Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Yves Deniaud

Réunion du 21 octobre 2009 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Deniaud, Rapporteur spécial :

Depuis le début de nos travaux sur ce sujet avec la Mission d'évaluation et de contrôle, en 2005, il est clair que l'immobilier est une question centrale pour l'État. Nous sommes partis de très loin : en 2005, on ne connaissait pas très bien le patrimoine direct de l'État et pas du tout celui des opérateurs. Chaque ministère, chaque opérateur agissait dans son coin, en se comportant comme le propriétaire. Il serait impensable de rattraper ces décennies d'incurie en peu de temps, même si l'on ne se heurtait pas en outre à de fortes réticences de la part des administrations centrales.

Monsieur Rodet, je n'ai aucune idée de l'aménagement des chambres universitaires, mais je sais qu'un programme de financement évalué entre 1 et 1,3 milliard d'euros a été lancé pour l'amélioration du logement étudiant.

Quant à l'immobilier de la justice, la réforme s'est engagée dans une précipitation tout à fait regrettable. Certes, son coût, qui avait été évalué à 545 millions par l'ancien directeur de l'Administration générale et de l'équipement du ministère de la Justice, a été réévalué à 385 millions, mais il reste bien trop élevé.

Cette réforme, sur le plan domanial, est entachée d'un péché originel. Généralement en effet, lorsqu'on regroupe des services, on doit acheter ou adapter certains bâtiments et en vendre d'autres. Il y a donc des dépenses et des recettes. Mais, en l'occurrence, sur les deux cents sites qui disparaissent, vingt seulement appartiennent à l'État. Celui-ci ne recevra aucun produit des autres sites, qui sont la propriété des collectivités territoriales. En outre, on peut relever de nombreux exemples de mauvaise gestion. Ainsi, le tribunal de grande instance de Rochefort a-t-il été fermé alors qu'il venait d'être rénové, pour rejoindre celui de La Rochelle, à 25 kilomètres par l'autoroute. Mais, ce dernier étant un bâtiment classé en plein centre-ville, on ne peut y réaliser les travaux nécessaires et un nouveau tribunal hors les murs va être construit pour 25 millions d'euros ! Je ne juge en rien ici de la question de l'organisation des tribunaux mais, sur le plan immobilier, il s'agit d'une erreur.

Pour ce qui est de la question des propriétés de l'État à l'étranger, une société foncière est en cours de constitution. Comme l'ont montré le rapport de Jérôme Chartier et d'autres études, l'État est propriétaire, hors de ses frontières, de bâtiments prestigieux et de grande valeur, qui ne sont pas bien répertoriés ni même parfois entretenus. Et nous avons récemment pu bloquer un projet très mal préparé de vente du bâtiment de l'ambassade de France à Dublin, qui aurait pu tourner à la catastrophe. La nouvelle société foncière ainsi que le rapport d'un des membres du Conseil de l'immobilier de l'État sur ce sujet nous permettront de mettre de l'ordre dans ce domaine, dans les mois ou les années à venir.

S'agissant du montant des cessions effectuées en 2009, je ne dispose encore d'aucun chiffre, mais il est clair qu'il sera très inférieur à ce qui avait été prévu. Il serait en effet stupide de vendre en l'état actuel du marché immobilier alors qu'il n'y a pas d'urgence. Les chiffres de cessions annoncés pour 2010 prennent en compte le report de ce qui n'aura pas été accompli cette année.

M. Francina, en évoquant le défaut de coordination entre l'administration centrale et les services déconcentrés, met le doigt sur le problème principal. Les représentants de France Domaine dans chaque région, qui sont chargés de veiller à l'application de la réforme de l'immobilier de l'État, se voient contredits par les administrations centrales des ministères. Une procédure d'arbitrage et de décision, qui soit incontestable, doit être mise en place.

M. Launay m'a interrogé sur les opérations du ministère de la Défense. Initialement, la vente de différentes emprises parisiennes du ministère devait financer, grâce à un mécanisme de portage, la rénovation de son site de Balard. Mais, en se fondant sur l'argument que le produit des cessions serait encaissé immédiatement alors que la rénovation ne devrait être payée qu'en 2014, il a été décidé d'affecter ces recettes au financement de la loi de programmation militaire pour 2010 et de s'occuper du financement de la rénovation au moment opportun. La rénovation du site doit être menée à bien dans le cadre d'un partenariat public-privé qui prévoit, outre l'investissement initial de 600 millions d'euros, un coût annuel pour le ministère d'environ 100 millions pendant trente ans. À mes questions, on a répondu que cette somme englobait, outre la construction, toutes les dépenses d'entretien, de fonctionnement, de nettoyage, et même de gardiennage privé des locaux. L'armée française n'arriverait-elle donc pas à se garder elle-même ? J'ai donc demandé à connaître précisément la ventilation de ces 100 millions d'euros annuels et je pense pouvoir vous la donner dans les détails l'an prochain.

J'en viens au partenariat public-privé. Pourquoi choisit-on ce procédé pour mener une opération ? Dans l'invraisemblable affaire de la rue de Convention, les anciens locaux de l'Imprimerie nationale ont été vendus au privé puis rachetés beaucoup plus cher par l'État après travaux. Pourquoi l'État n'a-t-il pas réalisé les travaux lui-même ? La réponse est simple : cela aurait pris vingt ans. Le choix quasi systématique du partenariat public-privé est donc un formidable aveu d'impuissance de l'État, tellement contraint par ses lourdeurs administratives et de procédure qu'il ne peut agir lui-même. C'est très grave !

Certes, il convient d'analyser le mécanisme de partenariat public-privé afin de savoir s'il est réellement rentable, mais il faut aussi s'intéresser plus généralement à la maîtrise d'ouvrage de l'État. Les différentes études sur les agences spécialisées développées par les ministères sont féroces. Un rapport sénatorial sur l'EMOC révèle ainsi qu'il n'a jamais livré un ouvrage dans les délais ni sans un surcoût d'au moins 25 %, et je ne pense pas que l'Agence publique de l'immobilier de la justice (APIJ) fasse beaucoup mieux. Il faut étudier sérieusement la question, avec la Cour des comptes, pour savoir pourquoi nous sommes si mauvais dans ce domaine.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion