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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 27 octobre 2009 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

Il est temps, sans doute, de passer à une autre étape de l'organisation de la médecine de ville.

Le reste du texte est à l'avenant. Comme l'a clairement démontré Marie-Françoise Clergeau, il ne comporte qu'un pauvre article sur la politique familiale, consacré aux travaux chez les aides maternelles, alors que les besoins d'accueil en structures collectives sont loin d'être satisfaits, que le gel des prestations familiales est contreproductif économiquement en cette période de crise, et que le fonds national promis pour le financement de la protection de l'enfance a été abandonné.

Quant au secteur médico-social, l'inquiétude est grande : son ONDAM est certes fixé à 5,8 %, mais cela ne profitera pas aux établissements existants et, manipulation suprême, vous n'y arrivez qu'en siphonnant 150 millions du budget de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie : c'est autant en moins, donc, pour l'accompagnement des personnes âgées dépendantes. Demander aux plus dépendants de payer pour ceux qui ne le sont pas encore complètement est un comble !

Tout cela, et j'en viens à ma conclusion, finit par tourner à la provocation. Beaucoup de nos collègues de la majorité ont, au nom de la nécessaire rigueur dans la gestion des comptes, exprimé leur préoccupation sur ce texte. Les socialistes partagent cette préoccupation, mais l'essentiel n'est pas là. À s'intéresser seulement à l'équilibre des comptes sans se préoccuper du contenu des politiques suivies, on prépare en effet le terrain à une remise en cause de notre système beaucoup plus fondamentale.

Nous n'entonnons pas le grand air du complot contre la sécurité sociale. Ce n'est pas notre état d'esprit, mais nous constatons que les signes concrets d'un changement d'approche sont déjà là. À force de réduire les retraites à la portion congrue, on pousse les Français à multiplier, quand ils le peuvent, les placements complémentaires. Pour l'assurance-maladie, l'objectif a été clairement énoncé par le Président de la République au congrès de la Mutualité française : les complémentaires doivent prendre le relais. La belle affaire, dites-vous, puisque le patient, qui est remboursé par sa mutuelle, ne voit pas la différence ! Mais c'est faux. Ce n'est pas à un ajustement de tuyauterie que nous assistons, mais bel et bien à un changement de système. Si la prise en charge par la sécurité sociale est solidaire, le remboursement par les complémentaires est antiredistributif, puisque les prestations dépendent du contrat choisi, et que ce contrat est déterminé en fonction de la capacité à payer. Plus on est riche, plus on peut se payer une bonne complémentaire ; meilleure est la complémentaire, meilleurs sont les remboursements excédant la part de la sécurité sociale. Ce faisant, le remboursement solidaire est progressivement remplacé par un remboursement partiellement – car il ne l'est pas encore complètement – indexé sur les revenus des assurés : on l'observe avec le forfait hospitalier, les déremboursements ou les dépassements d'honoraires, sans parler de l'optique et des soins dentaires. Seuls les contrats les plus chers prévoient la prise en charge de ces frais ; on voit d'ailleurs que la Mutualité française a décidé une augmentation de ses tarifs comprise entre 5 % et 10 % l'année prochaine.

Autre exemple de transfert de responsabilités : la participation des organismes complémentaires à la prise en charge de la grippe A. Solidarité élémentaire en apparence mais tour de passe-passe en réalité, car cette dépense aurait dû être assumée par le budget de l'État et non par celui de la sécurité sociale, dans la mesure où elle relève d'une mission de santé publique. On regrettera d'ailleurs la précipitation et l'imprévoyance du Gouvernement, qui a commandé 94 millions de doses de vaccins et pris, de façon insensée et sans aucun recul, un engagement de paiement alors qu'une seule dose devrait suffire dans la plupart des cas. Franchement, l'industrie pharmaceutique s'en sort plus que bien !

Notre groupe, mes chers collègues, vous appelle donc à rejeter dès à présent le PLFSS car, s'il peut sembler relever d'une posture, celle d'un attentisme tranquille, il est en fait une imposture (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), un fric-frac de plus dont souffriront les ménages, et qui cache de vraies transformations de notre système de protection sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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