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Intervention de Yves Deniaud

Réunion du 21 octobre 2009 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Deniaud, Rapporteur spécial :

Mon rapport porte sur le compte d'affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l'État et sur le programme Entretien des bâtiments de l'État de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines. Je vous ferai part également des contrôles que j'ai effectués.

En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale, il devrait enregistrer des recettes estimées pour 2010 à 900 millions d'euros, contre 1,4 milliard d'euros en 2009. Avec la baisse des prix de l'immobilier, ce n'est pas le moment de vendre et il vaut mieux attendre des jours meilleurs.

Pour ce qui est des dépenses immobilières, l'État devrait continuer à acheter et à rénover, et les crédits de paiement à cet effet sont fixés à 870 millions d'euros pour 2010, contre 1 340 millions en 2009.

15 % du produit brut des cessions – soit 30 millions d'euros en 2010 – seront affectés au désendettement de l'État. En vertu d'une clause de retour, que nous essayons de remettre en cause, 65 % du produit des cessions est attribué au ministère qui vend, les 20 % restants étant mutualisés entre les ministères. Une partie des cessions prévues en 2009 sera reportée sur 2010 alors que les cessions réalisées en 2008 s'élevaient à 397 millions d'euros.

Le regroupement des services du ministère de la Défense à Balard est une opération particulièrement importante. Le montant de la cession des emprises parisiennes du ministère, estimé à 800 millions d'euros, par le biais d'une filiale ad hoc de la SOVAFIM et de la Caisse des dépôts et consignations, aurait dû logiquement financer la rénovation de l'existant et la construction de nouveaux bâtiments. Mais il servira finalement au financement de la loi de programmation militaire. Le projet Balard, évalué à 600 millions d'euros, sera réalisé sur la base d'un partenariat public-privé générant une dépense d'environ 100 millions d'euros par an sur trente ans. Cette somme couvrirait également le coût de services tels que l'entretien, la restauration et, ce qui me laisse perplexe s'agissant du ministère de la Défense, la sécurité extérieure des bâtiments.

L'article 28 de projet de loi de finances pour 2010 tend à modifier le périmètre du compte d'affectation spéciale en y intégrant les droits à caractère immobilier attachés aux biens. Cela se traduira par une extension des dépenses aux biens qui ne sont pas propriété de l'État. Je regrette à nouveau que le produit des cessions ne soit pas entièrement mutualisé entre les ministères. Parvenir à faire de l'État un propriétaire unique dont la gestion des biens serait confiée à un instrument unique, France Domaine, est une priorité absolue et partagée par la MEC et la Commission des finances depuis 2005.

Par ailleurs, la stratégie de performance du compte d'affectation spéciale ne comporte toujours pas de tableau de bord mesurant les indicateurs d'efficience immobilière des ministères, notamment les ratios de surface et de coûts, ce qui empêche les comparaisons entre ministères.

En 2010, il est prévu, et c'est un progrès, une extension du dispositif des loyers budgétaires à l'ensemble du parc immobilier de l'État, y compris aux services déconcentrés dans les départements. Les loyers seront logiquement indexés sur les prix du marché. Un mécanisme destiné à récompenser les ministères vertueux et à pénaliser les autres, ceux qui dépassent les 12 mètres carrés par agent, verra le jour. Pour limiter les comparaisons, on tente d'introduire des normes spécifiques de surface, mais il est indispensable de s'en tenir à la surface utile nette (SUN), qui est la norme retenue dans le bâtiment. Il faudrait faire vite pour étendre le dispositif des loyers budgétaires aux opérateurs de l'État, dont le patrimoine a été, enfin et pour la première fois, entièrement répertorié, ou presque.

