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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 15 octobre 2009 à 15h00
Rémunérations des dirigeants d'entreprises et des opérateurs de marché — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Cela nous arrive !

Nous avons déposé, en avril de cette année, une proposition de loi visant à supprimer les bonus et à limiter les rémunérations des dirigeants dans les entreprises recapitalisées par l'État et faisant donc appel aux fonds publics. Qu'a fait la majorité présidentielle ? Elle a voté contre.

Nous sommes bientôt à la fin du second semestre, et force est de reconnaître que rien ou presque rien n'est venu. Ou plutôt si : à peine la bourse se redressait-elle – et avec elle les profits des banques –, que celles-ci provisionnaient de façon scandaleuse pour verser des bonus à leurs dirigeants.

Alors que, chaque mois, des dizaines de milliers de salariés continuent à perdre leur emploi, que d'autres voient baisser fortement leur pouvoir d'achat, les mêmes dérives que celles qui ont conduit le monde dans la crise reprenaient chez nous en toute impunité.

Limiter ces dérives, ce n'est pas seulement une question d'éthique et de morale. C'est aussi et d'abord une question de justice et d'efficacité économique. Car la crise que nous traversons est loin d'être derrière nous. Dans tous les pays, elle a la même origine : une dérive de la finance entretenue par une explosion des inégalités et tout particulièrement par une augmentation incontrôlée des rémunérations des dirigeants.

Depuis 2002, alors que le pouvoir d'achat de 90 % des salariés stagne dans notre pays, celui des dirigeants de sociétés s'est envolé, augmentant de 40 % en moyenne. La rémunération des dirigeants des grandes entreprise a souvent été multipliée par quatre ou cinq pour atteindre, pour les dirigeants du CAC 40 par exemple, la somme de 4,7 millions d'euros annuels, c'est-à-dire trois cents fois le SMIC !

Ce creusement des inégalités marque une rupture historique par rapport à la situation qui a prévalu pendant des décennies, après la Seconde Guerre mondiale. L'écart des rémunérations, qui était de l'ordre d'un à vingt ou d'un à trente dans les années 1960, 1970 et 1980, dans tous les pays dont le nôtre, a littéralement explosé. Au cours des années qui ont précédé cette crise, on retrouve la même explosion que durant la période précédant la crise de 1929.

Or il n'existe aucune justification économique à ce niveau de rémunérations. Rémunèrent-elles le risque ? Non. Elles reposent sur des rémunérations variables – bonus et stock-options – qui ne sont exercées que lorsqu'elles sont favorables. Comment parler de rémunération du risque quand celui qui a échoué part avec un parachute doré ou une retraite chapeau de plusieurs millions d'euros ?

Rémunèrent-elles la performance ? Non. Elles reflètent, en grande partie, les mouvements de la bourse et une situation de rente, entretenue par l'opacité et le contrôle insuffisant des rémunérations des dirigeants.

Qui peut croire que la valeur travail d'un dirigeant du CAC 40 qui touche trois cents fois le SMIC est cent fois supérieure à celle d'un patron de PME dont la rémunération moyenne est de trois SMIC ? Ce rapport d'un à cent a-t-il un sens ? Non !

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