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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 23 octobre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Article 5

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Tous, nous avons conscience que le réchauffement climatique est un sujet fondamental et que nous avons très peu de temps pour changer complètement notre modèle de croissance. Encore faut-il s'en donner les moyens. Comme toute taxe écologique, la taxe sur le carbone fossile paraît s'imposer : elle devrait même être généralisée à l'ensemble du monde, puisque nous sommes tous concernés par le réchauffement climatique. Toutefois, une taxe écologique a vocation à changer un prix, à prendre en compte le coût que représente, pour l'humanité, la détérioration de l'environnement : elle n'a pas vocation à rapporter de l'argent à l'État, pas plus qu'à exercer des ponctions sur le pouvoir d'achat des ménages ou sur la compétitivité des entreprises.

La logique veut donc qu'une taxe écologique soit compensée : on ne peut la juger qu'en considérant la manière dont elle est compensée. C'est pourquoi, au parti socialiste, nous estimons que l'on ne peut pas distinguer l'article 5 et l'article 6, que l'efficacité du premier dépendra aussi de ce qui figurera dans le second. Or, à la lecture de ces deux articles, nous voyons bien que vous avez construit une taxe carbone qui est à la fois injuste et inefficace.

Elle est injuste parce que, pour certaines personnes, la redistribution forfaitaire que vous prévoyez ne couvrira pas le coût de la taxe carbone. Certes, pour ceux qui ont des revenus élevés, ce ne sera pas un problème : la taxe carbone les incitera à changer leur chaudière ou leurs comportements. Mais, pour ceux qui ont des revenus modestes ou qui sont payés au SMIC, pour un couple avec deux enfants, vivant éloigné des transports en commun, en milieu rural – comme dans l'exemple que cite le rapport –, la taxe carbone coûtera environ 250 euros. Or la compensation maximale sera de 142 euros. Ce qu'il faut bien appeler un prélèvement sur les plus modestes est injuste et n'aura aucune efficacité écologique, car ces dépenses sont contraintes et ces personnes ne pourront pas modifier leurs comportements.

Une vraie taxe carbone ne peut se faire que dans une réforme fiscale d'ensemble. Deux articles, dont le premier instaure la taxe et le second crée la compensation forfaitaire, n'y suffisent pas.

Du reste, vous donnez 11,7 milliards d'euros aux entreprises : il s'agit d'un coût budgétaire qui n'a strictement rien à voir avec celui de la taxe carbone, mais qui n'est pas une compensation, puisque les entreprises qui gagneront ne seront pas forcément celles qui auront perdu. Pourquoi ne faites-vous pas la même chose pour les ménages ? Pour que la taxe carbone soit efficace, il faut réformer, en même temps, l'imposition du revenu et la CSG, en rendant celle-ci progressive, afin de redistribuer aux ménages les plus modestes un montant suffisamment important pour que le signal-prix joue, pour qu'ils puissent changer leurs comportements et ne soient pas perdants. Voilà la vraie logique d'une taxation écologique.

On voit bien pourquoi vous vous arrêtez à 17 euros. Ce n'est pas que vous ayez peur de causer des difficultés à certains ménages ; mais, à l'échelle européenne, le marché des quotas a fixé un prix fictif qui ne reflète pas le vrai coût des consommations d'énergies fossiles. Il n'existe aucune réglementation : il s'agit d'un marché libre de quotas distribués gratuitement. Vous vous arrêtez donc à 17 euros pour ne pas taxer les grands pollueurs.

Cette taxe sera inefficace tant auprès des ménages, puisque vous n'entreprenez pas la réforme fiscale qui devrait aller avec, qu'auprès des entreprises, puisque vous ne touchez pas les grands pollueurs. Une vraie taxe écologique doit afficher d'entrée de jeu sa progressivité et concerner tout type d'énergie, pour éviter tout effet de report et encourager la sobriété énergétique. Enfin et surtout, elle doit avoir un tout autre mode de compensation.

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