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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 13 octobre 2009 à 15h00
Ouverture à la concurrence des jeux d'argent en ligne — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

En l'absence de toute législation communautaire, c'est le droit national qui s'applique. Dans le respect des traités existants, la jurisprudence reconnaît le droit des États à maintenir un monopole et des restrictions légales sur le secteur des jeux, pourvu qu'ils soient dûment motivés, respectent des raisons impérieuses d'intérêt général, soient strictement proportionnés et non discriminatoires.

La seule contrainte émanant de Bruxelles venait de la Commission européenne, qui demandait à la France de mettre sa politique en cohérence avec les raisons invoquées pour maintenir le monopole public. En clair, si la France défend l'intérêt général et veut, pour cela, limiter l'ampleur des jeux, elle peut maintenir son monopole. Le choix dangereux que vous avez fait n'est donc pas dicté par l'Europe, mais fondé sur une conception libérale du secteur des jeux, située aux antipodes de la réglementation qui prévaut en France depuis le XIXe siècle.

Le deuxième argument avancé pour justifier l'ouverture à la concurrence articule lutte contre l'offre illégale de jeux et de paris en ligne, et préservation de la santé publique.

Pour ce qui est de la lutte contre l'offre illégale, vous avez, comme le rapporteur, fait un aveu d'échec par anticipation, puisque vous avez affirmé que l'arsenal juridique existant permettrait de faire obstacle au développement de l'offre illégale – dans ce cas, que n'avez-vous déployé cet arsenal dès l'apparition des jeux en ligne ? – et que la compétence territoriale des juges entravait les poursuites.

En matière de lutte contre la fraude, on ne le sait que trop : tout est affaire de volonté et de courage politiques. L'aveu d'impuissance de l'État augure mal de son action future en matière de lutte contre l'offre illégale.

Les arguments selon lesquels l'ouverture à la concurrence et la publicité qui l'accompagne permettraient de préserver l'ordre social et la santé publique ne sont pas plus recevables. Il est en effet paradoxal d'exposer les joueurs, sous couvert de les protéger, à une publicité massive en faveur de l'offre légale : ne sait-on pas que, en matière de jeux, il n'y a pas d'autre moyen d'éviter les comportements addictifs et compulsifs, pour préserver la santé publique, que de réduire le plus possible l'offre ? Certes, vous avez saupoudré votre texte de quelques garanties louables – création de l'ARJEL, encadrement a minima de la publicité,engagements des opérateurs –, mais elles sont très insuffisantes face aux risques que constitue la libéralisation.

Dans le domaine sportif, le texte, qui légalise le pari à cote – pratique interdite dans de nombreux pays pour son éthique discutable –, n'organise rien de moins que la possibilité pour les sociétés sportives de contracter directement avec les opérateurs de jeux et de paris. Il ouvre ainsi la voie aux dérives que connaît le Royaume-Uni, où fraudes, corruption et trucages font régulièrement la une des journaux. Par ce biais, le texte met en péril le financement équitable du sport via les fédérations sportives, alors que les changements de taux et d'assiette des prélèvements font planer une incertitude sur le niveau des recettes allouées au CNDS.

Pour la filière hippique, si nous ne pouvons que nous réjouir du maintien de la forme mutuelle des paris, nous craignons que l'ouverture à la concurrence n'hypothèque les retours sur la filière, qui emploie directement 70 000 personnes et contribue à en faire vivre 120 000.

Enfin, le texte porte une contradiction irréductible entre le signal qu'il envoie à nos concitoyens et les discours du Président de la République sur la valeur travail et la moralisation du capitalisme financier, preuve, s'il en était besoin, que le Gouvernement ne connaît qu'une valeur : le fric. À côté du « travailler plus pour gagner plus », on pourra désormais, avec la bénédiction de l'État, « parier plus pour perdre plus », alors même que 47 % des joueurs de notre pays sont des personnes en très grande précarité.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR votera contre le texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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