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Intervention de Michel Boyon

Réunion du 21 octobre 2009 à 9h30
Commission des affaires économiques

Michel Boyon, président du CSA :

L'engagement du CSA dans la lutte contre la fracture territoriale est total. Avec l'aide de MM. Alain Méar et Emmanuel Gabla, membres du Conseil, Olivier Japiot, directeur général du CSA, Gilles Brégant, directeur des technologies, et son adjoint, Franck Lebeugle, je tiendrai un langage de vérité, d'apaisement et d'action.

Aujourd'hui, des données contradictoires et souvent biaisées circulent, leurs émetteurs n'étant pas toujours désintéressés. On ne peut que comprendre les préoccupations des élus et le CSA fait tout son travail dans le cadre que la loi lui assigne. C'est dans ce contexte qu'il a entrepris un travail d'explication, et les élus doivent prendre toute leur place dans cette tâche. Le CSA applique toute la loi mais celle-ci ne lui confère pas le pouvoir d'imposer aux chaînes plus que ce que prévoit la loi et plus que les engagements pris par les chaînes devant lui. Bref : le CSA fait tout pour satisfaire tout le public.

La loi du 5 mars 2007 prévoit, pour le 30 novembre 2011, un taux de couverture numérique du territoire national de 100 % et de 95 % de réseau hertzien terrestre. Aujourd'hui, 88 % du territoire est couvert par la TNT. Nous avançons vers le taux de couverture cible, mais cela est de plus en plus difficile et coûteux du fait de la faiblesse démographique des zones desservies par des nouveaux sites. Entre le mois de mars et le mois de novembre 2010, nous ferons procéder à l'ouverture de huit grands sites, demeurés gelés à cause de questions techniques, à Besançon (avec deux sites), Gex, Chambéry, Privas, Aurillac, Grenoble et Limoges. Cela représente un gain de 4 % de taux de couverture.

L'audience des nouvelles chaînes de la TNT a considérablement crû au cours des quatre dernières années et demie ; elle a atteint aujourd'hui 15 %. Le CSA a planifié un calendrier mis en oeuvre avec succès. Ainsi, le plan de fréquences de la région Île-de-France a été communiqué avec 17 mois d'avance. Aujourd'hui, des problèmes demeurent pour allumer tous les sites mais, en tout état de cause, nous sommes au maximum des possibilités techniques. Le principe du correctif départemental n'était pas rendu obligatoire par la loi, c'est le CSA qui l'a imposé. Certaines chaînes privées ont d'ailleurs formé des recours en justice à l'encontre de ce principe. Dans ce contexte, quelles sont les solutions qui peuvent être envisagées ? Le satellite peut constituer un outil privilégié. La loi oblige toutes les chaînes gratuites du numérique à fournir leurs programmes gratuitement, et sans souscription d'un abonnement. Canal + a été le premier à proposer le satellite avec TNTsat et, depuis juin, Eutelsat propose Fransat. 700 000 foyers Français sont déjà équipés et reçoivent la TNT par TNTsat. Ceux qui possèdent une parabole orientée reçoivent aussi le numérique. D'autres possibilités existent avec le câble et l'ADSL. Par ailleurs, la loi autorise les collectivités territoriales qui le souhaitent à installer des émetteurs. Beaucoup d'émetteurs analogiques existent déjà, qui ne sont pas tous recensés, et qui ont été installés dans des conditions de légalité douteuse. La loi permet précisément de régulariser leur situation.

L'arrêt de la diffusion analogique et le passage au « tout numérique » ont été fixés par la loi au 30 novembre 2011. Dans cette perspective, le CSA a proposé au gouvernement un système d'arrêt de la diffusion analogique région par région de manière que le public soit correctement informé et que des mesures d'accompagnement spécifiques en direction des personnes âgées ou des personnes isolées qui pourraient rencontrer des difficultés à maîtriser le numérique puissent être mises en place.

Le gouvernement a retenu ces propositions, et c'est ainsi que l'Alsace passera la première au numérique à compter du 2 février 2010, puis la Basse-Normandie le 9 mars. Une dizaine de régions devraient suivre en 2010 et autant en 2011. La mise en oeuvre de ces opérations se présente sous un jour favorable en raison du succès rencontré lors de la réalisation de deux opérations pilotes : la première s'est déroulée à Coulommiers et a bénéficié de l'engagement très fort des élus et en particulier du maire de la ville, M. Franck Riester, et la seconde, qui a concerné la ville de Kaysersberg, a également été une réussite.. Enfin, le passage du Nord Cotentin au « tout numérique », programmé pour le 18 novembre prochain, devrait également se dérouler dans de bonnes conditions, grâce aux efforts d'accompagnement réalisés et malgré un lancement de l'opération dans des conditions difficiles en raison de la défiance de certains élus et d'une relative incompréhension de la part de la population. 180 000 personnes sont concernées.

Il est vrai cependant que le CSA rencontre des difficultés sur le terrain. La première d'entre elles a été évoquée par le président Ollier en introduction : elle est liée à la circulation, pas toujours désintéressée, de données quelque peu biaisées qui alimentent la « crainte de l'écran noir » chez les élus comme dans la population. Si, effectivement, dans certains cas, l'arrêt de l'analogique peut signifier l'arrêt de la réception de la télévision, ce phénomène a été surestimé, suscitant un grand sentiment d'inquiétude. C'est la raison pour laquelle les efforts d'explication qui incombent au groupement d'intérêt public France Télé Numérique doivent être amplifiés.

