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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 7 octobre 2009 à 15h00
Ouverture à la concurrence des jeux d'argent en ligne — Discussion d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état :

Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, nous commençons enfin l'examen en séance du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne. Tout au long de la très longue préparation de ce texte, toutes les opinions se sont exprimées, de ceux qui souhaitaient une ouverture très large à ceux qui la refusaient coûte que coûte. Sans caricaturer les propos des uns et des autres, nous avons choisi, sur un sujet difficile, une voie médiane que je crois juste et efficace : celle de l'ouverture maîtrisée.

Parlons d'abord de l'ouverture. Il n'est pas possible de continuer à faire comme si de rien n'était. Il n'est pas réaliste de préconiser de ne rien changer, et cela pour deux raisons principales.

D'une part, l'ouverture répond à une situation qu'il faut admettre : les jeux sur internet explosent. La demande des joueurs français, le montant des mises, le nombre de sites en langue française, tout cela progresse avec des taux à deux chiffres. Chaque jour, 25 000 sites proposent des jeux dans tous les domaines, avec un montant de mises qui, en France, oscillent entre 3 et 4 milliards d'euros.

D'autre part, face à cette demande, il existe une offre illégale pléthorique. Et c'est bien là tout le problème. L'histoire de l'humanité montre que le jeu a toujours fait partie de la vie des sociétés humaines. Il y aura donc toujours une demande de jeux. Mais il faut pouvoir la contenir, empêcher qu'elle ne soit excessive, qu'elle n'entraîne une dépendance, qu'elle ne conduise les mineurs à chercher un refuge dans le jeu. C'est un véritable enjeu de santé publique.

Mais comment maîtriser la demande quand l'offre est illégale ? Comment croire qu'on peut lutter contre le jeu excessif, quand le jeu est caché ? Comment l'État peut-il agir, lorsque tout se passe dans un univers qui lui échappe ?

Ce qui vaut pour la dépendance vaut bien sûr pour tous les autres sujets qui ont justifié l'ensemble des règles que le législateur a imposées aux acteurs historiques du jeu en France, à la Française des Jeux, au PMU et aux casinos.

Lorsque le jeu est illégal, quelle protection des mineurs peut-on espérer mettre en place ? Quelle protection de l'éthique des compétitions sportives ? Quelle protection – et quelle transparence – des mouvements financiers ? Quelle protection de la filière hippique ?

C'est à toutes ces questions qu'il nous faut répondre, et non aux faux débats, aux caricatures et aux tentatives de polémiques que j'ai pu entendre. Je parle de la protection du joueur, et on me parle d'un restaurant célèbre. Je parle de l'éthique du sport, et on me parle de copinage. Quelle légèreté ! Il ne suffit pas de crier « alerte au jeu » et de partir en courant. Non, il faut éteindre l'incendie et prendre des mesures concrètes. Je veux réguler, maîtriser, canaliser, organiser l'offre de jeux en ligne.

Que les choses soient donc bien claires : l'ouverture n'est pas liée à un quelconque diktat de la Commission européenne ou à une quelconque directive. Non, elle est liée à un constat : l'État doit occuper toute sa place dans le domaine des jeux sur internet.

Je ne veux pas plus de jeux, je veux plus de règles. Je veux mettre fin aux univers parallèles. Je veux mettre fin à la jungle des sites illégaux. Je veux que le légal chasse l'illégal.

Bien sûr, pour répondre à ce développement de l'offre et de la demande, on pourrait être tenté, dans un premier temps, de maintenir l'interdiction totale, sauf pour les monopoles. C'est ce que nous faisons sur le marché « en dur », le marché physique, car le risque de marché parallèle est quasi inexistant. En revanche, ma conviction est claire : l'interdiction générale sur internet, c'est-à-dire le maintien du monopole, ne peut pas fonctionner. Ce serait l'échec garanti. Je récuse fermement l'idée selon laquelle nous n'aurions d'autre alternative qu'entre la jungle et la prohibition. La meilleure réponse face aux sites illégaux, c'est d'assécher progressivement le marché noir en créant une large offre légale, obéissant aux règles édictées par le législateur, et d'associer à cette démarche, en complément, des outils de lutte contre les sites illégaux.

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