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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 27 octobre 2009 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

On est largement au-delà du forfait initial. Il était de 3 euros au départ, de 10 euros en 2002, et vous l'aurez presque doublé en sept ans : 18 euros par jour pour des repas, surtout à l'hôpital, je trouve que c'est exagéré. Quinze jours seulement d'hospitalisation, et c'est la moitié de l'allocation mensuelle adulte handicapé qui sera prélevée, soit un quart du SMIC. Les classes moyennes, elles aussi, seront directement concernées. Il ne s'agit pas d'imaginer que ceux qui vont trinquer font partie exclusivement des catégories les plus fragiles et les plus populaires de notre pays.

Autre mesure surréaliste dont on entend aussi parler ces derniers jours : la création d'une nouvelle catégorie de médicaments remboursés à 15 %. Madame la ministre de la santé et des sports, cela devient ubuesque : un médicament est efficace ou il ne l'est pas. Certes, on peut admettre qu'il y ait plusieurs catégories de remboursement parce que l'efficacité est susceptible d'évoluer, mais si un médicament est efficace, il doit être remboursé, et si le service médical rendu devient faible, voire inexistant, il est hautement recommandé de ne pas encourager des pratiques qui peuvent être problématiques. J'insiste sur cette question des remboursements car le seul résultat tangible de votre politique en ce domaine, c'est qu'entre 2004 et 2008, le reste à charge des ménages, hors complémentaires, a augmenté de 14 %, et que le transfert des prestations de l'assurance maladie vers les complémentaires s'est accru de 1, 5 point depuis deux ans. Si on enlève ce qui relève des affections longue durée ou de l'hospitalisation, et que l'on prend en compte les prestations qui concernent 80 % des Français, le taux de remboursement hors complémentaire tombe à moins de 55 % au grand maximum. Ainsi, alors que l'on se gargarise de chiffres de remboursement par la sécurité sociale qui atteindraient 77 % à 78 %, la réalité est que, pour la plupart de nos concitoyens, ce remboursement n'est que de 50 % à 55 %. C'est une remise en cause très concrète de l'assurance maladie, remise en cause qui va évidemment s'accélérer avec les mesures que vous proposez.

D'un côté, plus de charges pour les assurés, de l'autre, pratiquement rien pour les nouvelles recettes.

En effet, la lutte contre la fraude, par principe nécessaire, n'est évidemment pas la réponse au déficit, compte tenu de l'ampleur de celui-ci. Cela permet à certains membres de la majorité de stigmatiser un peu plus les assurés, mais une telle réponse n'est évidemment pas à la hauteur de l'enjeu.

En outre, vous brandissez, comme un étendard de vertu, les quelques recettes tirées de la réduction de quelques exonérations concernant les retraites chapeau, les contrats d'assurance-vie et les plus-values de cession de valeurs mobilières. Sur ce dernier point, je tiens à souligner qu'il s'agit d'une pure mesure d'affichage puisque, par principe, elle ne rapportera rien en 2010 ! Zéro euro de plus dans le budget de la sécurité sociale ! Vous nous proposez, monsieur le ministre du budget et des comptes publics, un cavalier inconstitutionnel en guise de politique budgétaire. Le compte n'y est pas : moins de 800 millions si l'on tient compte du forfait social, ce n'est pas sérieux !

Alors, qu'en est-il des exonérations dont bénéficient les heures supplémentaires, qui pénalisent l'emploi et coûtent 4 milliards d'euros ? Rien. Qu'en est-il du manque à gagner du fait du bouclier fiscal qui, comble de l'indignité – sentiment partagé jusque dans votre majorité –, exonère les plus riches de toute contribution solidaire, CSG ou CRDS ? Rien. Quant à la mise en place d'un régime de droit commun pour les stock-options ou les retraites-chapeau ? Toujours rien !

Et qu'en est-il de la remise en question des exonérations dont bénéficient les employeurs pour les salaires jusqu'à 1,6 fois le SMIC ? Rien de rien ! Or non seulement ces exonérations constituent une trappe à bas salaires, ce qui en soi devrait être préoccupant, mais elles n'ont manifestement aucun impact sur l'emploi. Nous proposons donc de limiter les exonérations aux 1 000 premiers emplois par entreprise. Nous suggérons aussi de suivre la recommandation du comité des prélèvements obligatoires, qui constate que des employeurs usent et abusent du recours à des rémunérations complémentaires, versées par exemple sous la forme de treizième et de quatorzième mois, ce qui leur permet de bénéficier d'exonérations pour des emplois rémunérés en réalité au-delà du seuil de 1,6 fois le SMIC. Le comité estime à 3 milliards d'euros le manque à gagner ; la Cour des comptes avait déjà évalué à 3 milliards les cotisations à récupérer sur les stock-options ; vous avez, depuis 2002, fait exploser les niches et les exonérations sociales puisqu'elles ont augmenté de 65 %, et se montent à environ 58 milliards. À un moment où l'on débat d'un déficit de la sécurité sociale qui se chiffre en dizaines de milliards d'euros, on voit bien que le lien entre ces exonérations sociales et le déficit s'impose.

Cela dit, nous sommes les premiers à considérer et à affirmer qu'au-delà des mesures que nous préconisons pour obtenir de nouvelles recettes s'imposera une réorientation du financement de la protection sociale. En effet, les prélèvements sur les seuls revenus du travail atteignent aujourd'hui leurs limites – en tout cas tels qu'ils existent aujourd'hui.

Nous sommes prêts à cette discussion, sans refuser de réfléchir au montant des prélèvements. La CSG, instrument principal du financement actuel, doit elle-même évoluer vers plus de progressivité. Il faut s'interroger sur la manière d'aboutir à ce résultat nécessaire – plusieurs pistes sont possibles – si l'on veut se donner les moyens de financer de façon juste notre modèle social, au lieu de l'abandonner au nom de la stabilité des prélèvements obligatoires qui n'est qu'un dogme : le fait d'augmenter le forfait hospitalier, les déremboursements et les franchises se traduit bien par une baisse du pouvoir d'achat des Français.

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