Le CSA est également confronté à des difficultés d'ordre pratique. Ainsi, il n'a connaissance que peu avant l'arrêt de la diffusion analogique et la mise en service des émetteurs numériques de la couverture définitive de chaque zone sur la base des éléments que doivent lui communiquer les chaînes. Le législateur pourrait d'ailleurs légitimement se saisir de cette question en vue d'améliorer la prévision de la couverture technique et permettre l'adoption des mesures d'adaptation qui s'imposent.

Le débat s'est focalisé ces derniers mois sur la couverture du territoire mais les chiffres qui circulent sont à relativiser. La couverture analogique actuelle n'est pas de 100 % sur l'ensemble du territoire. Ainsi, le meilleur réseau, qui est celui de France 2 ou de France 3, n'atteint aujourd'hui que 95 % de couverture en qualité standard ; on n'atteint les 99 % qu'avec ce que les spécialistes appellent une « couverture dégradée » (effets de neige, risques d'interruption, etc). La couverture du réseau de TF1 se trouve quant à elle en dessous des 95 %, et celle de M6 et de Canal + très sensiblement en dessous. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le législateur a souhaité retenir en 2007 l'objectif de 95 % de couverture nationale. Par ailleurs, il convient de prendre en compte la différence fondamentale entre analogique et numérique qui est liée à la spécificité de la diffusion numérique : celle-ci est excellente ou elle n'est pas. Ainsi, si on décidait d'allumer tous les sites analogiques existants, on n'atteindrait pas l'équivalent de la couverture analogique dégradée, mais uniquement celle de la couverture analogique standard.

Le CSA a tout fait pour atteindre une couverture numérique équivalente à la couverture analogique standard. Par exemple, dans le Cantal, 89,6 % du département est couvert par le réseau analogique de France 2 : 89,2 % devrait l'être en TNT standard et 92,1 % en TNT améliorée en augmentant la puissance des émetteurs. Ainsi, pour un émetteur donné, la couverture numérique est toujours planifiée pour être au moins égale à la couverture analogique standard. Il convient également de souligner que l'arrêt d'un émetteur ne signifie pas la perte de toute couverture car, dans plus d'un cas sur trois, on reçoit ou peut recevoir la télévision par plusieurs émetteurs : au prix d'une réorientation de l'antenne, on peut alors continuer à recevoir la télévision depuis un autre site d'émission.

Le débat s'est surtout focalisé sur les petits sites. Prenons l'exemple du Lot-et-Garonne : la couverture analogique actuelle pour le réseau de France 2 est de 78,5 %, chiffre qui devrait rester identique avec une couverture TNT à puissance accrue. Un seul émetteur dans ce département ne sera pas repris par les chaînes de la TNT. S'agissant des conséquences de l'arrêt du seul émetteur du département dont la conversion en numérique n'est pas envisagée, rappelons qu'il dessert 43 habitants, plutôt que 270 comme un opérateur technique l'a prétendu.

Force est de constater que la numérisation des 3000 sites analogiques existants aurait un coût extravagant pour un gain marginal et contribuerait en outre à repousser les délais fixés dans la loi. Des travaux de planification de fréquences supplémentaires devraient être lancés. Et il serait humainement impossible pour les opérateurs techniques de numériser 3000 sites dans les dix-huit mois qui viennent. Cela ne signifie pas qu'aucune marge d'amélioration n'existe : il reste en effet la possibilité d'accroître la puissance des émetteurs, un émetteur numérique consommant beaucoup moins de puissance qu'un émetteur analogique. Le législateur pourrait également se saisir de cette proposition dont il faut cependant savoir qu'elle a un coût élevé et qu'elle ne constitue pas une réponse absolue en raison de certaines contraintes techniques et de questions de coordination aux frontières.

Pour l'heure, le CSA a tenu tous les délais. Il a bien travaillé et a tiré toutes les conséquences de la loi, voire a cherché à aller un peu plus loin. Le CSA n'a toutefois pas le pouvoir d'imposer des contraintes supplémentaires aux chaînes et aux diffuseurs techniques. Les éléments sur lesquels il demeure possible d'agir sont donc essentiellement la fixation des délais impartis aux chaînes pour produire la carte définitive de la couverture et une augmentation de la puissance des émetteurs. L'information des élus constitue une donnée fondamentale sur laquelle doit travailler le GIP qui a, jusqu'à présent, concentré son action sur les zones du territoire où l'arrêt de l'analogique était imminent. Une campagne d'information gouvernementale a en outre été lancée à destination de l'ensemble de la population il y a 15 jours. L'accompagnement des personnes âgées, isolées ou fragilisées socialement doit également concentrer nos efforts.

Enfin, comme cela a été évoqué par le président Ollier, un renforcement des aides de l'Etat pour l'installation de paraboles pourrait être une mesure bénéfique, de même que la mise en place d'un dispositif d'aides aux collectivités locales qui souhaitent réaliser des émetteurs complémentaires. Mais c'est là un avis que j'émets en tant que citoyen et non en tant que président du CSA.

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