion, c'est bien la construction de logements sociaux. Ce serait là une excellente solution pour relancer l'emploi dont la situation empire de mois en mois.

Depuis plus d'un an, les licenciements économiques se multiplient et le chômage progresse sans relâche. Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, plus de 5 300 emplois directs ont déjà été supprimés. La suppression des assistants d'éducation et la baisse tendancielle du revenu des agriculteurs n'arrangent rien. Sans un sursaut immédiat, le pire est devant nous. Sans doute mesurera-t-on mieux la gravité de la situation en constatant que, depuis plusieurs mois, le chômage augmente trois fois plus vite à la Réunion que dans les autres régions d'outre-mer, y compris pendant la longue grève antillaise.

Cet affolement du chômage est source d'angoisse. Il constitue, aussi, le meilleur plaidoyer pour l'exploration de tous les gisements d'emplois potentiels. La Réunion ne cesse de progresser dans la voie des énergies renouvelables et des innovations environnementales. Mais toutes ces avancées doivent aussi trouver leur traduction en termes d'emploi. C'est pourquoi nous souhaitons la structuration d'une filière de métiers liés directement au développement durable. De même, en liaison avec le Grenelle de la mer, nous souhaitons qu'un lycée de la mer puisse voir le jour. La ville de Saint-Paul est candidate pour accueillir un tel établissement, premier jalon d'un cursus qualifiant qui allierait formation professionnelle et universitaire.

Dans ce contexte de crise, il faut aussi anticiper – pour tenter de les prévenir pendant qu'il en est encore temps – les conséquences que ne manquera pas d'avoir la signature des accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays d'Afrique orientale et australe. Ces accords, qui permettent aux produits des pays voisins d'accéder, sans quota, sans droits de douane, sans réciprocité au marché réunionnais, sont lourds de menaces pour l'emploi et pour les productions locales. Outre qu'ils contrecarrent les politiques visant à l'intégration régionale des régions ultrapériphériques, ils tournent le dos à la stratégie du développement dit « endogène ». L'aide pour le fret accordée aux entreprises risque d'être rapidement submergée par les APE !

Détonateur des manifestations dans l'outre-mer, le pouvoir d'achat revient dans cette session budgétaire de façon plutôt inattendue. Le revenu supplémentaire temporaire d'activité, dont la création avait permis de sortir de la crise, est doublement remis en cause : il est déduit de la prime pour l'emploi et il est assimilé au RSA. Je ne préjuge pas du sort qui sera réservé au RSTA à l'issue du débat budgétaire. Mais la controverse actuelle sur la coexistence des deux dispositifs montre, une fois de plus, que le report de l'application du RSA dans les départements d'outre-mer n'est pas justifié.

Dénoncée depuis longtemps, la cherté de la vie outre-mer vient, pour ainsi dire, d'être authentifiée par les conclusions de la mission que le Gouvernement a confiée à l'Autorité de la concurrence sur les mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation. L'avis rendu par cette instance indépendante est sans appel : à la Réunion, pour plus de la moitié des produits, les prix sont supérieurs de 55 % à ceux observés en France continentale. Tout le monde attend maintenant avec impatience les mesures qui mettront un terme à cette extravagante situation.

Pour conclure, je souhaite revenir sur l'importance de la question de la jeunesse. Ce budget lui consacre deux mesures spécifiques. Elles ont le mérite d'exister. Permettez-moi pourtant de m'interroger sur la réduction du temps de formation qui accompagne le doublement du nombre de stagiaires du SMA. Avec des taux d'insertion de 80 %, le succès du doyen des dispositifs d'insertion n'est plus à démontrer. La diminution du temps de formation intervient alors que, le 29 septembre dernier, le Président de la République a exigé l'allongement de la durée effective de l'année universitaire à dix mois. « On ne peut pas dire… » – je cite le Président – « il faut élever le niveau des formations et raccourcir la durée de l'année universitaire. » Quelles considérations justifient donc le passage du SMA de douze à huit mois ?

Je souhaite aussi appeler votre attention sur le bien mauvais signal adressé aux jeunes diplômés de la Réunion lors de cette rentrée scolaire. Notre académie a, en effet, recruté soixante-dix professeurs des écoles de trop, venus des autres académies. Une « erreur de logiciel » expliquerait ce bug administratif. Les premières victimes sont les quinze jeunes reçus sur la liste complémentaire de l'IUFM de la Réunion, qui doivent laisser la place aux soixante-dix collègues affectés par erreur ! Quand on se rappelle le taux de chômage qui accable la jeunesse, on trouve que c'est là payer bien cher de tels dysfonctionnements !

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