Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 15 septembre 2009 à 21h30
Loi pénitentiaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

…mais ils sont largement insuffisants.

En effet, deux principes auraient dû figurer dans ce texte mais ne s'y trouvent pas.

D'une part, et conformément aux engagements internationaux de notre pays, l'enfermement des mineurs doit rester l'exception.

D'autre part, le projet de loi ne pose ni le principe d'un enfermement individuel des mineurs, ni celui d'un enfermement adapté où les mineurs n'entrent pas en contact avec des adultes condamnés.

Il est donc bon de revenir aux fondamentaux. La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 dispose dans son article 37 que « l'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible ».

De façon générale, seule la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur peuvent conduire le juge à déroger au principe de non-enfermement.

Aujourd'hui, les peines de prison représentent en France un tiers des peines prononcées à l'encontre des 13-16 ans et près de 40 % de celles prononcées contre les 16-18 ans, ce qui n'est pas négligeable, et montre que la justice n'est pas spécifiquement laxiste les concernant.

Classiquement, on oppose les pays dits de « protection » où la prison des mineurs est réellement l'exception, aux pays de « justice » où prévaut une assimilation croissante des mineurs aux adultes.

Pourtant, il existe un modèle digne d'intérêt : la justice réparatrice. Elle prévoit des mesures de substitution, qui permettent la réparation du dommage causé, sont socialement utiles et permettent aux jeunes de saisir l'importance de leurs actes – quand ils sont négatifs, mais aussi, par différence, quand ils sont positifs. Elles permettent de responsabiliser les jeunes face à l'infraction commise.

L'affirmation selon laquelle la prison doit rester l'exception renvoie à l'idée que la société et la justice doivent toujours avoir la possibilité de proposer, et d'appliquer, des mesures alternatives à l'accueil dans des lieux fermés, peu ou pas éducatifs, et bien évidemment alternatives à la prison. Si nous souhaitons d'autres mesures, c'est qu'une telle orientation se justifie par les nombreux constats faits tant par les spécialistes que par le bon sens.

D'autre part, le projet de loi ne pose ni le principe d'un enfermement individuel des mineurs, ni celui d'un enfermement adapté où les mineurs n'entrent pas en contact avec des adultes condamnés. C'est plus que regrettable.

En effet, on sait que l'enfermement peut désocialiser les jeunes encore plus qu'ils ne le sont déjà ; il peut les mettre en relation avec de grands délinquants ou criminels – ce point est extrêmement important puisqu'il renvoie à l'efficacité même de l'enfermement. Enfin, il peut les priver de droits fondamentaux peu garantis, comme le droit aux soins.

Dans ces conditions, ne pas prévoir que les jeunes soient isolés d'adultes délinquants ou de condamnés ayant l'expérience du crime et du vice, élevés – si j'ose dire – au rang de modes de vie, paraît difficilement concevable. C'est pourtant ce qui résulte de la loi.

En 2008, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a mis en cause la possibilité, en France, pour les mineurs d'entrer en contact avec des condamnés adultes, problème que ne résout pas la mise en place des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs – qui ont toutefois, c'est vrai, permis de fermer certains quartiers pour mineurs.

Aujourd'hui, soixante et une prisons pour adultes peuvent toujours héberger des mineurs et toutes ne disposent pas de bâtiments distincts pour les mineurs et les majeurs, ni de cours séparées.

Si nous ne pouvons que nous émouvoir de ces deux manques flagrants du projet, la liste des oublis est plus longue encore.

Je me contenterai d'indiquer que si l'article 26 prévoit que l'administration doit proposer des activités éducatives aux mineurs qui ne sont pas soumis à l'obligation scolaire, le projet de loi ne précise aucunement que ces activités doivent être adaptées à leur âge – ni à leur sexe, comme Aurélie Filippetti l'a rappelé tout à l'heure.

Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a souligné, en 2008, que la France manquait de structures et d'activités adaptées aux mineurs et notamment aux jeunes filles.

Nous avons tous lu un certain nombre d'ouvrages de Montesquieu. Nous avons pu y lire qu'« une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu'elle est juste ». Ce projet aurait pu en faire la démonstration ; il ne l'a pas faite, et c'est dommage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion