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Intervention de Maxime Bono

Réunion du 3 novembre 2009 à 15h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaxime Bono :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'écologie, mes chers collègues, bien des orateurs ont souligné que ce texte était en discussion depuis maintenant plus d'un an. Il est vrai que l'on ne peut s'empêcher de sourire en pensant que le Gouvernement avait déclaré l'urgence.

Pour l'essentiel, ce texte vise à transposer en droit interne des directives européennes afin d'accompagner, en premier lieu, l'ouverture à la concurrence des services internationaux de voyageurs. Il tend également à créer les conditions de développement des opérateurs ferroviaires de proximité ainsi qu'à instituer une autorité indépendante chargée de la régulation. C'est essentiellement de ces deux sujets dont je vous parlerai.

On nous dit qu'il ne s'agirait que d'une simple transposition technique de directives déjà adoptées dans le cadre des différents paquets ferroviaires. C'est précisément là que le bât blesse. Il s'agit, en fait, chers collègues – et je sais que vous ne partagez pas ce point de vue – de transposer des directives idéologiquement datées, profondément marquées du sceau de la dérégulation systématique des moyens de transport laquelle était en vogue dans le courant des années quatre-vingt-dix. Le titre même de ce texte qui prétend traiter de la régulation des transports ferroviaires aurait pu laisser penser que le balancier était allé trop loin et que l'on allait procéder à une lecture nouvelle de l'architecture mise en place. Hélas, il n'en est rien et, malgré un titre rassurant, les dispositions proposées, loin d'être parées des vertus de la régulation auraient sans doute été qualifiées naguère de dérégulatrices. Comme la directive qu'il est chargé de transcrire, ce texte reste marqué par la croyance absolue que seule l'ouverture à la concurrence est de nature à développer le transport, en particulier le transport ferroviaire.

Force est pourtant de constater que depuis le début des années quatre-vingt-dix, bien des choses ont changé. Tout d'abord, personne ne peut nier l'extraordinaire essor du transport de voyageurs par voie ferrée tant sur les grandes lignes et les lignes internationales que sur les lignes régionales. Personne, non plus, ne peut nier que la concurrence n'y est pour rien.

En matière de transports internationaux, la voie de la coopération entre les opérateurs a parfaitement fonctionné. Elle a fait ses preuves et produit des résultats, en particulier une qualité de service que nul ne conteste. Fallait-il à tout prix lui préférer l'ouverture à la concurrence alors que nous connaissons la brutalité qui l'accompagne parfois ?

À ce titre Eurostar entre Paris et Londres, Thalys entre Paris et Bruxelles, Amsterdam et Cologne sont des exemples tout à fait satisfaisants et parlants. Celui des TER est également des plus éloquents : ils disposent d'un matériel neuf, moderne, rapide payé par les régions. Tout cela prouve sans conteste qu'en matière ferroviaire, la condition du succès n'est pas la libéralisation tous azimuts, ni l'ouverture forcée à la concurrence, mais, bien au contraire, une implication forte des pouvoirs publics. Tel n'est pas le choix que vous nous proposez. Au contraire, et j'y reviendrai, le texte vise d'une certaine façon à désengager les pouvoirs publics des efforts de modernisation du réseau et des matériels en tentant d'y associer des partenaires privés. Pourquoi pas ? Mais on peut craindre fortement que ces derniers n'aient eux-mêmes d'autres choix que de solliciter des collectivités locales déjà exsangues alors que la réforme du financement de ces dernières prévoit de trancher le lien fiscal qui les unit aux acteurs économiques de leurs territoires.

Dans ces conditions, quelle sera la plus-value de l'ouverture à la concurrence des lignes internationales pour l'usager ? L'offre s'en trouvera certainement augmentée. Pour autant sera-t-elle améliorée ? Il est plus que probable que l'augmentation de l'offre ne se traduise pas immédiatement par une augmentation équivalente du transfert des flux routiers vers le rail. Dès lors, il y a fort à parier que les parts de marchés acquises par les nouveaux opérateurs se feront au détriment de la seule SNCF. Comment, en effet, imaginer que les concurrents ne se livreront pas à une forme d'écrémage sur les lignes les plus rentables tout en se gardant bien de prendre des risques sur les lignes à moins fort potentiel ? C'est tout à fait normal dans les conditions économiques que nous allons connaître.

Dégagés de toute autre obligation d'exploitation, ils seront très certainement en mesure de proposer des tarifs plus attractifs que ceux de la SNCF. Par conséquent, notre société nationale risque bien de se trouver confrontée à une forte perte de recettes sur ses lignes les plus rentables alors qu'elle seule conservera l'obligation d'assurer le transport sur les lignes les moins rentables ou encore de poursuivre l'exploitation déficitaire des trains Corail Intercités par exemple.

Force est de constater que les arguments sont rares pour justifier cette marche forcée des transports ferroviaires vers l'ouverture à la concurrence jamais remise en question depuis les années quatre-vingt-dix et ce, en dépit d'expériences biens peu convaincantes, notamment en Grande-Bretagne laquelle a mis à peu près vingt ans avant de s'en remettre.

Ce texte, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, est d'un autre temps, un temps où certains pensaient que le marché pouvait, à lui seul, tout régenter.

J'en viens au fret ferroviaire. Depuis 2006 – même démonstration –, le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence. Nous n'avons cessé de demander une évaluation des conséquences de cette disposition nouvelle. À défaut de l'avoir obtenue, nous pouvons constater que loin d'avoir favorisé le transfert du transport de marchandises de la route vers le rail, c'est l'inverse qui s'est produit.

Le fret ferroviaire n'a cessé de perdre des parts de marché au profit du trafic routier. À l'évidence, en la matière, le recours à la concurrence a été un échec. Le seul impact de l'ouverture du marché a été l'accroissement des pertes de trafic de la SNCF et sa décision concomitante d'abandonner les wagons isolés – bien peu isolés en fait, puisqu'il peut s'agir parfois de huit, dix, voire davantage de wagons lesquels jouent souvent un rôle déterminant pour les entreprises et les territoires ainsi desservis.

Votre proposition relative aux opérateurs ferroviaires de proximité n'est pas sans intérêt.

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