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Intervention de Philippe Folliot

Réunion du 16 octobre 2009 à 9h30
Délimitation des circonscriptions des députés — Article unique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Folliot :

Je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit il y a un instant, mais j'aimerais lire la lettre que je vous ai adressée le 29 juillet dernier. J'espère que cela vous donnera le temps de préparer votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.

« Monsieur le Ministre,

« J'ai pris note que lors du conseil des ministres de ce matin, pour ce qui a trait au redécoupage concernant le département du Tarn, vous avez choisi de persévérer dans votre projet initial.

« Cela appelle de ma part des remarques tant de forme que de fond.

« Sur la forme tout d'abord, lors de notre seule et unique rencontre sur ce sujet au mois d'octobre dernier, alors que vous me faisiez part de vos projets en compagnie de M. Hervé Fabre-Aubrespy, conseiller du Premier ministre et de M. Ange Sitbon, permanent de l'UMP, je vous indiquai mon opposition à votre projet se traduisant plus particulièrement par une cassure des villes d'Albi et de Castres partiellement regroupées, et mon souhait que soient respectées les logiques territoriales, démographiques et historiques par un retour aux grands équilibres des circonscriptions de 1958. Vous m'expliquiez que cela vous semblait contradictoire avec votre objectif « de préserver les intérêts du député UMP Bernard Carayon ». Vous m'indiquiez que vous chargeriez M. le préfet du Tarn d'une consultation de l'ensemble des forces politiques du département, et qu'éventuellement vous tiendriez compte de ses suggestions avant la saisine de la commission indépendante prévue à l'article 25 de la Constitution. À l'issue de sa consultation, et répondant au voeu quasi-unanime – à l'exception de l'UMP – de l'ensemble des forces politiques du département, celui-ci proposait un scénario sur les bases des circonscriptions de 1958. Malgré cela, lors d' un échange avant la saisine de la « commission Guéna », vous me précisiez vous sentir obligé de maintenir vos propositions initiales tout en déclarant, compte tenu de leur nature, « ne vous faire guère d'illusions sur les conclusions de cette commission », laissant supposer que vous en tiendriez compte avant la saisine du Conseil d'État. L'avis sans ambiguïté de la « commission Guéna » est tombé, réécrivant totalement pour le Tarn la proposition initiale du Gouvernement en reprenant pour l'essentiel le redécoupage de 1958. Avant la saisine du Conseil d'Etat vous m'expliquiez au téléphone votre volonté de ne pas suivre l'avis de la « commission Guéna » tant que celui-ci ne serait pas confirmé par le Conseil d'État, tout en m'expliquant que « l'installation d'un nouveau régiment à Castres serait une bonne compensation » ! Je constate amèrement qu'après un nouvel avis défavorable, cette fois-ci du Conseil d'État, vous avez une nouvelle fois choisi de ne pas en tenir compte. Je m'interroge sur l'opportunité et l'intérêt de tels concertations et avis si c'est pour les ignorer systématiquement...

« Par ailleurs, au-delà d'un certain manque de courage dans cette affaire puisque vous n'avez même pas pris la peine de m'appeler contrairement à vos engagements initiaux, je suis outré que vous osiez justifier, comme me l'a confirmé le journaliste intéressé, le redécoupage du Tarn en faisant écrire dans un article du Monde en date des 27-28 juillet qu' il est le résultat d'un « subtil équilibre [...] pour préserver le siège de l'actuel député Nouveau Centre Philippe Folliot ». Une telle présentation des choses, parfaitement contraire à la vérité, me révolte, et le fait que vous n' assumiez pas le caractère politicien d'une telle manoeuvre au seul profit du député UMP du département me désole.

