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Intervention de Jean-Michel Lemétayer

Réunion du 8 octobre 2009 à 9h00
Commission des affaires économiques

Jean-Michel Lemétayer, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, FNSEA :

De nombreuses questions posées portent sur les conséquences de l'évolution de la politique agricole commune. Tous les paysans voudraient vivre de la vente de leurs produits, et cela d'autant plus qu'ils craignent une forte baisse des crédits européens consacrés aux aides directes - qui, faute d'une politique propre à améliorer les prix pratiqués sur les marchés, sont leur seul filet de sécurité. La loi doit apporter des éléments de sécurité : c'est tout le débat sur l'organisation économique des filières, la contractualisation, le rôle des interprofessions. Celles-ci pourraient par exemple prendre en charge la question des volumes, comme dans le cas des volailles labellisées, évoqué par M. Herth. Mais, parallèlement, il faut éviter la dévalorisation des labels. Sur un tel marché, essentiellement français, l'interprofession pourrait être chargée de réguler les volumes, afin d'éviter la chute des prix.

La suppression des quotas laitiers, prévue dès 1999 avec l'Agenda 2000 et contre laquelle nous avons lutté, si elle a été retardée, est désormais une réalité, voulue par une majorité de pays européens. Nous y opposer pour plaire aux agriculteurs ne nous mènerait à rien. Les quotas et, faute de prix d'intervention, la baisse des prix nous soumettent à une double peine. Mais face au discours simple de ceux qui incriminent le président de la FNSEA et promettent des prix de 400 euros la tonne, il est difficile de convaincre le terrain que l'accord signé le 3 juin a au moins le mérite de sécuriser un prix, même si ce prix est insuffisant. Il reste que j'ai le sens de mes responsabilités, et l'on ne me fera pas dire aux producteurs autre chose que la vérité, en particulier à propos de l'Europe. Alors que, pour les trois premiers mois de la campagne laitière, la France a connu une baisse de 2 % de sa production de lait, l'Allemagne, qui a fait la grève du lait l'an dernier, a vu la sienne augmenter de 8,7 % pour la même période, et cette augmentation a été de 4,5 % au Danemark et de 3,7 % aux Pays-Bas.

Il nous faut regarder les réalités en face, sous peine de perdre du potentiel agricole. Nous ne pourrons pas régler les problèmes de la France en ignorant nos voisins. Ainsi, l'Allemagne a doublé sa production de porc en quinze ans, tandis qu'en France elle restait stable - et les producteurs ne gagnent pas leur vie.

Cela nous amène à la question du coût du travail et des charges en France. La loi doit sécuriser les producteurs aussi sur ce point. Chaque pays applique son propre droit social : pendant que la France applique le sien pour l'emploi des saisonniers, l'Allemagne peut, conformément à son propre droit, employer des saisonniers polonais ou bulgares aux conditions en vigueur dans leur pays d'origine. Pour l'arboriculture, la viticulture ou la production de légumes, la question est grave. De même, la position dure que j'ai adoptée sur la taxe carbone s'explique par le fait que nous risquons d'être, dès le 1er janvier prochain, en concurrence avec des pays où les charges sont bien inférieures. Le Grenelle nous handicape, sur un marché européen totalement libéralisé où le litre de lait de nos fermes est en concurrence avec celui des mêmes vaches Prim Holstein en Allemagne, tout comme les tomates bretonnes le sont avec les tomates identiques des serres hollandaises. Nous devons nous attaquer à ce problème.

Il faudrait aller plus loin dans l'exonération de la taxe typiquement française sur le foncier non bâti, qui touche lourdement les viticulteurs et empêche une concurrence équitable avec nos voisins. Comme le montre la crise actuelle, il aurait mieux valu que la fiscalité encourage une épargne de précaution, pour nous éviter de devoir quémander aujourd'hui de l'argent public pour sauver notre agriculture.

Il nous faut donc travailler dans les prochaines semaines à mettre au point des solutions d'organisation économique, de fiscalité, d'encouragement à l'épargne et de gestion du foncier qui permettront à notre pays d'avoir une agriculture performante. Et pour répondre à M. Herth, il serait bien que le portefeuille de l'agriculture ne revienne pas à un commissaire néerlandais !

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