Le programme Entretien des bâtiments de l'État, créé par la loi de finances pour 2009, regroupe les crédits d'entretien lourd incombant au propriétaire – dont le respect des objectifs du Grenelle de l'environnement – et qui sont prélevés sur les missions et programmes des ministères. Les dépenses d'entretien « sanctuarisées » à l'intérieur du programme, qui représentaient 12 % des loyers budgétaires en 2009, passeront à 16 % en 2010, puis à 20 % en 2011 – soit respectivement 77 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement en 2009, et 169 millions en 2010. À ces dotations s'ajoutent les crédits adoptés dans le cadre du plan de relance : 120 millions d'euros en crédits de paiement et 220 millions en autorisations d'engagement en 2009, et encore 120 millions d'euros de crédits de paiement en 2010.

À l'issue des visites que j'ai faites dans les services déconcentrés, il me paraît indispensable que la gestion des crédits d'entretien soit mutualisée au niveau territorial. Les résistances à une gestion unifiée de l'immobilier viennent des administrations centrales tandis que, à l'inverse, les services déconcentrés font preuve de beaucoup de bonne volonté. Les services centraux, très souvent, refusent d'admettre de ne plus se comporter en propriétaires, d'où des conflits avec les préfets et les trésoriers payeurs généraux.

Venons-en aux contrôles.

Tout d'abord, il faut se réjouir de connaître enfin le patrimoine complet des opérateurs de l'État, obtenu grâce à un courrier comminatoire d'Éric Woerth menaçant de réduire les subventions et de supprimer la part variable de la rémunération des dirigeants. À une exception près, les quelques récalcitrants ne sont pas significatifs. L'évaluation du parc par France Domaine est en cours. Dans la foulée, tous les opérateurs devront présenter avant le 30 juin 2010 un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI).

Du contrôle effectué auprès du Centre national et des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, il ressort que le CNOUS ne joue pas son rôle de tête de réseau en matière immobilière ; il n'est que destinataire d'une copie des recensements des CROUS. Le seul opérateur significatif à n'avoir pas répondu dans les délais impartis est le CROUS le plus important, celui de Versailles. Celui-ci mérite d'être montré du doigt.

Les contrôles ont porté sur les opérateurs qui, l'année dernière, n'avaient pas encore répondu. Il restait l'INAO, qui affiche un ratio de 17,8 mètres carrés par agent et une performance immobilière mesurée par le rapport de la surface utile nette à la surface hors oeuvre nette de 57 %, ce qui dénote une performance immobilière très médiocre. Ses locaux prestigieux situés rue d'Anjou, dans le 8e arrondissement de Paris, abritent notamment des archives sur 900 mètres carrés…

Quant à Voies navigables de France (VNF), ses responsabilités s'enchevêtrent fâcheusement avec celles du ministère. Et un flou artistique règne dans la gestion des ressources humaines, notamment des personnels hébergés dans les maisons éclusières. VNF a un patrimoine immobilier important encore mal défini en dehors des zones portuaires, étendues en surface et dont la valeur est considérable. VNF est de fait chargé du recensement des concessions portuaires alors que ces biens immobiliers appartiennent directement à l'État. Cet établissement public assure également une activité d'aménageur promoteur très éloignée de sa mission initiale.

L'Office national des forêts (ONF) est également un très gros propriétaire immobilier. Or il n'y a pas de recensement exhaustif ni d'évaluation précise des maisons forestières. Il faudrait, de la part du ministère de tutelle, des objectifs précis de valorisation car certaines de ces maisons sont inoccupées et il n'y a plus de raison qu'elles restent dans le patrimoine de l'État.

Nous avons en outre opéré des contrôles sur la gestion immobilière des services déconcentrés de l'État en nous rendant dans des préfectures de région, une « petite », Caen, que je connais bien, et une très grande, Lyon. Il en est ressorti une absence de phasage adéquat entre la réforme de l'administration territoriale de l'État – la RéATE – mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2010 et l'établissement des schémas prévisionnels de stratégie immobilière (SPSI), que les vingt-cinq départements expérimentateurs n'ont toujours pas déposés alors qu'ils ont établi la partie relative aux diagnostics depuis mai 2008. Les décisions structurantes à prendre dans le cadre de la RéATE sont prévues avant la programmation stratégique, et cela au détriment de la performance immobilière. Il y aura en effet des mouvements importants de personnels et de locaux dans toutes les régions, et l'équilibre financier des regroupements ne peut se faire que dans une perspective pluriannuelle, les dépenses engagées la première année ne pouvant s'amortir qu'avec les économies réalisées les années suivantes. La mutualisation des moyens reste insuffisante pour gérer les conséquences immobilières de la RéATE, car les administrations centrales tentent de conserver leur emprise sur les crédits d'entretien au préjudice de l'effectivité de la gestion immobilière déconcentrée. La réforme de France Domaine en régions reste donc à faire.