« Sur le fond, mon analyse, partagée officiellement et unanimement entre autres par l'Association des maires du Tarn, demeure inchangée : votre projet est contraire aux logiques démographique, géographique et historique de ce département. Comme l'a proposé la « commission Guéna », un autre redécoupage est non seulement possible mais souhaitable à travers un retour rééquilibré aux trois circonscriptions de 58-86 : Castres-Mazamet-montagne, Albi-Carmaux-Ségala, Gaillac-Graulhet-Lavaur. Celui-ci respectera mieux et durablement les critères démographiques fixés par la loi d'habilitation (4 000 habitants d'écart entre la circonscription la moins peuplée et la plus peuplée contre 19 000 dans votre projet), tout en prenant en compte les réalités historiques des bassins de vie et les structures administratives communales et intercommunales. Mais, par-dessus tout, il sera mieux compris par nos concitoyens qui cherchent dans la démocratie représentative des repères et des réponses à leurs préoccupations quotidiennes.

« N'ayant qu'une parole, assumant tous mes choix de député depuis 2002, je crois encore à certains principes. Aussi, par courtoisie républicaine, est-ce par écrit que je vous informe de mon intention de déposer dans les prochains jours un recours devant le Conseil d'État contre votre ordonnance et de ma volonté d'utiliser toutes les voies possibles pour m'opposer à votre projet. En effet, je pense qu'un redécoupage ne doit pas être construit en vue d'être favorable à tel ou tel mais doit se faire avec un esprit et une volonté de respect des principes républicains et des règles élémentaires de la démocratie, qui, visiblement, ne le sont pas ici, comme les élus tarnais de tous bords vous l'ont écrit.

« J'espère vous lire, vous voir ou vous entendre très prochainement et, en l'attente, vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Philippe Folliot »

Il est vrai, monsieur le secrétaire d'État, que j'ai eu un accusé de réception téléphonique, au travers d'un message que vous avez laissé le 31 juillet dernier au soir, de Montpellier, sur ma messagerie. Vous m'y précisiez que vous n'étiez pas à Paris mais que, dès que vous prendriez connaissance de ce courrier, vous me répondriez en me rappelant ou en m'écrivant. Malheureusement, tel n'a pas été le cas et je le regrette.

Cela étant, j'ai déposé un recours devant le Conseil d'État – un référé et un recours au fond. Lors de la défense du référé, le représentant du Gouvernement a soutenu qu'il n'était pas judicieux ni utile d'accepter le référé de M. Folliot, ainsi que ceux qui avaient été déposés par d'autres députés ou par des formations politiques, au motif que, le Parlement ayant jusqu'à la fin du mois de novembre pour ratifier l'ordonnance, le délai était largement suffisant pour que le Conseil d'État puisse se prononcer au fond. Je constate qu'en dépit d'un ordre du jour très chargé, que le représentant du Gouvernement avait précisément invoqué comme argument pour défendre sa position, vous avez finalement choisi de faire examiner ce texte par l'Assemblée nationale plus tôt, la conséquence étant que le Conseil d'État n'a pas pu se prononcer au fond. Cela pose un problème de droit, mes chers collègues, puisque, après le vote de ce projet de loi ratifiant l'ordonnance, aucun recours ne sera plus possible, ce qui est contraire à tous les principes élémentaires du droit, lesquels assurent un recours avant ou après la décision. La seule possibilité serait en effet de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. Or, monsieur le secrétaire d'État, vous n'êtes pas sans savoir que seuls les groupes disposant de soixante députés au moins peuvent déposer un recours devant le Conseil constitutionnel, les élus d'un groupe ne disposant pas du nombre de députés requis se trouvant dès lors empêchés d'exercer une telle faculté.

Monsieur le président de la commission des lois, vous qui êtes un juriste averti et un homme soucieux d'assurer l'État de droit, vous reconnaîtrez avec moi qu'un tel état de fait mérite réflexion. À un moment ou à un autre, nous devrons nous interroger ! Je le répète : le fait de ne pas pouvoir contester une décision pose un problème en termes d'équilibre démocratique et d'organisation des pouvoirs.

J'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez enfin la réponse à ma lettre et que vous allez pouvoir nous en donner lecture, ce qui serait une manière plus honorable de conclure nos débats.

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