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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 27 octobre 2009 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais aborder un sujet traité à l'article 43 du projet de loi de financement de la sécurité sociale : la situation des travailleurs frappés par le drame de l'amiante. Au-delà des différences qui peuvent nous séparer, quelques éléments de consensus sont sans doute possibles sur ce sujet.

Je rappellerai d'abord l'ampleur du drame, à travers quelques données statistiques. Chaque jour, l'amiante provoque la disparition de dix salariés ; chaque année, ce sont entre 3 000 et 5 000 salariés qui disparaissent. On s'attend à quelque 100 000 victimes d'ici à la fin de ce drame sanitaire.

Ces chiffres me conduisent à évoquer trois questions.

La première concerne l'injustice du dispositif qui s'applique aux travailleurs de l'amiante et, par conséquent, la nécessité de le corriger. La deuxième est celle de la contribution des entreprises au financement des fonds dédiés à l'indemnisation des victimes de l'amiante. Enfin, je dirai quelques mots sur les dispositifs judiciaires qui permettent de faire reconnaître devant les tribunaux le préjudice des victimes de l'amiante et ouvrent droit, par conséquent, à une juste réparation.

Le premier sujet concerne donc l'injustice du dispositif. Vous le savez, lorsque des salariés sont victimes de cette fibre très souvent mortelle, ils peuvent entrer en cessation anticipée d'activité et, à ce titre, bénéficier d'une indemnisation. Dans la plupart des cas, celle-ci représente 65 % du salaire qu'ils percevaient. Toutefois, comme ils touchaient des salaires très modestes, l'indemnisation ne leur permet pas de quitter leur emploi dans des conditions qui leur garantissent de vivre décemment. À plusieurs reprises, notre groupe a demandé que l'allocation de cessation anticipée d'activité soit revalorisée. Il semble que le Gouvernement ait prévu de l'augmenter, par voie réglementaire, de 10 %, en la faisant passer à 75 %. Nous demandons instamment au Gouvernement de profiter de ce débat pour confirmer cette évolution réglementaire et l'augmentation du taux.

D'autre part, on note d'importantes disparités dans les situations des salariés, selon le dispositif d'affiliation sociale des entreprises ayant utilisé ce produit mortel. Un amendement du groupe socialiste demande que la totalité des années de travail des salariés soit prise en compte, de manière que le dispositif d'indemnisation soit plus favorable qu'il ne l'est aujourd'hui.

Enfin, vous savez que le système d'indemnisation repose sur une liste d'entreprises ayant utilisé l'amiante, et que seuls les salariés y ayant travaillé peuvent en bénéficier. Nous continuons à souhaiter que cette liste soit élargie et que l'on puisse même avoir accès à l'allocation de façon individuelle, quitte à assortir cette dernière possibilité de conditions qu'il appartiendrait au législateur et au Gouvernement de préciser.

Ma deuxième interrogation concerne la contribution des entreprises au financement des différents fonds qui permettent de verser aux salariés des indemnisations et des allocations. L'an dernier, le Gouvernement a décidé de supprimer cette contribution, qu'il a remplacée par une dotation de l'État, sous prétexte que le rendement de la contribution était trop peu élevé : à l'origine, on s'était en effet attendu à récolter 100 millions d'euros, et on n'en avait obtenu que 30. Certains arguments étaient justes, qui insistaient sur la difficulté que rencontraient les petites entreprises pour alimenter ces fonds sans préjudice pour leur activité, notamment en cas de transmission ou de succession. Nous aurions toutefois préféré que l'on redéfinisse le taux et le plafond plutôt que de supprimer la contribution. Vous ne nous avez pas suivis. Nous vous proposons une nouvelle disposition qui, en outre, paraît plus juste, dans la mesure où elle éviterait à des entreprises qui n'ont jamais utilisé l'amiante de payer pour celles qui l'ont fait : elle rétablirait ainsi le principe pollueur-payeur.

Je veux insister, pour conclure, sur un troisième point, qui concerne les moyens mis en oeuvre au sein de l'administration de la justice pour faciliter l'instruction des dossiers. Voilà vingt ans que les premiers dossiers ont été ouverts et que des instructions sont en cours sans que l'indemnisation ait pu être engagée. Nous insistons sur le fait qu'il faut renforcer le pôle qui suit ces dossiers au sein du tribunal de grande instance de Paris, en coordonnant l'action des tribunaux locaux, en le dotant d'une quinzaine de juges supplémentaires, dix pour l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique et six assistants de justice qui permettraient d'accélérer le traitement de ces dossiers.

Sur tous ces sujets, madame et messieurs les ministres, nous attendons de votre part des réponses concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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