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Intervention de François Asensi

Réunion du 14 octobre 2009 à 15h00
Délimitation des circonscriptions des députés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Asensi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui amenés à discuter du contenu d'ordonnances déjà publiées et auxquelles il ne manque que l'onction législative, au terme d'un processus qui a court-circuité les prérogatives de l'Assemblée nationale en habilitant le Gouvernement à revoir la carte des circonscriptions législatives par ordonnance.

Cette procédure, très peu respectueuse de notre fonction, entre en contradiction flagrante avec le discours sur la revalorisation des droits du Parlement pourtant mis en avant lors de la réforme constitutionnelle.

Nous sommes amenés à nous prononcer sur un texte par nature difficilement amendable, un texte dont les enjeux essentiels semblent actés. Pourtant, de nombreuses dispositions ne respectent nullement nos règles républicaines et contreviennent à l'expression démocratique des suffrages, tant dans les écarts maintenus entre les circonscriptions électorales que dans la création de nouvelles inégalités entre catégories de citoyens. Difficile, dans ces conditions, de ne pas suspecter la majorité de concocter une nouvelle carte électorale partiale qui empêchera la gauche de revenir au pouvoir dans cette assemblée.

Je reviendrai, dans un premier temps, sur les violations les plus flagrantes de l'égalité de ce redécoupage, avant de m'attarder plus longuement sur les enjeux démocratiques que soulève l'examen de ce texte.

Si j'entends vos propos, monsieur le secrétaire d'État, le texte que nous examinons consisterait en un simple ajustement de la carte électorale, une actualisation statistique, démographique de la délimitation des circonscriptions. Ne nous laissons pas abuser par ce discours lénifiant et techniciste. La modification du système électoral est un exercice hautement politique, car il s'agit de déterminer de quelle manière les outils institutionnels représenteront les orientations décidées par le peuple dans les urnes.

Dans cette tâche, un principe doit nous aiguiller en permanence, celui de l'égalité des citoyens devant le suffrage, qui a acquis valeur de loi fondamentale par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une égalité inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen conquise au fil des combats révolutionnaires.

En clair, qu'est-ce que le principe de l'égalité des citoyens devant le suffrage ? Le fait que la voix d'un citoyen ait le même poids, quelle que soit l'orientation politique de son vote, ou le lieu du vote.

Vous avez rappelé avec raison les multiples recommandations du Conseil constitutionnel appelant à un redécoupage électoral, au vu des écarts de population inacceptables entre les circonscriptions, des écarts de un à six entre la deuxième circonscription de Lozère, 34 374 habitants, et la deuxième circonscription du Val-d'Oise, 188 200 habitants.

Si nous nous accordons sur l'impérieuse nécessité de ce redécoupage, notre désaccord est total quant à la méthode mise en oeuvre et aux partis pris de ce texte. Manifestement, nous avons affaire à un découpage en violation du principe d'égalité des citoyens devant le suffrage. En dehors des règles juridiques, il se révèle orienté politiquement pour favoriser l'emprise d'une majorité, et je vais vous en donner quelques exemples.

Premier exemple : les inégalités de populations entre les circonscriptions métropolitaines.

Le projet de ratification que vous nous présentez maintient une inégalité forte entre la représentation des villes et celle des campagnes, dont ne sont pas absentes les considérations électorales. En dépit de nos mises en garde, le Gouvernement s'est arc-bouté sur une prétendue tradition pour maintenir un minimum de deux députés par département. Fort heureusement, le Conseil constitutionnel a explicitement censuré votre projet de loi d'habilitation dans sa décision du 8 janvier 2009, en rappelant que la délimitation des circonscriptions s'effectuait sur une base « essentiellement démographique ».

J'ajoute que je comprends mal cette obstination à vouloir faire des députés les représentants des territoires, alors qu'il existe une autre assemblée pour ce faire, le Sénat, une assemblée qui, elle-même, s'éloigne de plus en plus de l'évolution démographique, accordant un poids disproportionné à la ruralité. Tel est le choix opéré par la majorité pour préserver son électorat conservateur.

Je suis pour ma part attaché à ce que les députés soient les représentants du peuple, et que les citoyens disposent d'une égale représentation. De ce point de vue, d'intolérables écarts demeurent dans la carte électorale que vous soumettez à ratification. Comment justifier que la deuxième circonscription des Hautes-Alpes dispose d'un député pour 60 000 habitants, quand la sixième de Seine-Maritime a besoin de 146 000 habitants pour obtenir ce même député ?

Sur l'ensemble du territoire métropolitain, les moyennes départementales varient de 65 000 à 125 000, soit du simple au double. Cela signifie-t-il que certains habitants « valent » deux fois moins que d'autres ? Pour prendre l'exemple de la Seine-Saint-Denis, la moyenne départementale atteint 124 331 habitants, une moyenne qui n'est dépassée que par deux départements, la Seine-Maritime et le Puy-de-Dôme. Faut-il y voir un simple hasard,…

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