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Intervention de Jean-Luc Pérat

Réunion du 16 octobre 2009 à 9h30
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Pérat :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui apparaît certainement, aux yeux d'un grand nombre de nos concitoyens, comme purement technique, totalement déconnecté de leurs urgences et de leurs difficultés du présent, voire autocentré sur nos nombrils de parlementaires. Il convient pourtant d'essayer de les éclairer.

Comme le Conseil Constitutionnel l'a justement rappelé, le peuple français n'a pas un représentant – le Président de la République –, mais des représentants : le Président et les parlementaires. Dès lors, le mode d'élection de ces derniers détermine directement la manière dont est prise en compte la voix de chaque citoyen de ce pays, qui devrait respecter son droit à l'égalité où qu'il habite.

De ce point de vue, rectifier le découpage des circonscriptions législatives était indispensable, nous en convenons tous. Il aurait été en effet injustifiable d'organiser en 2012 une élection basée sur le recensement datant de 1982. Cet exercice n'est du reste pas simple, nous en convenons également. Le découpage parfait n'existe certainement pas. Cependant, l'observation stricte des règles fixées par le législateur aurait pu, aurait dû, conduire à un résultat incontestable, gage d'une légitimité sans faille pour les prochaines législatures.

Las ! La tentation d'user des ciseaux électoraux afin de faciliter la conservation future du pouvoir était sans doute trop forte, monsieur le secrétaire d'État, vous qui êtes en même temps le spécialiste des questions électorales de l'UMP. C'est sans doute pourquoi, dans de nombreux départements, tels le Pas-de-Calais, la Moselle, Paris et tant d'autres, les principes constitutionnels de découpage, notamment le respect du critère démographique, ont été bien mal appliqués.

C'est également la raison pour laquelle, dans d'autres départements, comme le Nord, au lieu de chercher à réduire les écarts de population par rapport à la moyenne ou à respecter l'unité des territoires et des bassins de vie, c'est plus la volonté de favoriser les uns au détriment des autres qui a dominé. Cela est d'autant plus regrettable que vous disposiez, après la présentation de votre premier projet, d'une seconde chance d'assurer la légitimité de ce découpage. Il suffisait, comme cela se pratique d'ailleurs dans de nombreuses démocraties, que le Gouvernement se rallie sans exception à l'avis rendu par la commission prévue à l'article 25 de la Constitution, dite commission Guéna.

Il n'en a malheureusement rien été. Vous avez préféré faire un tri, ne retenant que quelques propositions, et pas les plus significatives du point de vue du rapport gauche-droite. Vous avez d'ailleurs été aidé en ce sens par la commission elle-même, dont je ne m'explique toujours pas la décision de créer une nuance, juridiquement indéfinie, entre propositions et suggestions, autrement que par la volonté de faciliter ensuite la décision de passer les secondes en pertes et profits.

Le projet de découpage tel qu'il nous est proposé, lorsqu'on le compare aux suggestions formulées par la commission et non retenues, soulève trois critiques principales, de nature démographique, démocratique et territoriale. Le cas de l'arrondissement d'Avesnes, territoire dont je suis élu, est symbolique de cette situation. Il me servira à illustrer ces trois points.

Du point de vue démographique, d'abord, le découpage de l'arrondissement d'Avesnes n'est pas, contrairement à la suggestion de la commission, la solution présentant les écarts les plus faibles par rapport à la moyenne départementale. Au contraire, elle crée un monstre, la future troisième circonscription du Nord, totalisant plus de 143 000 habitants, la plus importante du département, la seconde de France. Autant dire que l'égalité républicaine est mise à mal face à certains députés qui, ailleurs en métropole, seront élus par moitié moins de citoyens, comme en Lozère ou dans le Cantal. Et encore, je veux louer ici la sagacité du Conseil constitutionnel qui a fait droit à la demande du groupe socialiste de mettre fin à un minimum de deux députés par département.

Le biais démocratique découle d'ailleurs de ces déséquilibres démographiques. Il faut préciser que les cantons de Maubeuge et de Trélon, qui formeront le gros de cette troisième circonscription, regroupent en même temps les populations présentant des indicateurs sociaux, économiques et sanitaires parmi les plus inquiétants de France. Comment, dès lors, ne pas relever la part de cynisme présente dans la proposition de faire de cette population, déjà fortement défavorisée, l'une des moins équitablement représentées démocratiquement ? Un Mendois ou un Aurillaçois vaudra deux Maubeugeois !

Quant aux territoires et aux bassins de vie, ils sont les plus grands perdants de ce projet. Certes, constitutionnellement, le député n'est pas l'élu d'un territoire, mais celui de la nation tout entière. Cependant, cette théorie se trouve totalement battue en brèche par la réalité de l'exercice du mandat de député. Je ne connais aucun collègue sur aucun banc de cette assemblée qui me contredira sur ce point. Le député est bel et bien, dans les faits, l'élu d'un territoire, et il doit être identifié comme tel par les citoyens et les acteurs de sa circonscription. D'ailleurs, le choix de maintenir des unités territoriales départementalisées pour les élections législatives montre bien que cet aspect existe et qu'il possède même une importance centrale.

Pourtant, alors que l'arrondissement d'Avesnes se découpe naturellement en deux territoires distincts aux populations comparables – le Val de Sambre au nord, espace urbanisé à vocation industrielle et tertiaire le long de la Sambre, et un territoire plus rural et à vocation artisanale au sud, regroupant l'essentiel du territoire du parc naturel régional de l'Avesnois –, l'arrêté préfère à cette répartition nord-sud une répartition est-ouest dénuée de toute logique territoriale ou historique.

Quant à la ville d'Avesnes-sur-Helpe, qui compte 5 051 habitants, elle se retrouve écartelée entre deux circonscriptions. Certes, cela ne contrevient pas fondamentalement au principe posé par le Conseil constitutionnel de non-découpage des communes de moins de 5 000 habitants. Cependant, cela constitue une partition nouvelle qui contrevient à l'objectif affiché de réduction du nombre de petites communes écartelées.

Face à ce saucissonnage, nous ne pouvons que nourrir les pires craintes vis-à-vis de l'autre projet que vous conduisez, monsieur le secrétaire d'État, celui de la réforme territoriale et de la refonte de la carte intercommunale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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