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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 28 octobre 2009 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mon intervention s'adressera plus particulièrement à M. le ministre des comptes publics, et portera sur les dettes et déficits sociaux.

Après un déficit du régime général supérieur à 10 milliards d'euros pour la sixième année consécutive, vous annoncez un déficit de plus de 23 milliards d'euros pour 2009, et autour de 30 milliards d'euros pour les années suivantes.

Je passerai sur le détail de ces déficits, qui ont été largement analysés par les collègues qui m'ont précédé à cette tribune. Je précise cependant que nous arrivons à ces chiffres, monsieur le ministre des comptes publics, nonobstant les mesures que vous pourriez prendre l'an prochain pour 2011 et les années suivantes, notamment en matière de retraite. Mais il est exclu que ces mesures puissent influer significativement, dès 2012, sur les tendances lourdes qui génèrent des déficits majeurs, et durablement installés.

Comme vous l'avez fait pour le budget de l'État, vous vous attachez, monsieur le ministre, à une explication qui vaut aussi parade. Elle consiste à distinguer le déficit structurel du déficit conjoncturel, lequel est lié à la crise économique et serait, par nature, appelé à disparaître avec le retour de la croissance.

Les recettes de l'État, plombées par l'effondrement des recettes de l'impôt sur les sociétés, se restaureront certes avec le retour à bonne fortune des entreprises, dont nous espérons tous qu'il soit rapide. Ce scénario est donc recevable pour les recettes fiscales. Notons toutefois qu'il fait l'impasse sur l'augmentation de la charge de la dette, qui dépassera, pour le moins, 90 % du PIB. Dans son rapport, M. Carrez citait le chiffre de 80 milliards d'euros pour la charge de la dette publique en 2012.

Mais il n'en est pas de même, monsieur le ministre, en ce qui concerne le déficit des comptes sociaux. Car pour les recettes sociales, et tenant compte de votre volonté de ne pas augmenter la CSG, vous avez intégré le retour à « bonne fortune », là aussi, en prévoyant dès 2011 une augmentation de 5 % de la masse salariale privée, c'est-à-dire des rentrées nouvelles substantielles de cotisations sociales.

Il apparaît dans vos propres prévisions que, malgré l'augmentation importante – et sans doute, malheureusement, irréaliste – des rentrées de cotisations sociales, le déficit restera à des niveaux records, inégalés, au-delà de 2013.

Si l'on peut parler, pour 2009 et 2010, d'un « déficit de crise » qui vient s'ajouter au déficit structurel – ce dont je vous ai d'ailleurs donné acte lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale – et qui concerne l'assurance maladie, l'assurance vieillesse, mais aussi désormais la branche famille, on ne peut plus persister dans cette dichotomie lorsque l'on constate que, la croissance étant revenue à un niveau élevé pour notre pays, à 2,5 % durablement, les déficits restent à des niveaux élevés.

Ces déficits concernent la branche retraite, et vous voulez la réformer, mais aussi l'assurance maladie, à un niveau qui se situe autour de 12 milliards d'euros. L'assurance maladie s'installe donc dans le déficit chronique : le déficit « de crise » du départ devient « structurel ».

Confronté à ce déficit historique, ainsi qu'à une dette accumulée qui sera, en 2012, de 125 milliards d'euros pour l'assurance maladie, équivalente à celle reprise par la CADES depuis sa création, vous donniez hier matin une interview au Figaro, dans laquelle, à côté de quelques confirmations, vous esquissiez pour la première fois vos perspectives pour le traitement de la dette sociale.

La confirmation, c'est d'abord votre résistance sur le bouclier fiscal, la CSG ou la CRDS. À cet égard, l'oukase élyséen est toujours là, malgré les voix qui vous interpellent au sein même de votre majorité. Ce fut le cas, notamment, à la commission des finances.

La confirmation, c'est aussi que vous comptez sur des « mesures structurelles » pour réduire les dépenses : la loi HPST, en poursuivant votre projet d'hôpital-entreprise ; et une gestion « plus active », pour reprendre les termes que vous avez vous-même employés hier matin, du système des ALD.

Mais penser que la réforme des ALD débouchera sur des économies significatives, c'est une illusion. Les dépenses sont en effet très concentrées sur les cas les plus graves et les maladies chroniques les plus lourdes. Selon les statistiques de la CNAMTS elle-même, 80 % de l'augmentation annuelle des dépenses de l'assurance maladie sont en rapport avec des affections de longue durée.

Pour s'en convaincre, il suffit de considérer les chiffres de la CNAMTS. Laissons même de côté le cas du cancer, dont le nombre de cas traités augmente de 5 % tous les ans. Prenons le cas du diabète. Le nombre de patients traités augmente de 5 % par an, en rapport avec l'augmentation de la population et l'amélioration du dépistage. Le coût du traitement par patient s'accroît de 4,4 % par an, et nous sommes encore loin de la généralisation de la meilleure prise en charge souhaitable, soit 10 % par an ! Il y a donc une tendance lourde, inéluctable, à l'augmentation du coût du traitement de cette maladie.

De même, le nombre de poses de prothèses de hanche ne pourra que continuer à grimper !

Vous atteignez désormais les limites de votre politique, qui consiste, année après année, à transférer sur les organismes complémentaires et sur les patients des charges grandissantes : les derniers chiffres de la DREES objective ces transferts, puisque, entre 2004 et 2008, les dépenses prises en charge par la sécurité sociale ont baissé de 1,4 point, celles prises en charge par l'État sont restées stables, celles prises en charge par les organismes complémentaires ont augmenté d'un demi-point, et celles prises en charge par les ménages sont passées de 8,3 à 9,4 milliards, soit, excusez du peu, plus de deux milliards d'euros de charges pesant directement sur les ménages.

Monsieur le ministre, des voix s'élèvent, dans votre majorité, pour que soient enfin envisagées des réponses à une cause structurelle, incontournable, c'est-à-dire l'inadéquation du financement de la protection sociale en général, et de l'assurance maladie en particulier. Les députés socialistes, au cours de ce débat, présenteront de nombreuses propositions visant à rendre plus larges, plus justes, et plus pérennes, les recettes de la protection sociale et de l'assurance maladie. Car votre projet de loi, aujourd'hui, n'offre aucune réponse de fond à la stricte structurelle du financement de la protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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