Les deux agences immobilières du ministère de la Justice donnent encore cette année matière à observation et elles ont d'ailleurs fait l'objet de trois référés de la Cour des comptes. On s'interroge sur ce qu'apportent réellement l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) et l'Établissement public du palais de justice de Paris (EPPJP), chargé de la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris. Dans les deux cas, il y a confusion des rôles entre le propriétaire et l'occupant. Comme l'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels (EMOC) du ministère de la Culture, ces deux agences ont une fâcheuse tendance à s'affranchir de la discipline commune de la nouvelle politique immobilière de l'État. En outre, il existe, au sein du ministère de la Justice, des rôles redondants entre les deux agences et les services du ministère, notamment les services administratifs régionaux (SAR).

Ma première recommandation consiste à mettre fin à l'absence totale de convention d'objectifs et de moyens. La réforme de la carte judiciaire devrait, selon le ministère, coûter 385 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 1 268 millions d'euros de travaux programmés par ailleurs sur les bâtiments judiciaires. Les sommes en cause justifient largement que le contrôle soit perfectionné. Et l'Agence, contrairement à ses affirmations, n'a jamais brillé pour avoir tenu les coûts ni les délais.

L'EPPJP, inactif pendant cinq ans, a été réactivé puisque le projet est remis sur les rails. Le Président de la République a annoncé qu'il sera réalisé dans le quartier des Batignolles. L'achat du foncier est évalué à environ 60 millions d'euros. Dans le cadre du projet précédent, sur le site de Tolbiac, le coût des travaux avait été estimé à 800 millions d'euros. Est-il vraiment nécessaire de maintenir l'EPPJP en tant que maître d'ouvrage de l'opération ?

Nous avons enquêté sur la rémunération du directeur commun aux deux agences. Celui-ci ne perçoit qu'une rémunération, mais la Cour des comptes s'est rendu compte que cette dernière n'avait pas de base légale, son montant ayant été fixé par le ministre du Budget au-dessus du plafond voté par le conseil d'administration de l'Agence.

Je reviens une nouvelle fois sur le centre de conférences de l'immeuble du ministère des Affaires étrangères, situé rue de la Convention à Paris. Le ministère, souvenez-vous, a installé une grande partie de ses services dans l'ancien immeuble de l'Imprimerie nationale, vendu 85 millions d'euros à une filiale, de droit luxembourgeois, de Carlyle. Le montage a permis à cette société d'échapper à 40 millions d'imposition des plus-values puisque l'immeuble rénové a été revendu 375 millions d'euros au ministère des Affaires étrangères. Cet immeuble, de forme trapézoïdale, abrite en son milieu un centre de conférences qui aurait pu remplacer celui, cédé, de l'avenue Kléber. Mais il ne peut prétendre pour le moment au statut de centre international dans la mesure où des bureaux donnent dessus, ce qui n'est pas compatible avec les règles de sécurité ; il y manque au surplus des salles de réunion pour les délégations étrangères. Cela étant, les bureaux peuvent accueillir 1 400 agents alors que la RGPP n'en prévoit que 1 000. Un réaménagement éviterait de construire un nouveau centre international, qui coûterait au moins 100 millions d'euros.

À l'issue de cet exposé, je vous invite à donner un avis favorable au vote du compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État et des crédits de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, dont j'ai évoqué le programme Entretien des bâtiments de l'État.

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