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Intervention de Jean-Louis Borloo

Réunion du 7 octobre 2009 à 18h00
Commission des affaires économiques

Jean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat :

Non seulement on ne peut pas demander à tout le monde de changer de chaudière, mais il faut savoir, pour reprendre l'exemple de l'article 200 quater, que les compteurs en la matière ont explosé, les sommes en jeu passant en douze mois de 1,4 milliard d'euros à 2,8 milliards. Plus généralement, c'est un programme d'investissements de plus de 440 milliards d'euros qui est prévu pour assurer la mutation écologique ! Ce n'est, je le répète, que si les recettes avaient été employées pour financer le budget général, en faisant ainsi reprendre d'une main les avantages fiscaux accordés de l'autre, que l'on aurait pu nous faire des reproches.

Que l'on critique, par exemple, la vitesse d'exécution des chantiers thermiques des bâtiments ou des logements, c'est une chose. Mais que l'on se serve de l'écologie pour faire de la fiscalité de droit commun, voilà en revanche une idée qui serait folle voire mortelle et en tout cas contraire – au-delà d'un quelconque bénéfice à court terme pour un gouvernement quel qu'il soit – à l'intérêt de la France elle-même pour les vingt ans à venir.

Imaginez que l'on dise que les cinquante-deux projets signés avec trente-huit agglomérations voilà quatre mois seraient finalement payés avec la contribution climat-énergie : ce ne serait pas sérieux ! Savoir si c'est le carbone ou les ménages que l'on taxe, voilà plutôt un vrai sujet de discussion entre nous !

Concernant les copropriétés, M. Paul, les possibilités offertes tant par les dispositions de l'article 200 quater que par l'éco-prêt à taux zéro, ouvert aux copropriétaires, permettent, cas unique dans l'histoire de la fiscalité, de cumuler deux avantages. En outre, le Sénat vient, dans le cadre du projet de loi Grenelle 2, de rendre possible pour une majorité qualifiée d'imposer des travaux d'économies d'énergie à l'ensemble d'une copropriété. Un copropriétaire n'a pas à bloquer la volonté d'un autre d'économiser de l'énergie.

S'agissant des questions portant sur la progressivité de la compensation de la taxe carbone – crédit d'impôt ou chèque vert –, je précise plus particulièrement à M. Poignant qu'elle devra être obligatoirement parallèle à celle de la taxe. La commission paritaire qui sera mise en place aura vocation à la faire évoluer selon une certaine pente. Ce ne sera donc pas le seul exécutif qui décidera, mais la majorité et l'opposition, la société civile et le Gouvernement, sous une présidence qui sera proposée à une personnalité indiscutable et choisie par tous. La double progressivité – à la fois de la contribution et de son remboursement – est bien un point fondamental.

La fiscalité écologique, avez-vous dit M. Brottes, ne peut être isolée du reste de la fiscalité. Dont acte. C'est toutefois une remarque qui vaut pour tout : pour le bonus-malus écologique appliqué aux voitures ou encore pour le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique.

Il serait en tout cas essentiel, M. Poignant, que MM. Brottes et Dionis du Séjour participent aux réunions de copilotage auxquelles vous avez fait allusion afin de parvenir une fois pour toutes à un diagnostic, partagé entre personnes de bonne foi, concernant la gestion des pointes de consommation assurées par les centrales thermiques à flamme.

Pour ce qui est, M. Brottes et M. Dionis du Séjour, du marché des quotas d'émissions que vous avez évoqué, sachez que tout marché avec quotas gratuits serait par nature d'une volatilité très élevée. En tout cas, si la mise en place des instruments a connu des ratés, ne serait-ce que du fait du différentiel de TVA d'un pays à un autre, ce marché a eu un réel impact puisque, dans les pays soumis à quotas d'émissions, c'est tout de même le secteur industriel qui, depuis quelques années, a le plus réduit ses émissions. Si je prends en France l'exemple des secteurs du bâtiment, des transports et de l'industrie, c'est ce dernier qui a réduit ses émissions. Peut-être n'y a-t-il pas de rapport de cause à effet, mais le résultat est à souligner, même si sur un plan plus général il n'est pas très satisfaisant.

Dès lors que l'on est entré dans une dynamique de quotas payants, la pression sur ces derniers va s'intensifier et la volatilité probablement se réduire. N'oublions pas toutefois qu'il ne s'agit que d'un instrument parmi d'autres.

Concernant les outils internationaux, on ne pourra pas continuer sans disposer d'un organisme international de régulation environnementale. Cela n'aurait pas de sens d'avoir une Organisation mondiale du commerce (OMC) et pas d'Organisation mondiale de l'énergie (OME). Un des enjeux de Copenhague est d'ailleurs de se doter d'un outil de suivi du sommet. Et à un moment ou à un autre, l'OME devra pouvoir poser des questions préjudicielles à l'OMC. À côté d'une ONU dédiée à la paix, trois outils sont nécessaires : l'OMC, l'OME et l'OIT – l'Organisation internationale du travail.

Je suis bien d'accord, M. Dionis du Séjour, sur la nécessité à la fois d'une visibilité pluriannuelle de la progressivité et d'une européanisation du marché.

M. Martin, le chèque vert ou le crédit d'impôt aura un caractère forfaitaire. Je ne crois pas beaucoup au truc trop malin en politique... La date de février correspond aux échéances fiscales.

