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Intervention de Dominique Baert

Réunion du 9 décembre 2008 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2008 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avouons que, du point de vue des finances publiques, nous vivons une époque sinon formidable, du moins extraordinaire au sens propre du terme : ce n'est pas commun, la France vit cet automne au rythme d'une loi de finances par mois. En octobre, nous avons eu – c'est bien normal – l'annonce de la loi de finances initiale. En novembre, la loi de finances n'était pas encore votée par le Sénat que paraissait la loi de finances rectificative. Et, au tout début de décembre, nous n'avons pas encore examiné la loi de finances rectificative que l'on nous annonce déjà un plan de relance avec un collectif budgétaire de 26 milliards d'euros. Jusqu'où ira le Gouvernement ?

Jusqu'où ira-t-il, en effet, dans ce qui, au vu de tous ces textes financiers réécrits avant d'être votés, s'apparente à un pilotage à vue ? Jusqu'où ira-t-il, surtout – c'est le rapporteur spécial de la commission des finances sur les engagements financiers de l'État qui exprime ici sa préoccupation –, dans la dégradation des comptes publics, dans l'aggravation du déficit de l'État, de ses besoins de financement et du stock de la dette de l'État, plus lourde à chaque loi de finances que vous proposez ?

La pièce que le Gouvernement met en scène cet automne se sera donc déroulée en trois actes. L'acte I, c'est la loi de finances initiale pour 2009. Elle est en soi préoccupante, car les chiffres qui y sont inscrits soulignent déjà une dérive inquiétante. Ainsi, la charge de la dette dérape de 4 milliards en 2008, pour atteindre 45,2 milliards d'euros. Pour l'après 2009, le Gouvernement annonçait une augmentation de 2 milliards supplémentaires chaque année : elle s'élèverait donc à 49,5 milliards en 2012.

Autre chiffre préoccupant, le besoin de financement de l'État, annoncé à 165,4 milliards d'euros pour 2009, soit le double du niveau de 1999 – 81,5 milliards d'euros –, est 60 % plus élevé qu'en 2002 ; en 2007, il était encore de 104,8 milliards d'euros.

En matière d'endettement public, le Gouvernement annonçait lui-même sa progression de 0,7 point de PIB en 2009 pour atteindre 66 %.

Tout cela était déjà préoccupant en soi, mais ce l'était davantage encore pour deux raisons : d'une part, ces chiffres, pourtant peu favorables, étaient obtenus en creusant des trous, en accumulant des dettes latentes par le biais – quoi que vous puissiez en dire, monsieur le ministre – des sous-budgétisations de crédits, à l'image de ce milliard d'euros dû au Crédit foncier, qui se trouve ainsi devenu banquier de l'État « à l'insu de son plein gré » ; d'autre part, ces chiffres de dette et de financement reposent sur des hypothèses macroéconomiques que l'opposition a, à juste titre, contestées, et que la crise a, depuis, fait voler en éclats. Or la charge de notre dette et le poids de notre endettement sont très sensibles à la dégradation des données macroéconomiques.

Ainsi, dans mon rapport spécial, j'avais chiffré deux scénarios en modifiant les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement. Dans le premier scénario, je prévoyais que la croissance du PIB, après 0,9 % en 2008, reculerait à 0,5 % en 2009, puis se redresserait progressivement – 1,5 % en 2010, 2 % en 2011 et 2,2 % en 2012. En me fondant sur des hypothèses qui n'ont rien d'irréalistes, je concluais que le ratio de dette publique serait de 67 % à la fin de 2009, et de 68,5 % à la fin de 2012.

Mais, d'après un second scénario, se fondant sur cette même hypothèse de croissance, intégrant les 11,5 milliards d'euros de mesures prises pour les banques et prévoyant 15 milliards supplémentaires en 2009 – ce qui n'est pas non plus une anticipation démesurée –, le ratio de dette publique atteignait 70 % du PIB en 2012.

Toutefois, cela ne valait que pour la loi de finances initiale, car, depuis, tout a changé du côté du Gouvernement. C'est l'acte II, qui a vu ce dernier réviser ses hypothèses macroéconomiques et budgétaires pendant la discussion au Sénat. Ainsi, la prévision de croissance de 1 % a été revue à la baisse, avec une fourchette de 0,2 à 0,5 %. Quelles en sont les conséquences ? D'abord, une aggravation du déficit budgétaire pour 2009, qui passe de 52,1 à 57,6 milliards d'euros. Ensuite, mécaniquement, un alourdissement du besoin de financement de l'État : pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, à combien il devrait s'élever en 2009 ? On part de 165 milliards d'euros, mais où arrivera-t-on ? Enfin, un alourdissement de la charge de la dette : malgré la détente des taux d'intérêt, comment pourrait-il en être autrement ?

Depuis, on joue l'acte III, celui du plan de relance. Du strict point de vue financier, nous ne tarderons pas à en constater les conséquences, puisque 26 milliards d'euros vont être injectés dans l'économie : c'est dépenser de l'argent qui n'existe pas et cela signifie que le déficit public va plonger. Il devrait, nous dit-on, passer à 76,2 milliards d'euros dès 2009, ce qui le portera rapidement à 4 % du PIB. Mais de combien sera la charge de la dette en 2009, et quelle sera-t-elle en 2012 ? Elle risque d'être plus proche de 55 milliards d'euros annuels. Songeons, mes chers collègues, qu'elle était inférieure à 40 milliards d'euros en 2007 !

Ayons aussi conscience que la dette publique va déraper prodigieusement. Avec son plan de relance, le Gouvernement veut un effet masse : il aura un effet massue sur notre économie. À la fin de la législature, le Gouvernement laissera notre économie corsetée par une dette sans précédent. Car, enfin, si je reprends mes hypothèses économiques, auxquelles ces dernières semaines ont donné raison, je vois bien que l'on ne pourra exclure, en 2012, que l'endettement public pèse pour près de 75 % du PIB.

Ces chiffres donnent le tournis ; ils sont terriblement inquiétants pour l'avenir. Alors, monsieur le ministre, dites-nous où vous allez ! Où en sont vos hypothèses ? Que seront la dette, la charge de la dette et le besoin de financement de l'État en 2009, mais aussi en 2012 ?

Vous dites vouloir « ajouter de la relance à la dette ». En réalité, vous ajoutez de la dette à la dette – une dette que vos paquets et autres cadeaux fiscaux ont contribué à creuser, et que l'on paiera longtemps encore !

M. Cahuzac évoquait tout à l'heure les conséquences du sarkozysme. De 1993 à 1995, le sarkozysme au ministère du budget a fait passer la dette publique de 34,7 à 43 % du PIB. Jusqu'où nous emmènera le sarkozysme devenu présidentiel ? Merci de nous le dire, monsieur le ministre, si toutefois vous avez la réponse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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