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Intervention de Jérôme Cahuzac

Réunion du 7 octobre 2009 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur les suites du sommet du g 20 et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Cahuzac :

Monsieur le Premier ministre, quand vous considériez, en 2007, avec un déficit budgétaire de moins de 40 milliards d'euros et un stock de dettes de l'ordre de 60 % du PIB, être à la tête d'un État en faillite, quels mots allez-vous employer pour décrire la situation actuelle, alors que le déficit de l'État est passé à 141 milliards d'euros et que le stock de dettes avoisine les 85 % du PIB ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Oui, ce fut une faute à 20 milliards d'euros, et nous n'aurons de cesse de vous la rappeler, car c'est le rôle de l'opposition que de rappeler les erreurs de la majorité.

Une deuxième menace pèse sur la croissance, celle de la guerre monétaire. Nous savons que les États-Unis vont laisser filer à la baisse la valeur de leur monnaie. Nous savons également que les conservateurs britanniques, dont tout indique qu'ils s'apprêtent à gagner les prochaines élections, sont beaucoup moins européens et beaucoup plus atlantistes que leurs collègues travaillistes, ce qui n'est pas peu dire. Une dévaluation compétitive de la livre ne les effraiera pas.

Oui, nous pouvons craindre pour notre commerce extérieur, du fait d'une parité des changes très défavorable à l'euro. C'est donc le second moteur de la croissance dans notre pays qui se trouve sévèrement menacé, mais rien n'a été fait pour traiter préventivement cette question monétaire, que vous n'avez d'ailleurs pas jugé bon, monsieur le Premier ministre, d'aborder dans votre allocution.

Troisième point de désaccord enfin, le pouvoir d'achat, dont une étude américaine nous indique qu'il stagnera ou régressera en 2010, comme ce fut le cas en 2009.

Il n'y aura donc pas d'investissement puisque la dette est telle que l'épargne est siphonnée par le financement des charges courantes de l'État à la tête duquel vous êtes, monsieur Fillon ; pas d'investissement pour les entreprises qui en auraient pourtant bien besoin. Il n'y aura pas non plus de croissance par le commerce extérieur, puisque la guerre des monnaies – on peut le craindre – va faire rage. Il n'y aura pas enfin de relance de la consommation faute de pouvoir d'achat. La consommation en Europe et en France peut légitimement nous inspirer les plus grandes craintes, et le sommet de Pittsburgh ne nous a nullement rassurés sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Les paradis fiscaux sont pour nous une autre cause d'inquiétude. Je vous donne bien volontiers acte des percées décisives intervenues lors du G 20 de Londres : prétendre le contraire ne serait pas raisonnable, pas davantage qu'il ne serait raisonnable d'affirmer qu'à Pittsburgh les avancées ont été comparables. À moins que vous ne m'expliquiez comment le seul fait qu'un pays non coopératif signe des accord avec douze autres pays fasse disparaître les paradis fiscaux. Car il faut savoir que, si Monaco a pu sortir de la liste grise, c'est qu'il a en effet signé des accords de coopération avec le Qatar, les Îles Vierges, Andorre, le Liechtenstein, le Luxembourg… En d'autres termes, tous ces États pourront désormais échanger des informations sur leurs contribuables respectifs, innovation dont je doute qu'elle fasse trembler les contribuables monégasques ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne sommes donc pas satisfaits.

Enfin et surtout, le président de la République française et la Chancelière allemande avaient conjointement demandé que l'on taxe les transactions financières émanant de ces paradis fiscaux. Or sur cette mesure, qui aurait obtenu notre accord et reçu nos applaudissements, vous n'avez pas obtenu gain de cause, faute peut-être de l'avoir défendue avec suffisamment de conviction.

Quant aux banques, la vérité, monsieur le Premier ministre, c'est que l'économie « casino » a repris, à supposer qu'elle se soit jamais arrêtée : il est en effet difficile de faire cesser en quelques mois des pratiques prospères depuis vingt ans. Des coups de frein plus vigoureux auraient cependant pu être donnés pour empêcher par exemple les provisions fabuleuses faites pour les seuls bonus aux États-Unis mais aussi en France : vingt milliards de dollars pour Goldman Sachs ; un milliard d'euros pour la BNP ou la Société générale.

Concernant ces bonus, vous nous avez présenté la mesure arrêtée par le G 20 non en vous appuyant sur le texte un peu ardu du communiqué de vingt-trois pages, mais selon l'interprétation que vous en faites. Les bonus pourraient être plafonnés en fonction du produit bancaire et dans l'hypothèse d'une capitalisation malsaine de l'entreprise. Mais qui décidera de l'aspect sain ou malsain de la capitalisation ? On l'ignore. Qui décidera du montant du pourcentage ? On l'ignore. Qui sera touché par cet éventuel plafonnement ? On l'ignore.

Le président Nicolas Sarkozy a prétendu en marge du sommet de Pittsburgh qu'il avait convaincu le monde que la solution française était la bonne. Or j'ai lu une déclaration du président Obama qui refusait tout plafonnement. Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, vous devriez peut-être informer le monde des propos de M. Sarkozy, car il n'est manifestement pas au courant ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Rien n'a été décidé non plus concernant la régulation au niveau mondial. La disjonction perdure entre une économie mondialisée et des régulations nationales. Certes c'est une question délicate, mais comment faire l'impasse là-dessus ?

Quant à la régulation au niveau national, elle ne progresse pas. Madame la ministre, vous nous aviez dit attendre monts et merveilles du comité d'éthique du MEDEF : je constate que le Premier ministre n'en a même pas parlé, pas plus qu'il n'a mentionné le superviseur des rémunérations dont vous nous aviez annoncé la création. Je mets d'ailleurs quiconque au défi de me citer son nom, tant il est discret dès lors qu'il s'agit de déterminer les rémunérations de certains dirigeants d'instituts bancaires ou financiers.

Il n'y a donc ni microrégulation ni macrorégulation. Nous ne sommes pas convaincus par vos mesures et nous craignons que l'actualité économique n'apporte dans les prochaines semaines et les prochains mois son lot de révélations concernant tel ou tel dirigeant d'entreprise ou de banque s'étant vu attribuer des sommes astronomiques et indécentes, qu'il s'agisse de stock options, de retraites chapeaux ou de bonus.

Vous avez cité M. Dominique Strauss-Kahn, monsieur le Premier ministre, et je vous en remercie. Le Financial Times, qui ne s'est pas montré par le passé particulièrement favorable au directeur du FMI, a pourtant souligné qu'il était un Français qui avait réussi à imposer son leadership au niveau mondial. Ce Français-là, monsieur le Premier ministre, n'est pas celui que vous voulez nous faire croire, ce n'est pas celui que votre majorité espère. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement.)

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