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Intervention de Gabrielle Louis-Carabin

Réunion du 4 novembre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabrielle Louis-Carabin :

Monsieur le président, mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, certains de mes collègues s'inquiètent fortement de la position que je vais prendre sur ce budget 2010. Pour leur répondre, j'ose leur dire que votre budget est un bon budget. Les voilà rassurés !

Si l'on se réfère aux documents budgétaires soumis à notre appréciation, je devrais vous féliciter car votre premier budget bat tous les records en terme d'augmentation, alors que le déficit de l'État se creuse.

La mission « Outre-mer », représentant 29 % des dépenses hors dépenses de personnel, est la première mission budgétaire en faveur de l'outre-mer, devant les missions « Dotations de l'État », « Santé » et « Éducation », qui représentent, elles, respectivement, 28 %, 14 % et 10 % des dépenses dans le même périmètre.

Ce budget a pour vocation de mettre en confiance les acteurs locaux car il regroupe des crédits qui confortent leur dynamisme. Je l'espère rassurant, puisqu'il est essentiellement dédié à la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont il faut rappeler l'objectif : améliorer la compétitivité des entreprises et celle de régions qui participent amplement au rayonnement international de la France.

La nécessité de publier les décrets d'application n'en est, madame, que plus impérieuse. S'ils se font encore attendre, la logique de confiance que le Gouvernement et les élus tentent de restaurer sera cassée.

De plus, étant originaire de nos îles et connaissant parfaitement chacun de nos territoires, vous semblez être la mieux armée pour aider ce gouvernement à respecter son engagement : celui de relever une économie ultramarine secouée par une crise mondiale inattendue et brutale, aggravée par un mouvement social d'une grande ampleur, confirmant ainsi le malaise de plus en plus palpable de nos régions.

Mais, madame la secrétaire d'État, en qualité d'élue de proximité, je dois souligner qu'en dépit de l'augmentation de ce budget, les difficultés quotidiennes de nos compatriotes persistent : une situation du marché du travail qui s'est progressivement dégradée au cours de 2008, faisant le lit d'un chômage trois fois plus élevé qu'en métropole et touchant les femmes, les seniors et les jeunes, singulièrement les moins de vingt-cinq ans, pour ne prendre que cet exemple.

Il faut aussi regretter que cette discussion budgétaire intervienne avant le premier Comité interministériel de l'outre-mer du 6 novembre, comité où, je l'espère, seront annoncées des mesures spécifiques destinées à accentuer un véritable développement endogène, qui semble être la réponse clé au malaise croissant de nos régions.

Une fois de plus, la donne budgétaire risque d'être modifiée et, une fois de plus, la vision étriquée de l'outre-mer, à travers le prisme de la dépense, des taux de chômage, d'insécurité, d'échec scolaire, et j'en passe, s'accentuera.

Le budget est en augmentation, mais la problématique du pouvoir d'achat, pourtant au coeur du mouvement social de ce début d'année, ne semble pas déjà faire l'objet de mesures fortes pour casser la logique des coûts élevés et des monopoles. Si l'on veut soutenir durablement l'emploi et le pouvoir d'achat dans les DOM, les commerces de proximité doivent disposer de moyens pour exister pour résister à la concurrence.

Il faut limiter les monopoles dans la grande distribution et rétablir la limitation des surfaces commerciales à 300 mètres carrés, supprimée lors de la loi de modernisation de l'économie, car les commerces de proximité, je ne cesserai de le dire dans cet hémicycle, sont le poumon de notre économie ; ils créent et entretiennent le lien social.

Quant au RSTA – le revenu supplémentaire temporaire d'activité –, sa nature juridique et son financement prêtent à confusion : alors qu'il est un supplément de salaire en référence à l'accord Bino, il est ici présenté comme une anticipation du RSA. L'articulation de ces deux dispositifs suscite l'inquiétude et révèle une rupture du principe d'égalité dont les premières victimes sont les Domiens.

Votre budget est certes en augmentation, mais l'avenir de la jeunesse, atout principal de nos régions, reste incertain. Sa formation est un enjeu conséquent dont il faut bien prendre la mesure en allant au-delà du service militaire adapté. Si ce dernier est un outil performant, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut à lui seul répondre aux problématiques de l'ensemble des jeunes de l'outre-mer, notamment ceux qui sont dès le plus jeune âge en situation d'échec. Il est donc évident que des solutions complémentaires doivent être apportées : le plan d'action pour la jeunesse décliné par le Président de la République, le 29 septembre, semble contenir quelques mesures. Comment seront-elles déclinées outre-mer ?

Je suis particulièrement attentive à la mise en oeuvre des mesures portant sur le décrochage scolaire des seize-dix-huit ans, public extrêmement fragile, de jeunes souvent sans repères, qui, de plus en plus, déclarent qu'ils n'ont rien à perdre.

L'outre-mer, privé de l'expérimentation pour le RSA, doit bénéficier d'une expérimentation d'envergure du plan d'action en faveur de la jeunesse. Car, vous devez le savoir, madame, nombreux sont nos jeunes en situation d'échec scolaire, qui subissent de plein fouet le chômage et, inévitablement, tombent dans les maux de la délinquance qui ronge notre société.

Votre budget est en augmentation. Mais les budgets passent et les problèmes demeurent, les secrétaires d'État passent et les problèmes persistent.

J'aurais souhaité désormais que le fil conducteur de la politique outre-mer, et singulièrement en Guadeloupe, ne se résume pas à une gestion au fil des désaccords et des crises. Il nous faut de la stabilité. Il faut mettre un terme à l'instabilité des dispositifs. Ces derniers, en l'espace de six ans, ont été changés, voire cassés, au gré des ambitions et au détriment d'économies déjà fragiles.

Il est essentiel que vous compreniez que les entreprises, pour s'inscrire dans une dynamique durable de développement, veulent plus de stabilité, plus de lisibilité, si bien insufflées par la loi de 2003, votée par cette même majorité pour quinze ans. J'ose penser, madame, que la LODEOM, votée en 2009, ne subira pas le même sort que la loi Girardin.

Je veux terminer mon intervention en souhaitant fortement que, lors du comité interministériel du 6 novembre, des projets d'envergure, des projets structurants, émergent.

Madame la secrétaire d'État, au regret de certains de mes collègues, avec ou sans moi, votre budget sera voté.

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