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Intervention de Alain Néri

Réunion du 15 octobre 2009 à 9h30
Encadrement des crédits à la consommation et action de groupe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Néri :

Il y a deux ans, en février 2007, monsieur le secrétaire d'État, je dénonçais déjà, à cette tribune, les crédits revolving. À l'époque, le Gouvernement convenait de la nécessité d'apporter une réponse rapide à cette question. Deux ans et demi plus tard, nous n'avons toujours pas de réponse et les ménages, en particulier les plus fragiles, les plus précarisés par la crise, se trouvent plongés dans une détresse de moins en moins supportable.

Monsieur le secrétaire d'État, il y a eu douze lois depuis 1989, et le problème n'est toujours pas résolu. Ce matin, la représentation nationale a l'occasion d'apporter une réponse claire à la détresse morale, sociale et financière d'un trop grand nombre de nos concitoyens.

C'est pourquoi nous vous demandons la suppression de l'odieux, de l'inique, de l'éhonté crédit revolving, lequel s'adresse aux classes populaires, celles dont le revenu moyen est compris entre 950 et 1 500 euros par mois ; il est devenu pour elles un ersatz de ce pouvoir d'achat perdu par les plus fragiles. Le désastre, c'est que l'on fragilise encore les plus fragiles en leur offrant un crédit à la consommation dont le taux réel est de 20 %. Comment voulez-vous que ces personnes puissent s'en sortir ?

En réalité, monsieur le secrétaire d'État, je ne peux pas croire un seul instant que vous acceptiez, vous et la majorité, de vous faire les complices de ces marchands de malheur, de ces pousse-au-crime qui offrent du rêve aujourd'hui pour que nos compatriotes se réveillent demain, et pour de nombreuses années, en plein cauchemar. C'est intolérable !

Vous nous dites qu'aujourd'hui, le crédit à la consommation est le « coup de pouce » qui permet de soutenir l'économie, de répondre à certains besoins d'équipement. C'était vrai ; cela ne l'est plus. Malheureusement, la situation sociale des plus défavorisés de ce pays est désormais telle que le crédit revolving est utilisé pour les dépenses courantes d'alimentation.

Monsieur le secrétaire d'État, faites l'essai ! Allez dans un supermarché ; et vous verrez, quand vous arriverez à la caisse, on vous demandera : « Est-ce que vous payez aujourd'hui ? » On m'a posé la question, pendant les fêtes de Noël de l'an dernier ; j'ai répondu : « Si le père Noël passe le 17 décembre au lieu du 25 décembre, pourquoi pas ? Si je peux ne pas payer, je ne paye pas ! » Mais j'aurais payé, bien sûr, plus tard, trois ou quatre mois ; on me l'a expliqué, mais sans me préciser le taux d'intérêt.

C'est un véritable pousse-au-crime. On incite à la consommation. Jean Gaubert vous invitait tout à l'heure à la rédemption. Monsieur le secrétaire d'État, ce crédit revolving, ce crédit revolver braqué sur la tempe des plus faibles, n'est en réalité qu'une incitation à succomber à la tentation ; il n'est pas là pour nous délivrer du mal, mais pour nous entraîner encore plus profondément dans les abîmes de la détresse.

En réalité, on applique aux plus pauvres ce que vous avez peut-être lu dans les aventures du sapeur Camember – celui qui creuse un trou pour en boucher un autre – : plus il creuse, plus le trou est profond !

Cela ne peut pas durer, et c'est pourquoi nous vous demandons aujourd'hui de prendre vos responsabilités et de répondre immédiatement à cette urgence sociale. Vous nous dites que vous serez prêts dans deux mois, dans trois mois ; mais un dicton populaire dit : « Ne remettez pas au lendemain ce que vous pouvez faire le jour même ». Eh bien, aujourd'hui, nous pouvons, ici, à l'Assemblée nationale, apporter une réponse à la détresse morale, financière et sociale de nos compatriotes. Ne manquons pas cette occasion.

Vous connaissez les conditions dans lesquelles est vendu le crédit revolving. Je viens de vous citer l'exemple de la caissière qui le propose. Bien sûr, ce n'est pas la caissière qui est en cause. Elle ne fait que ce qu'on lui a dit de faire, et si, malheureusement, elle n'obéissait pas, elle perdrait certainement son emploi. Ce serait là un véritable emploi perdu, contrairement à vos exemples à propos de la consommation.

Je sollicite votre attention la plus grande, monsieur le secrétaire d'État, pour vous dire qu'il faut absolument séparer le lieu de vente du crédit de son lieu d'achat. Sinon, il n'y a plus de temps de réflexion J'ai déjà évoqué la tentation de cette société de consommation qui vous met sous le nez tous ces produits, qui vous incite en permanence à consommer même si vous n'en avez pas les moyens.

Nous appelons à la responsabilisation de l'emprunteur, mais aussi du prêteur. Vendre ces crédits aux plus défavorisés, c'est un abus de confiance, voire, plus grave, un abus de faiblesse : c'est à ceux qui sont le moins capables de comprendre ce qui se passe, les moins capables de se défendre, que l'on offre ce crédit qui va les plonger dans la misère.

Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne défendiez, comme nous, une meilleure cohésion sociale, que vous ne soyez favorable à davantage d'égalité, d'équité, de justice sociale. Eh bien, c'est le moment de le démontrer. Aux actes, car c'est aux actes que l'on juge !

Or vous indiquez que l'on va attendre. Je ne voudrais pas dramatiser la situation, mais on nous a déjà chanté la même chanson à propos de France Télécom. Lorsque nous avons, les uns et les autres, sollicité l'attention de la direction pour lui signaler qu'il se passait dans l'entreprise des choses qui ne pouvaient pas durer, que cela allait mal se terminer, on nous riait au nez en disant que nous exagérions, qu'il y avait un management, et que sais-je encore ! Et puis il y a eu les suicides. Ils sont maintenant devant vous, parce que vous avez trop tardé à réagir. Ne commettez pas la même erreur : il y a des gens, aujourd'hui, qui se suicident parce que le crédit revolver a tiré sur leur tempe, parce qu'ils ne peuvent plus joindre les deux bouts !

Il y a urgence. Ne remettez pas à demain ce que vous pouvez faire aujourd'hui ! Votez cette proposition de loi.

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