Je comprends, Mme Massat, votre préoccupation concernant la taxe carbone, mais de quoi s'agit-il en l'occurrence sinon d'un changement de modèle, à savoir investir pour réduire les consommations – encore que pour l'éco-conduite, par exemple, il n'y ait pas besoin d'investissement ? Quant aux collectivités locales, non seulement les gains de productivité possibles dans le domaine énergétique sont pour elles énormes, mais elles auraient certainement réalisé ceux qui leur sont demandés – moins par l'État lui-même d'ailleurs que par la nation tout entière. Pour prendre l'exemple de mon ministère, le programme de réhabilitation d'une dizaine de milliards d'euros des 80 000 mètres carrés de son administration centrale sera rentabilisé en six ans.

Vous avez posé, M. Benoit, une question vitale. Notre société ne pourra pas continuer à vivre en pensant que la composition d'un produit est neutre et que son prix actuel de marché est son vrai prix. Aussi, dès la fin de l'année, 300 premiers produits auront leur étiquette écologique de consommation de CO2, la généralisation de l'étiquetage étant proposée par le Grenelle 2 pour la fin 2011. À l'évidence, c'est toute notre économie que l'on va ainsi modifier. Si l'on ne va pas plus vite, c'est parce qu'en la matière tout dépend de la fiabilité de l'information concernant la composition des produits.

Je ne sais pas, M. Manscour, si le prix fixé par tonne de CO2 rejetée est dissuasif ou non. Je constate simplement que le seuil fixé pour le bonus-malus automobile a été dissuasif, bien que l'on nous ait affirmé le contraire à l'époque. Il conviendra simplement de s'adapter, sachant que tout repose sur la progressivité. Quant au produit restitué aux ménages, il s'agira bien du produit versé par ces derniers. Il a d'ailleurs bien été précisé que l'opération serait neutre en termes de pouvoir d'achat. Certes, ce ne sera pas neutre pour tous, mais on assistera bien à une redistribution sociale incidente : pour une famille aisée qui dispose d'une maison de campagne, le coût sera plus élevé que pour les autres.

Votre remarque, M. Tardy, concernant la taxe professionnelle est fondée. Cependant, la contribution climat-énergie n'est pas conçue pour être une charge, mais pour adresser un signal afin que les acteurs, en l'occurrence les entreprises, lancent des investissements qui, in fine, leur feront gagner de l'argent. Il en est allé de même des quotas d'émissions européens : s'ils ont coûté de l'argent, ils ont permis de saisir des opportunités et il n'a pas été démontré que l'industrie européenne en a pâti, bien au contraire.

L'industrie ou le service qui n'entre pas dans cette logique perdra la bataille de la compétitivité. On ne doit se faire aucune illusion à cet égard. Avec la contribution, nous soutenons à la fois le pouvoir des ménages – sachant qu'à défaut nombre d'entre eux subiraient à terme un véritable drame –, et la compétitivité de nos entreprises.

La situation des îles, Mme Le Loch, est à l'évidence particulière, et c'est bien pourquoi nous prévoyons des moyens spécifiques en faveur de l'autonomie énergétique des îles, qu'elles soient de petite ou de grande taille. C'est ainsi qu'à La Réunion, le projet « Réunion 2030-GERRI » vise 50 % d'énergies renouvelables et, à vingt ans, l'autonomie énergétique – laquelle d'ailleurs échappe par définition à la contribution climat-énergie.

Pour ce qui est des moteurs de bateau, leur conception est le secteur qui a le moins progressé puisque le rapport, en termes de consommation, est de deux litres de gazole pour un kilo de poissons. C'est pourquoi il est proposé dans le Grenelle de la mer de consacrer 300 millions d'euros à la recherche en matière de moteurs du futur, au-delà des modifications techniques plutôt futées déjà proposées par des associations de pêcheurs.

Sachant que l'agriculture et la pêche bénéficieront d'une exonération de 75 % de la contribution climat-énergie, le produit de la taxe, soit les 25 % restant, permettront de financer des investissements pour les économies d'énergie dans ces secteurs.

Vous ne pouvez ignorer, Mme Marcel, que le transfert modal représente un investissement de 79 milliards d'euros, toutes collectivités confondues, ce qui permettra de faire en cinq ans ce que l'on a mis trente-cinq ans à réaliser. À cet égard, 500 millions d'euros chaque année seront consacrés à la régénération ferroviaire – laquelle avait d'ailleurs, pour dire les choses honnêtement, été prise en charge par les régions en lieu et place de l'État. La condition des sillons et du parc français est en effet catastrophique, pour reprendre les conclusions du rapport établi par l'École polytechnique fédérale de Lausanne. L'investissement en la matière est donc extrêmement puissant, qu'il s'agisse des autoroutes ferroviaires, des contournements ferrés ou encore des dessertes des ports, sachant que 92 % des sorties de port se font par camion, faute de solution ferroviaire. La ligne directrice adoptée pour corriger la situation, dont la responsabilité est collective, me paraît correcte.

Il est vrai, M. Herth, que les plans climat territoriaux nécessitent pour leur mise en oeuvre une certaine masse critique. Le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, Michel Mercier, devrait proposer un plan espace rural thermique relatif notamment aux centrales à bois. À l'évidence, il manque là un outil afin de rendre le secteur rural aussi performant que des secteurs plus urbanisés.

En conclusion, toute la politique suivie en la matière répond à une logique globale. Ce qui est en jeu, c'est l'avenir de nos enfants et celui de notre compétitivité. Pourtant, il aurait été beaucoup plus facile pour le Gouvernement de renvoyer à 2011 la mise en place pourtant vitale de la contribution climat-énergie, comme d'ailleurs cela avait été envisagé au départ. En tout cas, si le débat sur cette contribution reste ouvert, car l'on peut très bien s'être trompé sur tel ou tel point, au moins mérite-t-on avec cette mesure d'être entendu voire estimé.

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